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Pour Aliénor

Fervente admiratrice d’Aliénor d’Aquitaine, Aliénor de Bordeaux, à qui je dédie ce billet, nous a invités tout au long de l’année dernière sur les traces de cette « dame du temps jadis » – à travers une vie, des mots, des lieux comme la magnifique abbaye de Fontevraud. Dans La révolte, Clara Dupont-Monod raconte l’histoire de cette reine médiévale par la bouche d’un de ses fils, Richard Cœur de Lion.

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Le gisant d’Aliénor d’Aquitaine dans l’abbaye royale de Fontevraud, détail © AFP

En épigraphe, un extrait d’une lettre d’Hildegarde de Bingen à Aliénor d’Aquitaine : « Ton esprit est comme un mur battu par la tempête. Tu regardes autour et tu ne trouves pas de repos. » Le récit de Richard Cœur de Lion commence par cet ordre qu’elle donne à ses fils d’aller renverser leur père. Son premier époux, Louis VII, roi de France, avait quinze ans quand il a épousé Aliénor, elle en avait treize. Une union sans héritier, ennuyeuse : « Elle aimait la littérature, lui les Evangiles ; elle demandait des fêtes et des guerres, il voulait la paix et le dialogue. Elle croit au pouvoir, lui à Dieu. »

Ce premier mariage annulé, elle épouse Henri Plantagenêt, roi d’Angleterre, « de onze ans son cadet », avec qui elle fera sept enfants. Le contrat prévoit qu’il lui laisse la mainmise sur l’Aquitaine, mais son royal époux traite ses nouvelles terres en « royaume conquis » et y change tout « selon ses désirs, ignorant la révolte montante ». Aliénor fait couronner son fils aîné, Henri, pensant « un peu régner à travers lui », mais son plan échoue, d’où son appel à la vengeance des fils contre leur père.

C’est pourquoi elle offre son Aquitaine à Richard Cœur de Lion, le faisant duc d’Aquitaine à quatorze ans – « A ma charge de la défendre et de l’honorer. » Son frère aîné, Henri, l’a toujours regardé de haut ; Richard est prompt à se battre. Aliénor l’a élevé avec un enfant abandonné, Mercadier, « vigilant, fripon, bagarreur comme personne », compagnon loyal. Henri ressemble trop à leur père, Richard lui préfère Mathilde, l’aînée des filles, son aînée d’un an. Les enfants se méfient les uns des autres. Leur père n’a de sentiment paternel que pour Jean, le quatrième et petit dernier des fils.

La reine Aliénor réside tantôt en Angleterre, tantôt en France, ses enfants toujours avec elle : elle veille sur eux, mais « pas la moindre parole tendre (…) ni non plus de caresses. Très tôt, nous avons senti que pour ma mère, le bonheur s’accompagne toujours d’une menace. » Elle craint leur disparition.

Flash-back. Le monologue de Richard, le troisième fils, remonte en avril 1152, à Poitiers : on y célèbre la reine d’avril, « regina avrilloza », qui a osé quitter le roi de France. Elle pense déjà, en galopant dans la campagne, à ce Plantagenêt qui ira loin. « Aliénor a trente ans. Elle agit comme elle veut. Elle n’est pas inquiète. » Sur ses gardes, pourtant : elle se sait une proie, elle qui possède le Poitou et l’Aquitaine. Pas question qu’un seigneur l’enlève, l’épouse de force pour acquérir ses terres. « Le 18 mai 1152, Aliénor épouse le Plantagenêt. Elle n’a que faire des rumeurs. »

Deux ans plus tard, elle perd ses illusions. L’Angleterre, sortie de la guerre civile, réclame son nouveau roi qui a promis de « soustraire les biens des pauvres à la rapacité des grands ». Elle doit embarquer, un fils dans les bras, enceinte à nouveau, pour les terres humides du prieuré de Bermondsey, le palais de Westmister étant en travaux. Thomas Becket, l’archidiacre, l’accueille ; il est encore l’homme de confiance – dans quelques années, le roi ordonnera sa mort. « Elle ignore où se trouve son mari, ce qu’il projette », mais elle entend souvent le nom de Rosemonde Clifford, une « grande beauté », fille d’un seigneur anglo-normand. Comme reine, elle ne s’en soucie pas d’abord, mais quand elle comprend qu’il l’aime, « germe dans son esprit, la possibilité d’une guerre. »

