« La maison où je suis née je n’en ai pas voulu. Je pourrai encore y venir mais
ce sera comme invitée. C’est moi qui en ai décidé ainsi.
Aujourd’hui je suis revenue voir cette maison et je me demande pourquoi. Pourquoi cela me fait mal. Et j’essaie d’y voir clair.
Je suis allée au village et suis revenue à pied avec ma fille et me suis assise sur
le parapet du port, regardant la rivière couler. Je voulais refaire exactement la promenade que j’avais si souvent faite le dimanche matin. Mais les jours d’enfance à quoi bon courir après ? Ils ne reviendront jamais. Même si la maison était à moi je serais la maîtresse de maison et non l’enfant. Il n’est pas possible de vivre deux fois dans la maison de sa mère.
Et encore : qui d’abord et toujours habite une maison, si ce n’est une femme, mais à quel prix ? Je ne voulais pas être une femme vouée à une maison et j’ai passé à une autre la maison où je suis née. Et je suis devant une feuille blanche, me demandant : fallait-il choisir entre cette maison mère et les mots sur le papier ? Pourquoi ? »
Véronique Ingold, La maison où je suis née… in Sorcières, Espaces et lieux, n° 11 (1978)
Dessin de Chantal Petit (Sorcières)
Commentaires
Je me demande si, lorsqu'on lit, il n'y aurait pas comme des petits éclaireurs qui partent devant, et influent notre lecture consciente.
Car voici très exactement ce que j'ai lu :
"Je ne voulais pas être une femme vouée à une maison et j’ai passé à une autre maison où je suis née." Autre maison où je suis née, qui est l'écriture, ce que confirme magistralement la phrase de conclusion qui enchaîne directement: "Et je suis devant une feuille blanche, me demandant : fallait-il choisir entre cette maison mère et les mots sur le papier ? Pourquoi ?"
Petit texte que j'ai lu, relu, toujours dans ce sens là. Ce n'est que lorsque je l'ai lu à voix haute à ma compagne que j'ai enfin réalisé mon erreur... mais en est-ce une, en vérité?
Chaque lecteur crée le texte à sa façon, j'aime bien votre recréation, Septimus. Que se passe-t-il en nous quand nous lisons ? Quelle cohorte de mots, de pensées, d'obssessions nous accompagnent ? Qu'écrivons-nous en lisant ?
Bonjour,
Cet extrait choisi est superbe. Je ne connais pas l'auteur du tout mais celà donne envie d'en découvrir plus.
Ce week end je me suis rendue à un salon de littérature jeunesse ( princes et princesses à l'honneur ) et j'ai aussi fait de belles découvertes :
- La jeunesse de Corto d'Hugo Pratt ré-édité
- Akissi, attaque de chats de M.Abouet
- Princesse aime princesse de Lisa Mandel ( de mémoire )
A bientôt de vous lire
Merci, Karine, pour vos découvertes "jeunesse" et peut-être chez Guy Goffette?
Guy Gofette ? Je ne sais pas qui est ce monsieur et ce dont il s'agit...
Je lis pour le plaisir et ce n'est pas mon métier et mes connaissances sont très circonscrites à la France ( même si j'aime bien la Belgique ).
Bonsoir
@ Karine : Télescopage avec le billet suivant, excusez-moi.