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Villa triste

Modiano coffret.jpg« Les chambres des « palaces » font illusion, les premiers jours, mais bientôt, leurs murs et leurs meubles mornes dégagent la même tristesse que celle des hôtels borgnes. Luxe insipide, odeur douceâtre dans les couloirs, que je ne parviens pas à identifier, mais qui doit être l’odeur même de l’inquiétude, de l’instabilité, de l’exil et du toc. Odeur qui n’a jamais cessé de m’accompagner. Halls d’hôtel où mon père me donnait rendez-vous, avec leurs vitrines, leurs glaces et leurs marbres et qui ne sont que des salles d’attente. De quoi, au juste ? Relents de passeports Nansen.
Mais nous ne passions pas toujours la nuit à l’Hermitage. Deux ou trois fois par semaine, Meinthe nous demandait de dormir chez lui. Il devait s’absenter ces soirs-là, et me chargeait de répondre au téléphone et de prendre les noms et les « messages ». Il m’avait bien précisé, la dernière fois, que le téléphone risquait de sonner à n’importe quelle heure de la nuit, sans me dévoiler quels étaient ses mystérieux correspondants.
Il habitait la maison qui avait appartenu à ses parents, au milieu d’un quartier résidentiel, avant Carabacel. On suivait l’avenue d’Albigny et on tournait à gauche, juste après la préfecture. Quartier désert, rues bordées d’arbres dont les feuillages formaient des voûtes. Villas de la bourgeoisie locale aux masses et aux styles variables, selon le degré de fortune. Celle des Meinthe au coin de l’avenue Jean-Charcot et de la rue Marlioz, était assez modeste si on la comparait aux autres. Elle avait une teinte bleu-gris, une petite véranda donnant sur l’avenue Jean-Charcot, et un bow-window du côté de la rue. Deux étages, le second mansardé. Un jardin au sol semé de graviers. Une enceinte de haies à l’abandon. Et sur le portail de bois blanc écaillé, Meinthe avait inscrit maladroitement à la peinture noire (c’est lui qui me l’a confié) : VILLA TRISTE. »

Patrick Modiano, Villa triste

Commentaires

  • La déambulation, l'attente indécise, rien de flamboyant...

  • Ce qu'il décrit n'est pas exactement l'ennui, mais il y a de cela, dans un temps étiré et sans guère d'action. La toile d'araignée du temps ?

  • J'aime la description minutieuse du ressenti, puis des lieux, de l'histoire sans histoire...J'aime aussi : "Un jardin au sol semé de graviers.", me reviennent des souvenirs...
    Merci pour l'extrait !
    Bonne journée, Tania !

  • Ravie que cet extrait te parle, Fifi. Bonne journée.

  • J'avais apprécié ce roman et la balade dans la ville d'Annecy...mais comme toujours pour apprécier Modiano il faut s'accrocher. D'ailleurs je réalise même que je n'ai pas écrit de chronique sur toutes mes lectures :)

  • Il faut "entrer" dans le roman, oui. Après des années où je restais à la porte de Modiano, quelque chose s'est débloqué, j'en suis heureuse.

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