De loin, elle apprend que « son royaume ne se laisse pas faire », des révoltes éclatent en Aquitaine. Mais elle patiente et aménage, après la naissance d’Henri, le palais de Westminster, contre « la rudesse anglaise ». Elle fait venir les poètes, ils chantent l’amour et sa gloire. Le climat est fatal à son premier fils qui respire mal, Guillaume meurt alors qu’un autre enfant va naître. Sur la pierre du Poitou qu’elle garde près de son cœur, elle fait graver une phrase avant de la mettre dans sa tombe : « Relève ce qui est détruit, conserve ce qui est debout. »

La révolte conte la manière dont Aliénor, reine et mère, stratège et guerrière, reconquerra sa position sur ses terres, s’alliant avec l’un, déclarant la guerre à l’autre, se servant de ses fils et en particulier de Richard Cœur de Lion, obstinée, fidèle à cette devise gravée, quitte à se retrouver en prison. C’est un Moyen âge de rivalités et de batailles, qui mènera son fils jusqu’à Jérusalem. Ils ne trouveront le repos qu’à la belle abbaye de Fontevraud, devenue nécropole des Plantagenêt.

Ce roman qui « par définition, n’est pas un livre d’histoire », comme le rappelle Clara Dupont-Monod dans une note finale où elle précise « certaines libertés » prises dans ce récit, s’appuie largement sur des travaux d’historiens. Quoique je lise peu de romans historiques et que j’aie souvent du mal quand ils ont pour narrateur un des protagonistes de l’histoire, j’y ai découvert une autre image de la reine des troubadours et de l’amour courtois : une mère qui n’hésite pas à lancer ses enfants dans la bataille, une femme attachée à sa région, au pouvoir, un destin très tumultueux.

Commentaires

  • J'ai toujours aimé les "romans historiques", en tout cas ceux qui se concentraieint sur une figure, donnaient à un nom connu et ne signifiant rien des émotions, une vie, des révoltes, imperfections, espoirs etc...

  • Celui-ci devrait te plaire, Edmée.

  • Je vais donner le lien de ton article à Maïté L qui a un blog (où elle publie entre autres ses poèmes et textes) la connais- tu? C'et une fervente d'Aliénor.
    son blog éclats de mots
    http://www.eclats-de-mots.fr/
    Merci à toi!

  • Merci, Anne. Maïté à qui je dédie ce billet est pour moi l'"Aliénor de Bordeaux", j'ai mis son blog en lien sous "abbaye de Fontevraud", mais tu fais bien de signaler "Eclats de mots" à ceux qui ne le connaîtraient pas.

  • Un beau complément aux billets de Maïté, un personnage haut en couleurs Aliénor, intéressante à tous points de vue. Merci!

  • Maïté/Aliénor m'a fait mettre la main sur ce livre présenté à la bibliothèque. Oui, Aliénor est une grande figure que j'ai appris à mieux connaître grâce à elle.

  • Bonjour Une belle description et j'aime .... C'est comme une histoire. Tu écris très bien.
    Aliénor, je pense que c'est le prénom d'une petite infante d'Espagne aussi.
    Belle journée.

  • Merci, Elisa. L'infante Aliénor de Castille est reprise dans la liste des Aliénor et Eléonore célèbres sur Wikipedia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Ali%C3%A9nor

  • Bonne lecture, Anne. Quant à moi, je vais me promener sur Annima.

  • je n'avais pas accroché à ce roman mais je reste une fervente admiratrice de cette femme qui revendiquait déjà à l'époque une place pour la Femme avec un grand F

  • Tu auras sans doute compris mes réserves, mais je l'ai lu pour ce personnage hors norme et cette si belle gisante avec un livre.

  • il y a ce côté 'femme de pouvoir' prête à beaucoup de choses, mais pas que... j'ai déjà beaucoup lu sur elle et ça ne fait qu'augmenter mon admiration, c'est une sacrée bonne femme :-)

  • C'est une autre manière de le dire - elle l'était, en effet !

