Le commentaire d’une amie me les a rappelées, ces belles lettres d’une écriture régulière et soignée qui m’arrivaient de Beyrouth. Via les petites annonces du journal Tintin, je m’étais lancée avec enthousiasme dans un échange international. Un Libanais de mon âge – douze, treize ans si je ne me trompe - m’envoyait de belles lettres de son pays qu’il aimait à me faire découvrir. Il composait des poèmes aussi et glissait de temps en temps dans l’enveloppe une fleur séchée, un fin tissu brodé. Puis la guerre a éclaté au Liban – combien de fois a-t-on entendu cela, combien de fois s’est-on senti plein de compassion pour les habitants de ce beau pays auxquels ses voisins refusent une paix durable ? Plus aucune enveloppe au timbre libanais, plus aucune nouvelle d’Antoine M. Il lui était arrivé le pire, sans doute, à mon jeune correspondant du pays du cèdre.
Aujourd’hui encore, des mains forment des phrases, jouent avec les mots, envoient des nouvelles, en prennent des vôtres, vous offrent la toujours agréable surprise de quelques lignes au dos d’un paysage, d’une reproduction achetée dans un musée ou à une exposition. L’époque est au court. Les lettres sur papier bleu ou blanc ou crème, elles, se font rares. Dans un tiroir, mes propres blocs de papier à lettres, vergé ou ordinaire, dorment depuis des années, supplantés par les cartes postales.
Mais les correspondants fidèles n’ont pas disparu. S’ils prennent moins souvent la plume, ils font crépiter les claviers. La messagerie sur Internet, si pratique pour les contacts professionnels, si agaçante avec ses intrusions de mauvais goût, a renouvelé d’une façon formidable les échanges privés. A côté des habitués voire des accros du téléphone, il reste des légions de scripteurs enchantés de la facilité et de la vitesse avec lesquelles ils peuvent s’écrire, se répondre, garder le contact, s’envoyer des photos, des articles ou encore clavarder. Une vraie fête ! Pour ma part, j’en compte davantage de Vénus que de Mars, mais n’en allait-il pas de même pour les messages sur papier bleu ?
A celles et ceux qui aiment s’écrire, le champ des correspondances s’est magnifiquement élargi. Certaines courriellent d’un continent à l’autre sans jamais s’être rencontrées ailleurs que sur la Toile. D’autres y entretiennent la flamme de l’amitié. A chaque fois, une fenêtre s’ouvre.
Commentaires
je découvre votre présence sur le blog de la libre..merci pour ce texte que je viens de lire..
j'aime beaucoup ce que vous avez écrit, dans ce texte intitulé "sur papier bleu".
je n'ai pas eu de correspondant libanais..mais j'ai beaucoup écrit, sur toutes sortes de papiers, y compris "avion", ces feuilles de soie.. j'ai écrit, et je continue à écrire, et pour un oui ou un non, à envoyer des cartes postales, ou des photos que j'ai faites, et que je colle sur un carton de couleur double, pour pouvoir y joindre mon "commentaire", ou mes voeux , ou mes pensées..
le courriel aussi me trouve présente, et dans mes correspondant(e)s , j'en connais qui s'y sentent plus à l'aise que sur papier..
tout ça pour vous dire que je me retrouve tout à fait dans votre écrit..et que je dis , à l'unisson", :"vive l'écriture" ! qu'elle demeure, elle qui garde vivante la vie , et fait battre son coeur même :la relation..!
Non, je ne prends plus la peine de la plume et du papier.
Rarement encore la carte postale...devenue paresseuse sans doute, il m'en coute l'effort de trouver l'adresse, de coller le timbre adéquat, d'aller vers la boite postale de mon coin...qui a disparu d'ailleurs, modernité oblige...
Par contre blogueuse au long cours, de belles correspondances par couriel se sont développées au fil de ces quatre années...tout un monde souterrain ignoré des gens qui circulent uniquement dans le "réel".
Le mail s'envoie et se reçoit illico presto...la réponse parfois ne se fait pas attendre: la dextérité au clavier est devenue imbattable.
Je te dirais que j'adore ces échanges en catimini qui me secoue parfois le coeur de belle façon...
Sans clavier...je ne serais jamais venue te lire ici dans cet espace qui t'est personnel pourtant ouvert à qui veut y pénétrer...
J'aime les surprises su Net
et tant pis pour les fautes de frappe, n'est-ce pas?
C'est dans une belle boîte à cirage en bois, avec couvercle et 4 pattes que j'ai conservé toutes tes lettres papier avion reçues avant l'ère informatique. Notre unique façon de communiquer pendant tant d'années. Quelque chose m'empêche de les relire...
Tu te souviens de la chanson d'Anne Sylvestre:"Que des lettres d'amour"? C'est vrai, le seul courrier que nous recevons aujourd'hui, ce sont des relevés bancaires et des factures. Misère!
Mais il y a tout le reste, devenu irremplaçable.
Moi aussi je suis une adepte de la correspondance. J'ai commencé à 14 ans et j'en aurai 55 ans en août ! J'ai aussi commencé par les lettres et poursuivi, il y a environ presque 10 ans par le courriel électronique et, il y a presque 2 ans, par le blog. D'ailleurs vous devez savoir tout cela si vous allez sur le blog scolaire de "Racine" puisque c'est moi qui suis à l'origine de la participation de personnes d'Afrique du Sud, Ohio, etc.
J'ai pratiquement arrêté l'usage du courrier postal parce que les envois sont trop chers et peu sûrs. Je le réserve aux amis (ies) qui n'ont pas d'ordinateur. Mais il n'est pas facile de trouver un moment pour s'installer au bureau et écrire "normalement". Le geste "habituel" (!) est l'usage du clavier !
Quant au blog, il permet de débuter des échanges avec quelqu'un. Mais l'objet de la "discussion " (terme impropre puisque c'est par écrit!) n'a rien de comparable avec ce que vous écririez dans une lettre ou dans un "mail". Chacun commence par écrit "pour lui" parce qu'il ignore s'il aura ou non des commentaires. Cependant le texte doit être comme une sorte "d'appel" pour que quelqu'un réponde. Et pourtant, parfois, la seule "réponse" sera l'augmentation du chiffre du compteur de visites. De plus "l'appel" est la critique d'un livre, un avis sur l'actualité, la présentation d'un tableau, etc. C'est un peu comme si l'auteur était un "animateur" de radio ou de télévision. Et donc le blog transforme son auteur en "personne au contact d'un public" et, éventuellement, à l'intérieur de ce "public", il se liera d'amitié avec quelques-uns ou unes.