« Une seule timidité nous* est commune : nous n’osons pas ouvertement avoir besoin les uns des autres. Une telle réserve nous sert de code mondain, et constitue ce que je nomme notre protocole de naufragés. Apportés sur une île abrupte, par leur coque démâtée, des naufragés ne se doivent-ils pas d’être les commensaux les plus pointilleux ? Il est sage de verser, sur le rouage de l’amitié, l’huile de la politesse délicate. »
Colette, Le pur et l’impur
(*nous : femmes et hommes homosexuels)
En couverture, un détail (inversé) de la photo d'Henri Manuel / Roger-Viollet
Commentaires
Quelle élégance dans cet extrait ! j'aime beaucoup la photo de couverture.
J'ai failli ne mettre que la dernière phrase, puis j'ai préféré la citer dans son contexte. La photo daterait de 1906-1909, Colette dans la trentaine donc.
J'ai lu beaucoup de Colette, pas celui- là dont je ne connaissais que le nom. Merci Tania!
Observations, dialogues, réflexion... Colette aurait dit de ces pages écrites à 59 ans : "On s'apercevra peut-être un jour que c'est là mon meilleur livre." Bonne soirée, Anne.
Un très bel extrait et une manière pleine de délicatesse d'aborder ce "nous"...
C'est un livre de la maturité, Colette a beaucoup vu, vécu et sait décrire les êtres et leurs relations.
J'ai lu ce livre (bien que pas complètement) parce que, au départ, c'était à peu près le seul disponible en librairie qui contenait une assez bonne évocation de Renée Vivien, poétesse qui m'a longtemps fascinée. Récemment, j'ai lu ce qui concernait la fumerie d'opium (en plus)...
C'est une belle citation...
Merci, Pivoine. J'ai lu une présentation de ce livre sur la blogosphère et comme toi, j'avais lu le premier texte à la fumerie d'opium en ligne grâce à un lien donné sur ce blog - mais je n'ai retrouvé ni l'un ni l'autre.