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Thérapie par le livre

Des livres qui soignent… Je n’ose en faire mon titre pendant cette période si difficile, où nous sommes encore plus reconnaissants et redevables envers les personnes qui assistent et accompagnent tous ceux qui ont besoin de soins en tous genres, et pourtant... Régine Detambel, dans Les livres prennent soin de nous, promeut « une bibliothérapie créative ».

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© J. B.

Cet essai de 150 pages, avec un enfant qui chevauche une baleine de lettres sur la couverture, n’est pas un éloge de la lecture en général, bien que l’essayiste ait toujours « rêvé d’écrire un livre sur les livres, sur leur pouvoir, sur leur mission, sur les modifications, psychiques, et même physiques, qu’ils entraînent ou provoquent en nous » (Avant-propos). S’appuyant sur son expérience de romancière et de soignante en milieu hospitalier, elle propose une formation à la bibliocréativité « à destination des bibliothécaires, libraires ou soignants ».

« Par la magie de l’interprétation, l’ouvrage poétique dénoue les nœuds du langage, puis les nœuds de l’âme, qui s’opposaient à la vie et à la force créatrice. La bibliothérapie ainsi comprise doit permettre à chacun de sortir de l’enfermement, de la lassitude, pour se réinventer, vivre et renaître à chaque instant dans la dynamique d’un langage en mouvement. »

Régine Detambel critique la psychologie anglo-saxonne qui privilégie en général des livres « faciles à comprendre », de la psychologie grand public ou des ouvrages « d’auto-traitement ». Elle est du côté des médecins français qui prescrivent « de vrais livres », ciblés en fonction de leurs patients, pour le « miroir que nous tendent les romans » en rendant plus attentifs à la vie ordinaire. Elle rend compte de leur pratique et des raisons pour lesquelles ils choisissent telle ou telle œuvre. « Partout où je suis allé, un poète était allé avant moi. » (Freud)

A Kansas City (Missouri), les étudiants admis en médecine reçoivent « une anthologie de textes littéraires consacrés à la maladie, au soin, à la vie et à la mort » parce que la littérature leur en apprendra plus sur le soin que les livres de pathologie « où l’on n’apprend que la médecine ». La bibliothérapeute offre « des mots, des phrases, un lexique suffisamment riches pour aider à mettre en forme aussi bien les états d’échec que les manifestations biologiques (…), ces bouleversements du corps qui attendent des verbes et des formes dans lesquels couler un récit explicatif donc apaisant ».

Conseils et recettes ne suffisent pas contre le chaos : « Il y faut de la métaphore pour pouvoir offrir au sujet une représentation verbale de ces fictions biologiques qui le submergent, car les grands problèmes humains ne sont accessibles que métaphoriquement. » Régine Detambel relit la fameuse lettre de Sido à sa fille au début de La naissance du jour de Colette et la compare avec la véritable lettre de sa mère – une magnifique illustration de ce que veut dire « réinventer », « créer ».

Le chapitre intitulé « Lire : une sculpture de soi » explique comment « le texte littéraire travaille à la restauration du lien avec autrui ». Si les exercices du corps, une alimentation saine et appropriée, des tâches pratiques nous sont nécessaires, ce que la plupart des gens admettent, les méditations et les lectures jouent aussi un rôle essentiel. Lire fait du bien, ainsi que « recopier », c’est-à-dire « lire de tout son corps ». Lire à l’écran est « un bain tiède » qui prive le lecteur du contact avec le papier, la peau du livre, la qualité esthétique de l’impression.

« Nous avons besoin du récit pour vivre. » Une page, un paragraphe, un seul mot parfois peut nous capter. « Cette force étrange, c’est la métaphore. Elle seule touche au corps. Sans elle, un texte est un morceau de bois mort. » L’essai sort des sentiers battus, aussi par la qualité de son style. Régine Detambel s’appuie sur de nombreux exemples, littéraires et thérapeutiques, sur des expériences personnelles ; elle cite en abondance et à bon escient, renvoie à une bibliographie très étoffée sur le sujet (six pages).

