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Belgique - Page 99

  • Ukiyo-e, II

    Si vous n’avez pas encore vu « les plus belles estampes japonaises » au Cinquantenaire, vous avez jusqu’au 12 février pour visiter « Ukiyo-e » (ou Images du monde flottant) aux Musées royaux d’Art et d’Histoire, et même trois week-ends supplémentaires, vu le succès. J’y suis retournée pour la seconde série et je me suis régalée.

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    Suzuki HARUNOBU, La bienséance (Suite : Les cinq vertus
    cardinales), 1767

    Au début du parcours, la salle consacrée à Suzuki Harunobu (1725 ?-1770) justifie à elle seule une seconde visite. Jeune fille portée par un serviteur (tout en mouvement), Jeune homme au parapluie (assorti à son manteau) forment une belle entrée en matière, mais le meilleur vient après avec une suite, « Les cinq vertus cardinales » : bienséance, bienveillance, fidélité, sagesse et droiture.

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    Suzuki HARUNOBU, La fidélité (Suite : Les cinq vertus cardinales), 1767

    Une servante aide sa maîtresse à mettre son manteau, où est la bienséance ? Dans le fait de se couvrir, le choix d’une couleur, l’attitude, le geste ? La fidélité (ci-dessus) : sur une terrasse au bord de l’eau, une jeune femme regarde vers le ciel, assise à sa table où une feuille blanche attend l’inspiration. Etonnant : La droiture (4e illustration dans le billet précédent) : deux jeunes prostitués dans un lupanar discutent d’un exemple de loyauté envers un seigneur dans un livre illustré, le milieu homosexuel était attaché à cette vertu (notice). Peu importe le thème, on s’émerveille du dessin, du décor, des couleurs, de la composition. Le dessinateur dispose chaque fois ses figures près d’un angle fourni par un paravent, une balustrade, un mur – merveilleux cadrages.

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    Suzuki HARUNOBU, La sagesse (Suite : Les cinq vertus cardinales), 1767

    Les estampes de théâtre sont très différentes, centrées sur l’acteur, l’attitude, le costume. Katsukawa Shunshō (1726-1792) dessine un acteur dans le rôle du dieu Hotel, un des sept dieux de la bonne fortune : un bonhomme pansu et hilare, portant un énorme baluchon blanc rempli de cadeaux pour les enfants – magistralement campé en format vertical sur fond noir.

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    Katsukawa SHUNSHO, L'acteur Nakamura Nakazo I dans le rôle du dieu Hotel, 1780

    Torii Kiyonaga (1752-1815) renouvelle l’estampe d’acteur en déployant une scène sur plusieurs feuilles, ce qu’il applique aussi aux représentations de jolies femmes – une belle se doit d’être sereine, élancée et de proportions parfaites, comme il le montre dans une suite consacrée au « Concours de beautés contemporaines dans les quartiers réservés ». Le restaurant Kankanrô, réputé, se situait à proximité des maisons closes « de première classe » et les courtisanes célèbres y paradaient.

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    Torii KIYONAGA, Le restaurant Kankanrō, 1794

    L’élégante Courtisane Takigawa de Gomeirô peinte par Utamaro (1753-1806) porte un ruban en papier au petit doigt, signe qu’elle est déjà réservée pour un prochain rendez-vous. Utamaro a souvent dessiné les courtisanes avec leur enfant : l’une retient par son vêtement celui qui joue dans une bassine avec son poisson-jouet, une autre s’incline vers le sol avec le bébé qu’elle allaite, c’est plein de fraîcheur et de grâce. (Je vous renvoie aux illustrations dun ancien billet sur les belles d’Utamaro.)

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    Kitagawa UTAMARO, La courtisane Takigawa de la maison Gomeirō, vers 1794-1795

    Un panneau avertit les parents à l’entrée de la salle consacrée aux « images de printemps » (« shunga »), le cabinet des estampes érotiques. Plaisir esthétique assuré, quant à l’érotisme, je ne sais (voir l’article de Lunettes rouges à ce sujet). La plupart des couples ont gardé leurs vêtements – certains sont somptueux – et seules leurs parties génitales sont découvertes, crûment. Le blanc de la peau contraste et souligne le dessin précis de l’action et du sexe, d’une taille exagérée, parfois tatoué. Mais les visages restent impassibles, à la limite de l’ennui, comme étrangers à l’affaire, c’est curieux. Une estampe dite « rouleau de manches » signée Kiyonaga est plus suggestive : une coupe horizontale (11 x 66 cm) montre un couple à l’œuvre des pieds à la tête, les yeux clos, l’homme y embrasse la femme dans le cou.

