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Week-end de liberté

Plus proche du Liseur, qui l’a révélé, que du Retour, Le week-end de Bernhard Schlink raconte les trois jours de retrouvailles à la campagne des amis de Jörg, invités par Christiane, sa grande sœur, dans le vieux manoir qu’elle a acheté avec son amie Margarete : « mur en pierres, portail en fer forgé, grand chêne devant la maison et vaste parc au-delà ; la maison, une demeure vieille de plusieurs siècles. Tout était délabré. »

 

 

Le vendredi, à sa sortie de prison où l’ancien terroriste de la Fraction Armée Rouge a purgé une peine de plus de vingt ans avant d’obtenir une grâce présidentielle, son frère lui paraît plus vieux que lors des visites. Il n’émet pas d’objection lorsqu’elle lui nomme les anciens amis qu’elle a invités, s’enquiert juste de son fils – mais celui-ci a raccroché quand elle lui a téléphoné – et de Marko Hahn qui lui a rendu visite régulièrement. « Ce fou qui, pour un peu, te coûtait ta mesure de grâce ? » : Christiane est furieuse contre Marko qui a obtenu de Jörg un message pour un « obscur congrès d’extrême gauche sur la violence », ce qui prouvait, avait-elle lu dans le journal, « qu’il était incapable de lucidité et de remords : quelqu’un comme ça ne devait pas être gracié. »

 

L’un après l’autre, les hôtes du week-end arrivent dans l’imposante propriété : Ilse, professeur de langues et d’arts plastiques ; le journaliste Henner qui ne reconnaît pas leur « petite laitière » (son père était fermier) des années ’70 dans cette « souris grise » qui ne lâche pas son cahier d’écriture. Celle-ci a entrepris de raconter l’enterrement de Jan, suicidé dans des circonstances bizarres, à l’opposé de Jörg qui n’a jamais abandonné son engagement révolutionnaire. L’image de la chute des corps dans le vide, le 11 septembre 2001, obsède Ilse, et aussi l’idée que la mort de Jan serait un coup monté pour lui assurer une clandestinité parfaite, ce dont sa femme est elle-même convaincue.

 

C’est Margarete qui se charge de la cuisine. Henner est d’abord agacé par l’aisance et la gaîté de cette amie de Christiane – « la gaîté des simples et l’aisance de ces heureux mortels qui se sentent chez eux en ce monde sans avoir à travailler pour cela », puis lui propose son aide. Ils sont bientôt rejoints par Ulrich, prothésiste dentaire, en compagnie de sa nouvelle femme et de sa fille, et par Karin, pasteur et évêque, avec son mari plus âgé, conservateur de musée. Andréas n’appartient pas au cercle des vieux amis, il est l’avocat de Jörg.

 

Lors du premier repas, Ulrich est le seul à interroger l’ancien prisonnier sur son expérience, ce qui gêne un peu les autres, mais Jörg lui répond, évoque le bruit terrible qui règne en prison, de jour comme de nuit, même si le pire est la coupure avec le monde extérieur. Contrairement aux autres, Ulrich ne pense pas que Jörg doive être ménagé, sa vie, « il l’a choisie, tout comme vous avez choisi la vôtre et moi la mienne ». Quand l’ex-détenu se retire, exténué par une journée « aussi longue et aussi remplie », il étonne Henner en lui disant : « Je trouve courageux que tu sois venu. »

 

La tension monte d’un cran quand plus tard, un cri résonne dans le hall d’entrée, suivi d’une dispute : Jörg, en chemise de nuit, s’y fait insulter par la fille d’Ulrich, nue, après avoir repoussé ses avances. Son père la couvre de sa veste et l’emmène, indulgent – lui aussi, quand il était jeune, « collectionnait » les gens célèbres. Christiane, qui a élevé Jörg à la mort de leur mère, veut à tout prix l’empêcher de faire quoi que ce soit qui renoue avec son passé violent, mais se heurte à Marko qui attend de lui qu’il reprenne son rôle de leader révolutionnaire. Pour Margarete, les membres de l’ancienne Fraction Armée Rouge sont des « malades ». « Elle ne croyait pas que le système politique et le système économique fussent importants. La mélancolie était importante. C’était elle qui marquait le pays et les gens plus que toute autre chose. »