Les livres prennent soin de nous fait envisager la lecture d’une nouvelle manière. J’ai aimé cet approfondissement de ce que cela nous fait de lire, dans l’esprit comme dans le corps. Que les livres prennent soin de vous, de nous.

Commentaires

  • Je ne sais si tu connais Maïté (qui a un blog intéressant)Elle m'a offert ce livre il y a quelques années; je n'aime pas tous les livres de cet auteur, mais celui- là oui!
    Nous on a un président qui au début du confinement dit d'en profiter pour lire, mais il écoute les syndicats et amazon a fini par être condamné à ne plus faire d'envois. Ce monde est paradoxal. Je fais partie d'un club de lectures, j'ai donc toujours de quoi lire; c'est une source……………..Je lis La déesse nue en ce moment, des contes de toujours et du monde entier et la vision (que j'adore!) de J.Kelen, alors oui, les livres prennent soin de nous.
    PS: je n'ai pas du tout apprécié Nancy Huston L'espèce fabulatrice que j'ai fini juste avant; en revanche, elle finit par parler à la fin des livres qui nous nourrissent, nous font ce que nous sommes……...Eternel sujet, tu le vois!!

  • Bien sûr, je rends régulièrement visite au blog de Maïté/Aliénor, je vais bientôt reprendre mes visites aux blogs amis.
    En ce qui me concerne, j'ai encore quelques lectures nouvelles en réserve et de nombreux trésors dans ma bibliothèque, c'est précieux. A bientôt, Anne.

  • Si je comprends bien c'est un livre pour soignants, pour leur conseiller quelles lectures recommander à leurs patients.
    Il est vrai que plus que d'injonctions, dont on a ras le bol et qui sont inutiles, les récits nous embarquent.
    J'ai noté au cours de ma vie, et pendant de longues années de maladie, qu'il faut quand même se sentir plutôt bien ou mieux pour se concentrer sur la lecture, même "facile".
    Seules les réconforts humains aident, je trouve, quand le corps et/ou l'esprit sont blessés.
    En ce moment je lis beaucoup, mais il y a un mois j'en étais incapable, trop d'anxiété sans doute.
    Contente de te retrouver chère amie, besos.

  • Oui, c'est cela. Il ne s'agit pas forcément de lire un livre en entier, un extrait parfois peut suffire, un poème, comme tu le sais.
    Sur l'importance d'avoir l'esprit relativement en paix pour arriver à se concentrer sur la lecture, je te rejoins, bien sûr.
    Contente de te retrouver ici aussi, chère Colo. Bonne fin de journée.

  • Contente également de vous retrouver !Tant de livres peuvent en effet nous venir en aide: les mots s'ils tuent parfois , nous ressuscitent aussi , comme un sourire rencontré fortuitement dans la rue . Encore faut-il que le corps, l'âme et l'esprit soient en état de réceptivité . L'un après l'autre ou tous ensemble ? Mystérieuse conjugaison ...mystère même de la personne humaine .

  • Je m'émerveille avec vous, Béatrice, de cette "mystérieuse conjugaison".

  • J'aime beaucoup Régine Detambel. Ce livre et surtout "Le syndrome de Diogène, éloge des vieillesses". Les livres sauvent des grandes détresses. Quand ma mère est morte, j'avais lu le livre d'Annie Ernaux, "Une femme", qu'elle a écrit pour évoquer après sa disparition la vie de sa mère. Prenez soin de vous chère Tania.

  • Merci, Zoë. Je retiens cet autre titre de Régine Detambel, pour plus tard.

  • Je suis contente de te retrouver ici Tania. J'ai toujours puisé de la force et du réconfort dans les livres lorsque j'allais mal, mais il y a eu des périodes où je ne pouvais plus lire une ligne. Je me sentais alors amputée de quelque chose. Heureusement l'envie est toujours revenue. J'étais prête à lire Régine Detambel, puis il y a eu une polémique en France sur le fait qu'elle avait plagié des passages entiers. Ça m'a refroidie. Je te joins un lien, non pas pour l'affaire elle-même, mais pour les références d'autres livres sur la lecture.