  • Bonjour Tania,
    merci pour la dédicace et la référence à mon périple dans les pas d'Aliénor. Ce long périple aura une suite d'ailleurs, puisqu'en 2019, est programmée une petite escapade à Poitiers pour continuer à découvrir les lieux qui portent trace de cette grande Femme.
    J'ai eu plaisir, grâce à ton talent littéraire, à te lire et c'est encore une fois comme si je redécouvrais le cheminement de cette famille au croisement de l'Aquitaine et des Plantagenêt.
    Merci, Merci.je ne m'en lasse pas.
    Après une longue absence, quel plaisir de revenir vers toi!

  • Une suite ? Tant mieux ! Merci à toi de nous la faire mieux connaître et de photographier ces lieux chargés d'histoire.

  • Clara Dupont-Monod parlait avec beaucoup d'enthousiasme et de fougue de son livre lors de sa sortie, mais je ne suis pas très adepte des romans historiques. Pourtant, j'aimerais en apprendre davantage sur Aliénor.

  • Le récit est plein de cet enthousiasme pour son personnage.

  • Merci Tania, ton beau récit m'a passionnée, il nous immerge totalement dans le monde d'Aliénor d'Aquitaine, et je m'en vais de suite visiter celui d'Aliénor de Bordeaux !
    Belle journée et bises.

  • Tu y liras et tu y verras de belles choses, bonne journée, Claudie.

  • Assez d'accord avec votre avis sur les romans historiques (le protagoniste narrateur) et finalement j'y trouve un plaisir sans réserve lorsqu'il ont des fondements sérieux. Ceci dit, je n'en lis vraiment pas beaucoup, au vu de ma liste de lecture des derniers mois.
    Pour ce qui est de l'histoire, autre façon d'y plonger et avec un livre quand même, elle passe pour moi maintenant à travers Rubens et sa galerie Médicis (J. Thuillier), où je découvre une reine plus proche, malgré les images allégoriques et les portraits en héroïne.

  • Il y a bien longtemps que je n'ai plus visité cette galerie : un guide éclairé s'avère très précieux pour l'aborder.

  • Il y a trop longtemps que je suis exilée de la province d'Aquitaine et d'Aliénor ... ce livre va rejoindre la Liste à Lire et me ramener à Fontevraud que les locaux connaissent peu.

  • Maïté/Aliénor en a proposé de belles photos qui donnent envie de visiter cette abbaye : http://www.eclats-de-mots.fr/tag/fontevraud/

  • Voici ce qu'on dit d'elle sur le site Hérodote : "Tout en étant exceptionnelle, la vie d'Aliénor témoigne du comportement très libre des femmes au Moyen Âge, du moins dans les classes supérieures. Elles suivent leur mari à la croisade, étudient, animent des cours etc. Elles sont néanmoins handicapées dans la conduite de la guerre. Comme Aliénor, elles doivent dans ces occasions se faire épauler par un mari, un fils ou un fidèle vassal.
    Les femmes perdront leur autonomie à la Renaissance, quand les juristes ressusciteront le droit romain et le statut d'infériorité féminine qui s'y attache. Le Code civil de Napoléon, plus romain que nature, aggravera encore cette situation."
    https://www.herodote.net/alienor_d_aquitaine_1120_1204_-synthese-229.php

  • Je connais vaguement cette reine par le biais du contexte... moi aussi, je lis assez peu de romans historiques. Pourquoi pas ? Après, j'espère que ce n'est pas dans le style de Phillipa gregory. Je n'avais pas du tout aimé

  • N'ayant rien lu de cette Britannique, je ne pourrais comparer. L'extrait que j'ai mis en ligne t'aura donné un aperçu du style de "La révolte". Bonne soirée, Maggie.

  • Je découvre ainsi que le gisant d'Aliénor d'Aquitaine tient un livre entre les mains ! C'est un sacré signe.... C'est un personnage intéressant que cette femme.
    Merci. Bonne journée, chère amie.

  • Je trouve cela très émouvant. Bonne journée, Marie.

  • Une vie incroyable, un personnage hors du commun. Il y avait eu à son sujet un "Secret d'histoire" très intéressant. J'imagine que le livre doit l'être aussi.

  • Je n'ai pas vu cette émission. Une belle et grande figure, sans aucun doute !

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