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Varda-plages

Elle ne raconte pas sa vie, mais elle en parle. Elle ne raconte pas ses films, mais ils y sont. Elle ne raconte pas ceux qu’elle aime, mais elle les montre. Agnès Varda vient de recevoir un César (le César du documentaire, faute de catégorie adéquate) pour Les plages d’Agnès (2008), qu’une seule salle présente à Bruxelles, le Vendôme. C’est la deuxième semaine, n’attendez pas si vous voulez vous offrir une heure cinquante de bonheur sur grand écran.

Varda a étudié la photographie, et la photo est partout dans ce film. Portraits d’inconnus trouvés aux Puces, souvenirs de famille, expositions thématiques – superbes photos de Jean Vilar exposées à Avignon, par exemple. Pourquoi la photographe est-elle devenue cinéaste ? Parce qu’aux images, elle voulait ajouter des mots, dit Varda. Etait-elle cinéphile ? Non. Elle s’est lancée comme ça, avec l’envie de faire des choses. 

Les plages d’Agnès sont un festival de créativité. Ce n’est pas une vie racontée, reconstituée, même si la cinéaste retourne dans la maison d’Ixelles, à la mer du Nord où elle a passé toutes les vacances de son enfance, même si elle se rappelle la vie sur un voilier à Sète, les débuts à Paris, les gens en Californie, ses impressions en Chine… Varda mélange souvenirs et fictions, images d’archives et fabrication d’images. C’est gai, léger, coloré, on en sort plus optimiste qu’on n’y est entré.

A plusieurs reprises, Varda utilise le mot « puzzle » pour décrire sa façon de travailler, et ce film en est un. Plutôt kaléidoscope que déroulé chronologique. Elle procède par collage. Sur « la plage belge », au début du film, elle installe des miroirs devant la mer, elle installe des éclats dans l’image, elle joue avec les points de vue. Elle se montre, elle montre les autres. Elle invente, elle s’amuse. Et nous sommes conviés à cette fête. Une artiste donne forme à ses souvenirs comme à ses rêves. La baleine, par exemple, parce que l’histoire de Jonas la fascine. Dans une baleine (fabrication maison), elle s’aménage une chambre de toile où elle s’étend, heureuse comme un poisson dans l’eau.

Face à la caméra, une femme nous regarde, nous parle, et dans une telle connivence que l’on comprend pourquoi autour d’elle il y a tant d’amour et d’amitié. Une femme de cœur. La petite qui a appris à remailler les filets avec un pêcheur. La grande qui a pris ses cliques et ses claques pour aller en Corse, toute seule. Celle qui aime les couleurs, les écharpes dans le vent, les chats, celle qui photographie ses voisins. Cette femme toute simple qui a fait tourner des débutants : Noiret, Depardieu, Birkin, Bonnaire. Calder venait construire ses mobiles dans sa cour, Jim Morrison assister à un tournage. Il y a des étoiles dans son ciel. Jacques Demy dans son cœur.

Oui, on peut avoir quatre-vingts ans (quatre-vingts balais, vous verrez ce que c’est) et rester curieuse de ce que la vie offre, rester allègre. Séquence clin d’œil à Sempé : un cortège de jeunes manifestants et sur le côté, une petite vieille (Agnès Varda) qui brandit une pancarte « J’ai mal partout ». La séquence où Agnès Varda dit que le cinéma, c’est sa maison, a pour décor une « cabane » de verre : contre les vitres, déroulées, des pellicules de scènes tournées avec Deneuve et Piccoli, traces d’un film jamais achevé. La lumière traverse leurs visages. A l’intérieur, une pile de bobines, où elle s’assied - elle est chez elle.

Il faut un sacré culot pour mettre ainsi en scène sa vie, son univers, avec ce naturel du travail bien fait. Si Agnès Varda achète les fiches de cinéma sur ses films dans les bacs des brocanteurs, elle ne laisse pas sa vie en friche. Son regard est plein de malice tendre. Les plages d’Agnès sont un carnet de voyage dans la mémoire – « Je me souviens pendant que je vis. »

Commentaires

  • J'ai adoré ce film. Je n'achète pas beaucoup de DVD, mais celui-ci je me précipiterai dessus. Quand elle brandit la pancarte "j'ai mal partout" est un de mes moments préférés.

  • Une octogénaire de mon village rencontrée il y a peu, me disait: "Me duele todo, menos la lengua". Rires. (J'ai mal partout sauf à la langue). Devient-on plus bavard, plus osé avec l'âge?
    Si le DVD dont parle Aifelle existe un jour...tu vois? Tu m'as donné envie de le/la voir. Peu de chance ici, je crois.

    Baisers de lumière jaunie par le pollen des sapins.

  • Moi aussi j'attendrai la sortie du DVD. Dur-dur parfois de vivre loin de sa culture et de sa langue !

  • Bonjour, merci pour ce commentaire du film d'Anès. J'en avait fait une présentation quand je l'ai vu: si ça vous intéresse http://zolucider.blogspot.com/2009/01/agns-sappelait-arlette-son-prnom-lui.html
    Sinon, les Glaneurs et la Glaneuse existe en DVD et c'est une pure merveille. On y trouve déjà la main vieillie, les camions, les pommes de terre dont on a des bribes dans « Les plages » et surtout l'humour et le regard chaleureux d'Agnès.
    BàV

  • moi aussi, j'aimerais avoir le dvd..
    soyez gentils : prévenez moi quand il sortira..?sur mon blog: "au fil des jours" ou à mon adresse mail: ghislaine.ledent@yahoo.fr
    merci!

  • J'aime Agnès Varda du fond du coeur et je peux revoir et revoir "Cléo de 5 à 7" sans me lasser, la fragilité humaine y est tangible et me permet de tout relativiser. J'ai adoré "Jacquot de Nantes" et "Les glaneurs et la glaneuse", il me reste à découvrir ce film et vous m'en avez donné le désir. Quel dommage qu'aucun livre ne soit sorti sur cette grande dame, je l'aurai mis dans mes valises de vacances.
    Amitiés chère Tania et merci pour vos passages sur mon blog, ils me font toujours un grand plaisir. Je crois que nous avons les mêmes destinations d'été, plein Sud-Est, vers le soleil.

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