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    Torii Kiyonaga, Fille d'Ohara et un paysan (Suite : Rouleau de manches), détail, 1785

    Neige du soir et incandescence du crépuscule, un diptyque de Chôbunsai Eishi (1756-1829), fait partie d’une suite : « Une courtisane de haut vol admire une peinture qu’on lui déroule ». Sur deux feuilles juxtaposées, un fond clair uni, quatre femmes assises. Au-dessus d’elles, en contrepoint, les images du titre, sinon les attitudes, les regards, les coiffures et les vêtements qui se déploient sur le sol suffisent par eux-mêmes à exalter la beauté féminine.

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    Chôbunsai EISHI, Neige du soir et Incandescence du crépuscule, 1796

    Chōkōsai Eishō, actif de 1793 à 1800, excelle à rendre tantôt la physionomie d’une hôtesse de maison de thé souriante, tantôt le défilé de courtisanes avec leur suite dans un jardin d’iris, sous les lampions – une évocation magnifique (ci-dessous).

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    Chōkōsai EISHO, Les courtisanes de la maison Kadotamaya visitant un jardin d'iris avec leur suite, vers 1796-1798

    Autre salle où je me suis attardée : les merveilleuses estampes d’Hiroshige (1797-1858). On y voit des truites fendre les eaux bleues, des voyageurs affronter une pluie battante, une foire aux chevaux en été, un banc de sable et d’autres vues des relais de la grand-route de Tōkaidō ou de la grand-route du Kisokaidō, des reflets de lune sur les rizières… Et ce fameux chat blanc sur un appui de fenêtre, intérieur-extérieur auquel donnent vie quelques objets (des épingles à cheveux, un bol, une serviette) et dans le paysage, évoqué par le titre, une procession au loin. Superbe !

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    HIROSHIGE, Les rizières d'Asakusa et le pèlerinage, le jour du marché du Coq
    (Suite : Cent vues d'endroits célèbres d'Edo), 1857

    Dire que je pensais faire un billet court. Je ne vous parlerai pas des estampes consacrées aux animaux, parfois très drôles, ni de ces deux visages (un homme, une femme) constitués de corps nus qu’on suppose inspirés d’Arcimboldo, ni des images plus modernes... Ne manquez pas, si vous en avez la possibilité, ce rendez-vous exceptionnel avec l’art japonais de l’estampe au Cinquantenaire, vous ne vous y ennuierez pas.

  • Jaloux

    Tirtiaux couverture.jpg« Luise, ma Luise, que n’as-tu commencé une seule de tes lettres par « Mon amour » plutôt que par ce « Mon grand frère adoré » qui maintient entre nous cette distance dommageable à mon cœur ? Tu me libérerais d’un poids terrible.

    Il y a un mot pour nommer ce sentiment, un mot qui me fait horreur parce qu’il rapporte tout à soi, qu’il juge et emprisonne l’autre, s’attribue ce qui ne nous appartient pas ; et ce mot n’est autre que « jalousie ». Je deviens jaloux de ton Daniel, de toi, de vous, d’un bonheur qui, dans ma petite tête, me revient de droit et qui m’est subtilisé. »

    Bernard Tirtiaux, Noël en décembre

  • Noël et Luise

    Un titre parfait pour un cadeau de Noël (merci) : Noël en décembre (2015) de Bernard Tirtiaux conte une histoire d’amour, celui de Noël pour Luise. Dans ce septième roman du maître verrier dont vous avez peut-être lu le premier, Le passeur de lumière, c’est Noël Molinaux qui raconte : « Je t’ai vue naître, Luise, de mes yeux vue, et, tout enfant que j’étais, ta venue est restée incrustée en moi comme si tu t’étais ramifiée à mes veines, greffée comme un écho aux battements de mon cœur, au timbre de ma voix. » (Incipit)

