« J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne. Il ne s’agit que d’une simple pellicule de faits et gestes. Je n’ai rien à confesser ni à élucider et je n’éprouve aucun goût pour l’introspection et les examens de conscience. Au contraire, plus les choses demeuraient obscures et mystérieuses, plus je leur portais de l’intérêt. Et même, j’essayais de trouver du mystère à ce qui n’en avait aucun. Les événements que j’évoquerai jusqu’à ma vingt-et-unième année, je les ai vécus en transparence – ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d’autres ont ressentie avant moi : tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie. »
Patrick Modiano, Un pedigree
Commentaires
Intéressante cette vision de transparence, comme s'il n'était pas vraiment là finalement...Je comprends son ressenti, j'ai l'impression que cette transparence est davantage propre à l'enfance, et qu'à l'adolescence même si pour la plupart on a bien cette impression de ne pas pouvoir vivre pleinement sa vie, on vit plus profondément...enfin je parle pour moi là :)
Pour moi, Manou, cette vision de ses vingt premières années est très étrange et me semble exprimer un abandon, une solitude tels que seule l'existence des autres lui paraissait réelle.
Ta distinction entre l'enfance et l'adolescence est juste. Pour ma part, je ressens ces années-là comme un continuum, bien plus que celles qui suivent.
C'est "marrant", ce qu'il dit là c'est ce que je ressens depuis de longs mois... un retour en enfance ? une fatigue de ce monde je pense. Douce soirée Tania, à bientôt. brigitte
Se sentir à côté de sa vie, c'est une épreuve. Un grand besoin de repos, de patience... Bonne nuit, Brigitte.