 

Le lendemain, la discussion reprend. Jörg, convaincu d’avoir été trahi par Henner, le seul qui connaissait la cabane où il se cachait, ne se doute pas que sa propre sœur l’a livré à la police, résolue à l’empêcher de continuer à tuer et de risquer d’être tué à son tour. Margarete explique la situation à Henner, de plus en plus sensible à son charme simple. Ilse continue son récit, imagine Jan vivant, ses voyages, ses missions, sous de fausses identités. Karin rencontre en se promenant aux alentours un étudiant en histoire de l’art très désireux de visiter le manoir et l’y fait entrer. L’heure des règlements de comptes approche. Accusations, dénonciations, souvenirs, malentendus, rêves non réalisés… Jörg et les autres ont encore beaucoup de choses à se dire.

S’il questionne la violence révolutionnaire, ce roman décrit aussi d’anciens amis qui se sont perdus de vue et qui profitent de ce rendez-vous très particulier pour se situer les uns vis-à-vis des autres et aussi par rapport à eux-mêmes. Liens fraternels, liens amoureux, solitudes choisies ou subies, Bernhard Schlink décrit les modes de vie et les choix, que la confrontation avec les autres éclaire presque toujours d’une lumière plus vive. 

Commentaires

  • J'avais beaucoup aimé "le liseur", je ne suis pas sûre de m'intéresser autant aux thèmes de celui-ci.

  • Difficile d'écrire un roman après "le liseur" j'ai lu depuis un ou deux romans de Schlink sans être vraiment convaincue mais sans déplaisir car il sait brosser les portraits de ses personnages et tisser les liens entre eux

  • Difficile d'écrire des romans après le liseur, j'ai été un peu déçue par ses textes suivants mais tout est relatif, il sait mener un récit et faire des portraits de ses personnages, c'est un bon conteur

  • @ Aifelle : Je n'ai pas retrouvé dans "Le week-end" la tension qui fait la force du "Liseur", ici l'attention est plus dispersée, c'est plutôt l'histoire d'un groupe.

    @ Dominique : Double commentaire, problème technique ?
    Tu résumes bien l'impression ambivalente que laissent ses romans, c'est cela.

  • Peut-être qu'il faut plus de recul pour apprécier le traitement de cette période par tel ou tel auteur. Le sujet est vraiment difficile à aborder. Jusqu'à présent, je n'ai vu qu'un film en parler intelligemment, le documentaire : "Black Box BRD". Un autre documentaire l'évoque de facon intéressante : "Die Anwälte" (Ströbele, Schily, Mahler) qui ont défendu les membres les plus médiatiques de la RAF. Mais je ne crois pas qu'il existe déjà une version en francais de ce film-là.
    je ne sais pas comment s'y prend Schlink car je n'ai pas lu le livre présenté. C'est pourtant un spécialiste des sujets graves abordés sous un angle aussi peu frontal que possible !

  • @ Euterpe : Schlink exprime par les amis de Jörg différentes opinions sur le terrorisme, y compris dans le monde actuel, éclaire les motivations, le rôle des médias... Il rend bien le glissement des mentalités au fil du temps : "La plupart l'écoutèrent avec consternation ; Jörg parlait comme on parlait voilà trente ans et comme on ne parlait plus du tout aujourd'hui, c'en était gênant."

  • Moi aussi j'ai lu Le liseur. Avant de voir le film au cinéma. Curieusement, après ma lecture, je ne me suis pas dit que j'aimerais découvrir un autre livre de cet auteur. Ce qui ne veut pas dire que je ne le ferai pas !

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