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    Sur les hauteurs de Saint-Jean-Sart (Aubel) © Isa (Les photos d’Isa)

    Un jeu de circonstances amène Klara von Ludendorff, fille unique d’un Berlinois fortuné, étudiante en chimie à l’Institut Solvay (Bruxelles), à accoucher en terre wallonne. Son amant enfui, elle a décidé de garder l’enfant. Ses parents chez qui elle rentre à la fin de l’année universitaire n’en savent rien. Le 27 juin 1914, dans un train en route vers Cologne, elle ressent les premières contractions.

    Au signal d’alarme, le train s’arrête « en pays de Herve entre bocages et prairies », près d’une route où Léopold, 13 ans, et Noël, 4 ans et demi, accompagnent le vieux Jeff sur une charretée de foin. Coïncidence, leur mère est sur le point d’accoucher en présence du Dr Duculot, un cousin. C’est la grand-mère de Noël qui vient en aide à Klara : Luise naît sous les yeux du gamin, juste avant sa petite sœur, Lucienne.

    Klara n’a pas de lait – la mère de Noël allaite donc aussi « ce petit chat blond aux yeux très bleus dont la fixité (le) fascinait ». Sur les conseils du grand-père, ancien maïeur du village, Klara regagne Berlin seule, à la mi-juillet, « pour se donner le temps d’arrondir les angles ». Mais elle ne revient pas en août 1914, entre-temps l’Allemagne a envahi la Belgique.

    Le père de Noël est appelé ; il compte sur Léopold, « un débrouillard de première » pour veiller sur la ferme avec ses grands-parents. Bientôt les bombardements autour de Liège leur font prendre la route de l’exode. Deux mois plus tard, ils retrouvent la maison pillée, tout sens dessus dessous.

    Noël 2014 est le premier des nombreux Noëls racontés dans ce roman, un moment fort dans la famille, « l’événement majeur de l’année ». Malgré la guerre, on décore le sapin, on prépare le banquet familial, l’abbé Varlet est convié : grives et sandres de Meuse en entrée, purée de marrons et biche rituelle, grâce au grand-oncle braconnier. La cave a été dévalisée, mais Léopold a ramené du vin et du champagne d’une maison en ruine.

    Le grand-père tient son interminable discours de circonstance quand des soldats « boches » font irruption, les enferment tous dans l’arrière-cuisine pour se rassasier de toutes ces bonnes choses. Il ne leur reste que les bûches à se partager. Fou rire tout de même quand un oncle reprend alors un passage du discours tenu juste avant : « Ayons une pensée solidaire pour nos braves soldats et les quelque 600 000 prisonniers… » !

    Ambiance de guerre, passage des saisons. Noël entre à l’école primaire en septembre 1915. Son père est prisonnier en Allemagne, ses sœurs grandissent – Luise est considérée comme telle – et Noël veille sur elles quand sa mère ou sa grand-mère sont trop occupées. Doué pour le dessin, il aime les croquer, Lucienne la ronde et Luise la claire qui chantonne, matin, midi et soir.

    Leur grand frère Léopold s’amuse de tout, ose tout. A la messe de minuit de Noël 1917, à laquelle des Allemands assistent aussi, Léopold disparaît après la communion. Une embuscade attend au retour la voiture de l’officier et de ses acolytes, attaquée, brûlée. La réponse est terrible : les trois fils aînés des voisins sont fusillés et cinq autres adolescents. Quand Léopold réapparaît à la fin de la semaine, sa mère lui donne une gifle monumentale et il s’en va.

    La guerre terminée, le père revient, affaibli. Léopold donne rarement des nouvelles, ne parle que de lui et de ses exploits dans ses lettres. Tous craignent à présent le retour de Klara pour venir reprendre Luise, mais elle ne se manifeste pas. Quand la petite « va sur ses huit ans », on décide de lui raconter d’où elle est venue. Elle confie à Noël sa tristesse de ne pas être de leur sang. Il la rassure : depuis sa naissance, elle est son « étoile » et il la défendra toujours, y compris contre ceux qui l’accusent d’être allemande ou juive.