  • J'ignorais cette polémique, d'autant plus que l'auteur cite beaucoup et présente une bibliographie abondante.

  • N'est-ce pas que les livres sont vivants ? Ils viennent toujours quand on a besoin d'eux et ils trouvent les mots justes.
    J'ai lu ce livre il y a quelques années avec un grand intérêt.
    Je t'embrasse.

  • Je n'ai pas encore retrouvé la concentration nécessaire pour bien lire, Marie, mais elle reviendra peu à peu. Un baiser en retour.

  • Je savais que vous l'aviez en projet et que vous étiez intéressée par ce genre de thérapie. Sans imaginer que vous l'évoqueriez dans des circonstances aussi tristes.
    Un livre dont j'ai beaucoup retenu – je le retrouve très crayonné – avec toutefois quelques côtés excessifs, comme le «syndrome de Stendhal».
    Quant au plagiat (ou plutôt «formalisme non respecté dans la citation des sources») reconnu par Actes Sud, il a été résolu à l'amiable, semble-t-il.

  • Un billet préparé "avant" (si je puis dire), Merci à vous pour les précisions concernant le problème des citations.

  • Merci Tania pour cette présentation! Les livres soignent, mais lorsque l'on est trop mal, la lecture, le peu de concentration qu'elle demande, la mémorisation d'une page deviennent impossible....Je t'embrasse bien fort. Claudie.

  • Merci, Claudie. Bonne après-midi.

  • des livres qui prennent soin de nous, c'est une très bonne formule, et tout particulièrement capital en ce moment!

  • Nous sommes d'accord, Eimelle.

  • intéressante présentation, tania - merci beaucoup - je suis profondément convaincue par le pouvoir soignant des livres, il y a 20 ans deux livres m'ont sauvée, ce fut une magnifique expérience

  • Quel témoignage fort, Niki, c'est magnifique. Bon week-end.

  • Le Livre est une bonne mère. Même quand une mère est irréprochable, le livre est un rempart, une conscience qui reflète, un ami. Que serions nous sans eux.

  • Merci, Fifi.

  • Je lis les commentaires et suis moi aussi intéressée par l'autre livre de R.Detambel,le syndrome de Diogène.
    Tania, bien sur, j'ai beaucoup à lire, des réserves, MAIS ceux qui n'ont rien, comment feraient -ils si l'envie leur en venait? Le désir est si puissant..
    Pour ma part, j'ai un livre que j'ai aimé et qui parle de disparition. a lire après...ou avant…...Les sept chevaux de la reine (de Christiane Singer qui me manque toujours autant…)
    Amitiés livresques!

  • Merci, Anne. En Belgique, les magasins de bricolage sont de nouveau accessibles depuis ce matin, j'espère que les librairies et les bibliothèques vont aussi rouvrir prochainement.
    Je suppose que tu veux parler des "Sept nuits de la reine", merci pour ce titre, je le note. Bonne fin de journée.

  • Oui, les 7 nuits de la reine; mais j'ai lu aussi les chevaux écumants du passé; c'est celui- ci, je crois qui parle de nos disparus...Les 2 titres sont des merveilles!

  • D'accord, je note les deux dans ce cas. Bon dimanche, Anne.

  • Je lis ton billet et je souris, je viens de quitter ma mère de 89 ans, ancienne infirmière, dévoreuse de livres. Pendant que je lui préparais quelques petits plats, elle a fouillé dans un sac de livres que je lui avais apporté, elle a choisi "Peste et choléra" de Patrick Deville, et s'est mis à me le commenter joyeusement. Lorsque je suis partie, elle m'a dit qu'elle n'irait se coucher ce soir qu'après l'avoir terminé. Elle se sentait nourri par l'histoire, par la vie de ces hommes incroyables... La preuve par l'exemple de ce que semble dire cette auteure. À bientôt Tania, belle fin de journée. brigitte

  • Oh, merci de raconter cela, Brigitte. Cet amour des livres est si précieux et si porteur, bravo à ta mère.

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