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lettre à une jeune fille qui voudrait partir en chine

  • Des histoires

    « Intéressez-vous à la Chine, ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire, mais rappelez-vous que si cette culture est fascinante, c’est pour la sagesse qu’elle a élaborée. Ses penseurs savaient qu’une anecdote est plus probante que la
    logique close d’un discours et je vous souhaite que les histoires que je vais vous rapporter vous aident à vous servir de votre intelligence pour mieux vivre, car sinon à quoi bon être intelligent ! »

     

    Jacques Pimpaneau, Lettre à une jeune fille qui voudrait partir en Chine

     

    Coupe chinoise aquarium.jpg
  • Partir en Chine

    Le titre et la quatrième de couverture de la Lettre à une jeune fille qui voudrait partir en Chine, de Jacques Pimpaneau, m’avaient laissé imaginer des conseils aux voyageurs sur les mœurs chinoises. Mais l’auteur y propose en réalité une initiation à la culture chinoise et, en particulier, au chinois classique – un voyage poétique. Déjà le trajet proposé – de la gare de l’Est à Pékin via Berlin-Ouest et Moscou – s’illustre d’une citation d’un bonze « chan » (zen) :

     

    « Qu’une route y conduise et toute route est bonne,

    A quoi bon distinguer les quatre directions ?

    La brise ne s’occupe des rustres distinctions,

    Partout sont aussi rouges les pêchers qui fleurissent. »

     

    Spilliart Arbres au printemps.jpg

     

    « Voyagez, mais sachez voyager autour de votre chambre. » Fasciné par la culture chinoise, par « la sagesse qu’elle a élaborée », l’auteur y introduit par une série d’anecdotes. « Il ne faut pas courir après les connaissances qui n’ont qu’un intérêt pratique, ni chercher la connaissance ailleurs, car si vous n’avez pas compris qu’elle est au coin de la rue ou au bord du Lubéron, vous ne la trouverez pas en Chine ou en Inde. »

     

    « Sachez vous contenter de peu. » Après nous avoir invités au calme, Pimpaneau dévoile son jeu : loin de vouloir jouer les gourous, il a trouvé un bon prétexte pour nous lire et traduire quelques poèmes de la secte chan entre le VIIe et le XIIIe siècle. Le post-scriptum sera donc plus long que la lettre même : « c’est une initiation par la poésie… seulement au chinois classique. » Les poèmes présentés seront ceux de la dynastie Tang, les plus simples, ceux que les Chinois connaissent par cœur.

     

    « Vivant comme un oisif, sur quoi disserterais-je ?

    Un bâtonnet d’encens est ce que je respire.

    Si je dors, j’ai du thé ; si j’ai faim, j’ai du riz ;

    Je marche au bord de l’eau et m’assieds face aux nuages. »

     

    Pimpaneau propose d’abord le texte, un quatrain généralement,  en « sous-titrant » chaque ligne d’idéogrammes par une traduction mot à mot. Puis il commente. On apprend que la rime est obligatoire dans un poème chinois classique, que le complément de temps se place avant le verbe, de même que le complément du nom avant le nom. Enfin, et c’est très intéressant, le lecteur découvre le texte traduit – non pas une seule version, mais plusieurs, par différents traducteurs, en français et aussi en anglais. Comparons.

     

    « L’aurore printanière

    Le sommeil de printemps ignore volontiers l’aurore,

    Cà et là, on entend partout le chant des oiseaux.

    La nuit, au bruit du vent et de la pluie,

    Combien de fleurs sont tombées sans qu’on le sache ? » (tr. Lo Ta-Kang)

     

    « Aube du printemps

    Au printemps, le dormeur surpris par l’aube,

    Entend partout gazouiller les oiseaux.

    Toute la nuit, bruit du vent et de pluie ;

    Qui sait combien de fleurs ont dû tomber ! » (tr. Tch’en Yen-hia)

     

    La nature est partout dans la poésie citée dans cet ouvrage inclassable. Le pin, le bambou et le prunus sont des arbres « amis de l’homme » : ils lui tiennent compagnie en hiver, ce qui en fait des symboles d’amitié. De petits dessins à la plume – une branche, un pont, un couple, des oiseaux, un ermite, des papillons – égaient les pages de temps à autre.

    Entraînée malgré moi dans cette aventure poétique à laquelle je ne m’attendais pas, j’avoue ne pas avoir suivi l’auteur à la lettre. « Après avoir lu ces poèmes, apprenez-en un par cœur chaque semaine et soyez capable de le réciter et de l’écrire. Vous ne vous en repentirez pas. » Jacques Pimpaneau ne manque pas d’humour – « en espérant que cette lettre vous sera plus utile qu’un cure-dent à un chat qui vient de manger un poisson ».