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La maison du conte

Sur la couverture de La prisonnière du temps, le gros roman de Kate Morton (The Clockmaker’s Daughter, 2018, traduit de l’anglais (Australie) par Anne-Sylvie Homassel), des fleurs et des feuilles, des insectes, un cadran de montre ancienne, des rouages d’horlogerie, des lettres ou plutôt des touches de machine à écrire… Roman pour la jeunesse ? me suis-je demandé en l’empruntant à la bibliothèque.

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Photo de Brian Robert Marshall : Avebury Manor from the rose garden, Avebury / CC BY-SA 2.0
(lieu qui a inspiré Birchwood Manor dans le roman de Kate Morton)

C’est l’impression que donne d’abord le récit : une femme se souvient de Birchwood Manor et d’Edward, un peintre pour qui elle avait posé à Londres. Il était fiancé – « Une fille comme moi n’était pas faite pour lui. » Son destin était pourtant bien de devenir sa muse et de vivre avec ce « membre distingué de la Royal Academy » dans cette « demeure échouée sur le bord de la rivière tel un grand navire ensablé » où la lumière l’attirait comme un aimant.

Cette première voix du prologue laisse la place au chapitre un à l’histoire d’Elodie Winslow en 2017, à laquelle elle se mêlera par intermittence. Après des études à Oxford, Elodie travaille à Londres aux archives de Stratton, Cadwell & Co. Elle a du pain sur la planche : un récit de voyage de James Stratton à indexer, un article à écrire, les épreuves d’un catalogue à relire, mais son patron a insisté pour qu’elle s’occupe sans tarder d’une boîte datée de 1966 retrouvée dans un réduit à la suite d’un dégât des eaux, dont le contenu n’a jamais été répertorié.

Elle en sort des accessoires de bureau sans intérêt, un étui à lunettes qui porte l’étiquette de Lesley Stratton-Wood, « petite-nièce du premier James Stratton » morte dans les années soixante, et surtout une sacoche au cuir usé, particulièrement élégante et d’une bonne maison, « bien plus ancienne ». Cette sacoche contient un agenda aux initiales E. J. R., un étui de stylo fin XIXe et, dans un porte-documents étiqueté « James W. Stratton, esq., Londres, 1861 », un petit cadre en argent avec la photographie sépia d’une jeune femme en robe blanche, dans un paysage de verdure : « La lumière était diffuse, le résultat enivrant. » Elodie aimerait savoir qui elle est.

Ce qu’elle a pris pour un agenda est en fait un carnet de dessin, rempli de croquis à l’encre et au crayon ; on y a glissé un bout de papier, un mot d’amour passionné, inachevé. Un dessin de paysage plus travaillé que les autres retient le regard d’Elodie. Au bord d’une rivière, elle reconnaît soudain une maison aux pignons jumeaux, « hérissée de huit cheminées et d’une girouette ornementale représentant le soleil, la lune et quelques autres emblèmes célestes. » C’est la maison d’un conte que sa mère lui racontait pour l’endormir.

Elodie aime prendre le bus pour la vue qu’il offre sur d’anciens quartiers, « un voyage dans un passé soudain presque tangible » qui lui permet de s’imaginer à l’époque de Dickens. Elle pense à James Stratton le jeune, un banquier de l’époque victorienne, grand philanthrope et « belle plume » qu’elle admire. Elle veut « protéger son héritage » et « s’assurer que ses volontés étaient respectées ». Pour la première fois, elle vient d’enfreindre le règlement : elle a emporté avec elle le carnet à dessins. Elle veut percer le mystère de « la maison de l’histoire de maman ».

Son père ne vit que pour la mémoire de son épouse décédée trop jeune, une violoncelliste réputée dont les photos sont partout dans la maison, Il offre à sa fille la mantille de soie que portait sa mère le jour de leur mariage pour son proche mariage avec Alastair, qui travaille à la City et que la meilleure amie d’Elodie n’apprécie guère. Sa future belle-mère voudrait pour ce grand jour faire écouter un enregistrement de Lauren Adler. Elodie n’est pas enthousiaste. Sa mère n’avait pas beaucoup de temps à lui consacrer.

La prisonnière du temps navigue entre deux histoires, celle de la muse du peintre Edward Radcliffe (les initiales du carnet) et de Birchwood Manor, et celle d’Elodie qui aime se promener dans le passé et découvrir les secrets des lieux et des êtres. Le peintre était fiancé à Frances Brown, assassinée à vingt ans lors d’un cambriolage dans cette fameuse maison. Elodie n’a plus qu’une idée en tête : découvrir qui est la jeune femme de la photographie retrouvée, visiter la maison du peintre devenue musée – Radcliffe y invitait ses amis peintres de la fraternité Magenta.

