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Pasternak Quarto.jpg« Ioura marchait seul, dépassait les autres et s’arrêtait parfois pour les attendre. En réponse à la dévastation que la mort avait laissée dans ce groupe qui le suivait à pas lents, un mouvement impérieux comme celui de l’eau qui s’enfonce en creusant ses tourbillons le portait à rêver et à penser, à s’acharner sur des formes, à créer de la beauté. Plus clairement que jamais, il voyait maintenant que l’art, toujours et sans trêve, a deux préoccupations. Il médite inlassablement sur la mort et par là, inlassablement, il crée la vie. Le grand art, l’art véritable, celui qui s’appelle la Révélation de saint Jean et celui qui la complète.

Ioura savourait d’avance le moment où il disparaîtrait pour deux ou trois jours de l’horizon familial et universitaire, et écrirait des vers à la mémoire d’Anna Ivanovna, où tout ce qui lui viendrait alors à l’esprit trouverait sa place : toutes les images fortuites que la vie pourrait lui souffler ; quelques-uns des plus beaux traits de la défunte ; l’image de Tonia en deuil ; ce qu’il avait remarqué dans la rue au retour du cimetière ; la lessive séchant à l’endroit où jadis la tempête avait hurlé dans la nuit et où, enfant, il avait pleuré. »

Boris Pasternak, Le Docteur Jivago (Livre I, 3e partie : L’arbre de Noël chez les Sventitski)

Commentaires

  • J'aime beaucoup sa définition de l'art; on en lit partout beaucoup. Si celle- ci est vraie, elle valide alors l'art contemporain, pas si abstrait que ça, puisqu'il refléterait la vie...........
    Bon week-end Tania...

  • Contente que cet extrait te parle, Anne ! Bon week-end à toi. Bises sous la neige.

  • Très bien choisie, en plus, le train est si présent dans cette histoire.

  • Bon dimanche, Marie. Je m'y régale à chaque page.

  • Pour moi ce qui m'aide, me soutient, dans la beauté, n'est pas tant le sens, disons le contenu en soi, mais plutôt le fait qu'elle émeuve en moi quelque chose , qu'elle me mette en mouvement, en dynamique. C'est pourquoi peuvent faire du bien y compris des oeuvres tragiques, désespérées, violentes. D'où vient cette aptitude à émouvoir ? j'aurais tendance à dire tout simplement de la vérité, de l'authenticité, quel que soit le sujet. Une oeuvre "fabriquée", même avec les meilleures intentions, le meilleur message, ne m'avance à rien.
    Bon je voulais dire surtout merci Tania pour ces articles si variés, et toujours stimulants. On accumule les envies de lecture ou relecture ...

  • Bonjour, Ariane, voilà une réflexion que partagerait certainement Iouri Jivago. Ravie de donner envie de lire, relire, écrire !

  • Dans cet extrait, la nature ne serait-elle pas le déclencheur et le soutien de l'inspiration du moment ? Au milieu du chaos et du désespoir, un brin de nature rallume les feux intérieurs il me semble... Je t'embrasse, merci Tania. brigitte

  • Dans une lettre à Pasternak, l'écrivain Chalamov lui écrit ceci : "Chez Tchekhov, le monde extérieur et le monde intérieur s'opposent (L'Attaque, La Steppe). Dans vos paysages, le monde extérieur souligne le monde intérieur des personnages, il en est l'appréhension émotionnelle."

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