    Ce n’est qu’en 1922 qu’une lettre arrive de Vienne : Klara y explique son silence par obéissance à son mari épousé pendant la guerre, mort depuis deux ans. Elle vient de se remarier avec Josef Stern, un juriste, et ils sont prêts à accueillir Luise. Quand ils l’emmèneront, Noël, le cœur arraché, les traitera de « Sales Boches ! Voleurs d’enfants ! » Son premier Noël sans Luise est d’une tristesse à peine consolée par un merveilleux cadeau : un appareil photographique.

    Noël en décembre suit les péripéties de cet amour indéfectible de Noël pour Luise. Entre les deux familles, des liens forts subsistent, on se revoit, on s’écrit, on fête Noël ensemble, en Belgique ou à Vienne. Noël devient journaliste, Luise musicienne, une pianiste très appréciée. Mais la deuxième guerre mondiale les entraînera tous dans la tourmente : sans nouvelles de Luise, Noël fera tout pour la retrouver, en espérant qu’elle ait survécu.

    Le récit parcourt une trentaine d’années, de juin 1914 à décembre 1945, au sein d’une famille wallonne confrontée deux fois à la guerre avec l’Allemagne. Comme l’écrit Marguerite Roman (Le Carnet et les Instants), Bernard Tirtiaux y a mis « des personnages attachants, ce qu’il faut de suspense, d’inquiétude et de consolation. »

  • Sensible

    VdW Le peintre devant sa fenêtre 1920.jpg« Le dessin a pour moi une importance primordiale, il doit être aussi sensible que la couleur qu’il limite. Je modèle mes surfaces avec soin, chacune d’elles devient alors un volume possédant sa valeur propre mais chacun de ces volumes est solidaire des autres. Tous s’efforcent de donner à l’ensemble de la toile l’homogénéité indispensable, sinon c’est le chaos. »

    Gustave Van de Woestyne (entretien de 1929)

    Robert Hoozee et Cathérine Verleysen, Gustave Van de Woestyne, Fonds Mercator / MSK, Gand, 2010.

    Gustave Van de Woestyne, Le peintre devant sa fenêtre, lithographie, vers 1920, collection privée

  • G. Van de Woestyne

    Gustave Van de Woestyne, par Robert Hoozee et Cathérine Verleysen, est un bel ouvrage paru au Fonds Mercator en 2010, à l’occasion d’une rétrospective au Musée des Beaux-Arts de Gand (MSK). Il me semble que c’est au musée Van Buuren, qui possède trente-deux toiles du peintre gantois, que j’ai découvert son nom en premier, notamment sous La table des enfants dont j’aime la clarté, l’angle de vue, la lumineuse simplicité – cinq enfants au regard sérieux.

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    Gustave Van de Woestyne, La table des enfants, 1919, Uccle, Musée Van Buuren © SABAM Belgium

    Né à Gand, il est le frère cadet d’un écrivain belge de langue néerlandaise, Karel Van de Woestijne, qui a choisi une graphie plus flamande pour son patronyme. Après cinq ans à l’Académie de Gand, Gustave Van de Woestyne (1881-1947) détruit presque tout ce qu’il y a fait avant de s’installer à Laethem-Saint-Martin chez son frère aîné. Celui-ci y fonde un cercle artistique, avant de se marier et de quitter Laethem. Une exposition sur les Primitifs Flamands à Bruges en 1902 les a beaucoup marqués, ainsi que le travail de George Minne, leur voisin.

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    Gustave Van de Woestyne, Autoportrait à Laethem-Saint-Martin, 1900, collection privée
    © SABAM Belgium (couleurs peu fidèles)

    Le jeune peintre est attiré très tôt par la spiritualité, et par deux fois, il se tourne vers la vie monastique, mais à l’abbaye bénédictine de Louvain, on lui conseille de « rentrer dans le monde » et c’est dans son atelier que Gustave VdW va mener sa vie de « créativité contemplative ». A la différence des autres peintres du premier groupe de Laethem-Saint-Martin, il ne peint pas le paysage, la nature, la beauté des saisons. Ce qu’il préfère, ce sont les figures, et en particulier peindre des paysans, des humbles, des déshérités. Dans ces portraits individuels, le visage occupe la toile en gros plan, le décor est présent, mais secondaire, plutôt symbolique.

