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A Istanbul

« Mevlut était depuis vingt ans à Istanbul. […] Il aimait les habitants de ces anciens immeubles à haut plafond, équipés d’ascenseurs et de radiateurs, construits il y a un demi-siècle alors qu’il était encore au village, voire avant sa naissance ; et il n’oubliait pas que ces gens étaient ceux qui se comportaient le mieux envers lui. Mais ces anciennes bâtisses stambouliotes lui rappelaient toujours qu’il était étranger à la ville. Comme, involontairement, les concierges de ces vieux immeubles le traitaient avec le plus grand mépris, il craignait constamment de commettre un impair. D’un autre côté, il aimait les choses anciennes : l’atmosphère des cimetières qu’il découvrait au hasard de ses déambulations dans les faubourgs quand il vendait de la boza, les murs de mosquée couverts de mousse, les indéchiffrables inscriptions ottomanes sur les fontaines publiques aux becs en laiton définitivement asséchées et hors d’usage.

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Parfois il trouvait insensé de travailler autant pour tout juste gagner de quoi manger alors que tous ceux qui déboulaient en ville s’enrichissaient, acquéraient des biens, des maisons et des terrains, il se disait que la vente de pilaf ne rapportait rien en réalité, mais que ne pas savoir se satisfaire du bonheur que Dieu lui accordait serait de l’ingratitude. Il en avait rarement l’occasion mais, parfois, il comprenait au vol des cigognes que les saisons avaient passé, que l’hiver était terminé, et il sentait que, tout doucement, il vieillissait. »

Orhan Pamuk, Cette chose étrange en moi

Commentaires

  • Je suis pourtant une grande voyageuse, mais ne connais pas Istambul; n'ai même pas envie d'y aller; pourtant cet auteur en dit l'humilité, les difficultés, l'authenticité…..Ce livre, presque, on dirait , un documentaire sur un pays qui change………..

  • Oui, c'est le roman d'une ville et d'une société qui changent.
    Dans un entretien sur France Culture, Orhan Pamuk dit ceci : "Je crois toujours aux valeurs libérales européennes et j'espère que la Turquie renouera avec elles un jour, mais je me souviendrai que l'Europe ne s'est souciée que de maintenir les musulmans en dehors de ses frontières, faisant du gouvernement turc le gardien de ses portes, ce qui a eu pour conséquence la fin de la démocratie turque."
    https://www.franceculture.fr/emissions/le-temps-des-ecrivains/entretien-avec-orhan-pamuk

  • oui c'est une histoire plus complexe que ce qu'en disent nos média mainstream, comme toute histoire, d'ailleurs :-)

  • Le résultat des nouvelles élections municipales à Istanbul le 23 juin prochain permettra peut-être de voir plus clairement si l'opposition au parti présidentiel est encore possible.

  • Un si beau personnage, ce Mevlut.

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