« Bisse » : le mot m’était inconnu jusqu’à ce que je découvre, il y a quelques années, la région de Nendaz, près de Sion, dans le Valais, le « pays des bisses ». Si les Alpes offrent aux marcheurs des vues superbes, toutes ces fleurs sauvages que je me plais à nommer quand je les connais, à identifier quand j’ignore leur nom, c’est d’abord l’eau qui les fait vivre : neige et glaciers, torrents, cascades, lacs de haute montagne – et bisses.
Les paysans du Valais, pour échapper aux conséquences de la sécheresse, captent l’eau en altitude depuis des siècles, pour la dévier artificiellement sur les coteaux et arroser leurs cultures d’abricotiers, framboises ou vignes. « Tous les bisses de Nendaz ont leur prise d’eau dans la rivière La Printse, qui prend sa source aux glaciers du Grand-Désert et de Tortin. Les promenades des bisses sont faciles et de faible déclivité, idéales pour les familles, les enfants et les personnes âgées. » (Brochure de Nendaz)
C’est donc sur les chemins des bisses, le long de l’eau qui s’écoule doucement, silencieusement par endroits, court et cascade à d’autres, que les jambes des promeneurs se délient pour aller de Nendaz à Planchouet par le Bisse du Milieu, pour en revenir par le Bisse Vieux, ou bien, variante, de Planchouet à Veysonnaz par le Grand Bisse de Vex – il faut alors prendre le bus postal pour rentrer. Remis en eau pour les touristes après avoir été abandonné, ce Bisse de Vex est l’un des plus variés dans ses aménagements, la promenade y est très agréable, ouverte sur le paysage.
Un jour de beau temps, lorsque les muscles sont bien dégourdis – le chemin demande plus d’attention –, on accède à Siviez par télésiège au plus haut des canaux d’irrigation de Nendaz, le Bisse de Chervé : il n’est plus en activité, ce bisse « aérien et spectaculaire », mais il permet de splendides balades au-dessus des 2000 mètres, soit vers Thyon 2000, où l’on rencontre en chemin un restaurant apprécié des promeneurs, soit vers le lac de Cleuson (lac de barrage à 2186 m) puis, pour les plus sportifs, le lac du Grand-Désert (2642 m).
Six bisses de Nendaz sur huit – je vous les laisse découvrir sur le site de la commune – sont encore « en eau », grâce à un travail formidable et à une attention constante. Les promeneurs sont invités à ne rien y jeter et à ne pas abîmer leurs berges, les bisses sont fragiles. Ce qui me frappe, c’est l’ingéniosité et le travail nécessaires pour faire passer l’eau malgré les difficultés du relief, le plus souvent à ciel ouvert. L’eau circule par endroits protégée par un coffrage de bois ou de fer ; pour le promeneur, des passerelles permettent de contourner un rocher, traverser un torrent. Les gardiens des bisses n’ont pas oublié les bancs ni les tables de pique-nique.
Si l’eau fait le bisse, et l’eau des bisses un billet de vacances à partager avec vous, le pays des bisses, ce sont bien sûr mille autres choses dont je pourrais vous parler : arbres et fleurs, promeneurs et riverains, oiseaux et insectes, stations et villages, framboises et abricots, vieux chalets et constructions nouvelles qui sortent de terre comme des champignons chaque été…
Sur les nouvelles bornes qui indiquent ici ou là le tracé du bisse, quand il croise une route ou un autre chemin, une ligne ondulante figure avec simplicité l’eau serpentine. Ce serpent de lumière au sympathique glouglou laisse à ceux qui l’ont suivi un goût de revenez-y.
Commentaires
superbe histoire que le nom et la vallée et le lac du grand désert merci de ce cadeau
superbe histoire que le nom et la vallée et le lac du grand désert merci de ce cadeau
Merci, Françoise. J'irai me promener sur votre blog un de ces jours.
Que j' aime vos textes et vos photo's! Un grand merci.
Grand merci pour cette balade lumineuse, fleurie et glougloutante...en te lisant, cliquant sur les liens, on s'y croit, on sait tout.
Théâtre à ciel ouvert et en montagne
(tel celui de Busang)
et le public est chaleureux...
Oh, que ça me donne l'eau à la bouche!... La montagne, les abricots, le Valais que je commence à visualiser, et surtout les bisses que j'ai découverts l'année dernière entre les mayens de Saxon et Riddes. C'est difficile à expliquer le sentiment que ça procure de se promener ainsi en hauteur au bord d'une eau calme et douce et souvent avec un paysage magnifique sous les yeux! Au fond, deux mots me viennent à l'esprit: fraîcheur et simplicité (à la manière d'un poème japonais). Vous me donnez espoir d'en venir à bout d'un long travail pour aller rejoindre cet univers, je suis d'habitude plutôt de l'autre côté de la vallée.
@ Lut : Merci de le dire. Bonne soirée, Lut.
@ Colo : Nous y promener ensemble un jour, qui sait ?
@ JEA : Oui, un paysage-théâtre où le rideau ne tombe jamais. Bonsoir, JEA, je viendrai vous lire bientôt.
@ Jeanne : Les "mayens", voilà un autre mot découvert dans le Valais - quel plaisir aussi de suivre le chemin qui mène de Nendaz aux Condamines puis de continuer vers Isérables pour y pique-niquer sur la voie des érables, que vous connaissez peut-être ? Fraîcheur et simplicité, oui.
Je ne sais pas si je supporterais bien l'altitude, en tout cas la balade en ta compagnie est superbe, les anciens avaient beaucoup d'ingéniosité et de ténacité, on ferait bien de s'en inspirer aujourd'hui.
Habitant en Haute Savoie pendant plus de vingt ans, le Valais et ses bisses fut un vrai plaisir, j'ai d'excellents souvenirs de ballades (et de moustiques !)
le bruit de l'eau, la frâicheur des sous bois ( autour de Crans Montana par exemple)
J'ai profité au maximum de la Suisse à cette époque
Mon meilleur souvenir , un petit bisse au col de la Forclaz une ballade annuelle en route vers Martigny et son exposition chaque été ! Souvenirs souvenirs
Bisse à toi!
@ Aifelle : La plupart des bisses sont en moyenne montagne, cela ne devrait pas te poser de problème - un formidable patrimoine, tu as raison.
@ Dominique : Ravie de partager tes souvenirs, Dominique. Tu as donc été une vraie montagnarde avant ta vie lyonnaise !
@ La bacchante : Bis ! Bis !
"un bisse", je me demande, étymologiquement, d'où ça vient...
Wikipédia atteste "bied" et "bié" aux XIIe et XIIIe s., "bief" au XVIIe, et présente aussi une autre origine, gauloise.
Voici la proposition de mon dictionnaire étymologique Larousse (Dauzat Dubois Mitterand)qui devrait te plaire : il apparente le bisse avec l'italien biscia, serpent.