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    Gustave Van de Woestyne, Le berger, 1910, Uccle, Musée Van Buuren © SABAM Belgium

    En 1908, il épouse Prudence De Schepper. Leur premier enfant meurt l’année suivante, à l’âge d’un mois. Ils quittent alors le village de Laethem pour Louvain, mais Gustave VdW continuera à s’en inspirer. Ils auront cinq autres enfants. Dans la couleur, il se distingue par une palette « plus proche du fresquiste du Quattrocento que des peintres médiévaux de son propre pays ». Ses portraits de femmes privilégient « le raffinement formel, la sérénité et la pudeur spiritualisée ».

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    Gustave Van de Woestyne, Dimanche après-midi, 1914, Bruxelles, MRBAB © SABAM Belgium (source) 

    Pendant la première guerre mondiale, il se réfugie en Grande-Bretagne, comme beaucoup d’artistes belges. Au Pays de Galles puis à Londres, il rencontre des exilés, comme Emile Claus qu’il admire, et un mécène et collectionneur d’art, Jacob de Graaff, avec qui il correspondra pendant vingt ans, « une des principales sources écrites pour l’étude de l’artiste ». Ce qu’il peint en Angleterre diffère du « réalisme de détail » d’avant-guerre, la texture de la toile y est traitée dans une manière plus proche de la fresque.

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    En couverture du catalogue : Gustave Van de Woestyne, Gaston et sa sœur, 1923, KMSK

    Au retour, il reste sous l’influence des primitifs flamands – réalisme, simplicité, clarté – alors que l’expressionnisme flamand bat son plein. Il déclare dans un entretien son goût pour « un classicisme en rapport avec les idées de notre temps », son horreur des grands gestes et des poses, de l’emphase : « La vie intérieure ne se révèle jamais aussi intensément que dans le silence. » (1929)

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    Gustave Van de Woestyne, Le Christ offrant son sang, 1925, Bruxelles, MRBAB
     © SABAM Belgium

    Pourtant il peint aussi des tableaux religieux pleins de souffrance et d’angoisse, qui sont critiqués. Quels sont alors ses tourments ? Il regrette d’avoir trop peu de temps pour peindre comme il veut, vu le temps qu’il consacre à enseigner à Malines, Anvers, Bruxelles. En tout cas, il cherche à créer un art religieux moderne qui ne soit ni mou, ni sucré – « des œuvres d’art sincères et authentiques ». Il se sent des affinités avec Maurice Denis.

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    Gustave Van de Woestyne, Paysanne, 1926, Bruxelles, Musée Van Buuren © SABAM Belgium

    Si Van Buuren lui commande des natures mortes pour décorer sa maison (aujourd’hui musée), Gustave VdW reste avant tout un portraitiste. Beaucoup lui demandent de peindre leur portrait, c’est une source de revenus constante, mais il se plaint du temps passé à ces « stupides portraits ». Lui peint de préférence un « type humain introverti », des aveugles, des visages impénétrables.

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    Gustave Van de Woestyne, Le Christ dans le désert, 1939, Gand, MSK
     © SABAM Belgium

    Impossible de résumer l’évolution de Gustave Van de Woestyne de façon linéaire, son œuvre est éclectique. Son frère Karel y distinguait trois groupes : « les paysans, les scènes religieuses et les expériences personnelles ». J’aurais aimé vous montrer beaucoup plus de peintures, il y en a tant de belles ! La Collection d’art flamande présente 40 œuvres, à agrandir sur son site.

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    Gustave Van de Woestyne, Fugue, 1925, Gand, MSK © SABAM Belgium 

    Si le nombre de sujets est limité, on peut y trouver des liens avec le symbolisme, l’art nouveau, le modernisme, l’expressionnisme, mais sa peinture est profondément originale – « Le mystère Gustave Van de Woestyne », titrait Guy Duplat en 2010. Parfois serein, parfois tendu, son monde est intériorisé et c’est sans doute pourquoi, encore aujourd’hui, il nous interpelle d’une manière singulière, et avec force.