Le succès du roman de Kate Morton tient à ses thèmes – la musique, la peinture, l’amitié, l’amour – et au cadre choisi : cette maison ancienne si romantique, au cœur du voyage dans le temps. « J’aime composer des romans comme un architecte dessine une maison. Chaque pièce doit exister en elle-même mais il faut aussi que le lecteur déambule de l’une à l’autre avec curiosité, découvre des passages secrets, embrasse soudain une perspective inattendue, avant de gravir, un peu tremblant, un escalier qui le conduira il ne sait où », a confié la romancière australienne (La Croix).

Qui est la fille de l’horloger (titre original) ? On découvrira petit à petit sa vie peu commune. Kate Morton campe bien ses personnages, ceux de premier plan comme les personnages secondaires, et elle rend véritablement fascinante la maison où ils évoluent. L’histoire de l’art est source d’inspiration pour les romanciers et c’est ce qui m’a attirée vers ce roman. Ici, contrairement à l’univers des peintres préraphaélites recréé par Philippe Delerm dans Autumn, tous les personnages sont fictifs. Ce qui m’a gênée, c’est la touche fantastique qui tire ce roman vers le merveilleux et les changements d’époque parfois lassants. En réalité, je lui ai préféré la manière d’évoquer les « ombres » d’Isabelle Hausser.

Je ne sais plus qui avait attiré mon attention sur Kate Morton dans la blogosphère, les moteurs de recherche ne renseignent quasi plus que des sites commerciaux et il devient difficile de retrouver facilement une critique. Comme résumé dans Le Soir, la romancière australienne propose dans La prisonnière du temps « un roman passionnant, avec un vieux manoir plein de cachettes, de greniers encombrés, de chausse-trappes et de mystères. Et un fantôme. » Une histoire conçue pour faire rêver, me suis-je dit. A vous de voir.

Commentaires

  • Tu évoques Autumn et j'ai aimé ce livre, j'ai aimé Philippe Delerm avant qu'il ne soit trop connu. Autumn c'est écrit comme j'aimerais écrire, et puis, à l'époque, j'adorais Dante G. Rossetti.
    Pourquoi parles- tu de ce livre ici? Je n'ai pas compris le rapprochement (sinon l'art comme source d'inspiration), mais j'ai aimé qu'on me rappelle ce livre! L'art devrait nous inspirer tout seul, pas son histoire, pas sa petite histoire; tu vois ce que je veux dire? Je nep rends pas assez de temps pour préciser…..Amitiés!

  • De Delerm, j'ai préféré l'évocation des peintres de Skagen, mais j'ai repensé à "Autumn" à cause du compagnonnage entre artistes dans la maison de Radcliffe. Mais ce roman-ci a peu de rapports avec celui de Delerm, en effet. Bonne soirée, Anne.

  • Tous ces ingrédients me rendent le livre très tentant. Il faut dire que je suis une fan des sagas familiales avec un zeste de mystère, ce qui est bien plus fréquent qu'on ne le pense :)

  • Bonne lecture si tu te laisses tenter.

  • Tout à fait !

  • Je l'ai lu cet été et il a bien rempli son office de roman d'évasion, même si j'ai préféré Le jardin des secrets.

  • Ah, c'était donc chez toi, merci de me le rappeler. J'ajoute le lien vers ton billet : https://desmotsetdesnotes.wordpress.com/2019/08/21/la-prisonniere-du-temps/

  • C'est loin d'être une lecture indispensable, tu l'auras compris.

  • Un nom que je vois régulièrement sur les blogs, mais je n'ai jamais été tentée. Au vu de ton billet, je ne crois pas que je vais changer d'avis et il y a tant d'autres ouvrages à notre disposition ..

  • Je n'insiste pas, c'est un roman divertissant qui n'est pas sans intérêt, sans plus.

  • Le billet d'Anne dont j'ai ajouté le lien donne un autre éclairage. L'emprunter à la bibliothèque permet de s'en faire une idée sans forcément achever la lecture, mais je suis tout de même allée jusqu'au bout.

  • La couverture est attirante et je comprends cette Elodie, j'aurais aimé être à sa place, mener ce genre de recherche,
    Je note ce titre, pour moi ou pour ma maman, la blogosphère m'aide beaucoup pour lui choisir des livres à la bibliothèque et quelquefois j'en profite moi-aussi. Merci Tania, belle journée, des bises un peu venteuses et ce soir pluvieuses, les jardins sont en joie. brigitte

  • Merci, Brigitte. Oui, les recherches pour identifier la personne sur cette photographie sont une belle expérience pour l'héroïne et suscitent la curiosité des lecteurs. Le soleil nous est revenu cette après-midi alors que la pluie est descendue dans le Midi. Bonne fin de journée.

  • Pas vraiment convaincu de le lire, la dimension merveilleuse ne me gêne pas, mais tout est affaire de dosage.
    Sur wikipédia, à KM, on lit le nom de Enid Blyton, je me souviens du "club des cinq", bibliothèque rose je crois, premiers pas.

  • Je n'ai pas vraiment cherché à convaincre. Le roman a des qualités mais il m'a paru inégal. Dickens a certainement influencé Kate Morton et sans doute aussi Enid Blyton que j'ai beaucoup lue (Le Club des Cinq).

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