Double page dans La Libre de ce week-end pour un entretien avec Dominique Bona – l’excellente biographe lue à plusieurs reprises, avec bonheur : Cécile Daumas l’a interrogée à propos du débat sur « la place du féminin à l’Académie française », un article paru dans Libération il y a peu. Il paraît ici sous la rubrique « Le franc-tireur », que l’on aurait pu mettre au féminin en s’inspirant du Guide de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre d’application en Belgique.
Dominique Bona, auteur et membre de l'académie française. (DAMIEN MEYER / AFP) Francetvinfo (sic)
Bona l’académicienne, une franc-tireuse ? Le décret qui impose, depuis 1993, d’employer « systématiquement le genre féminin dans les actes émanant du secteur public » dans la Communauté française de Belgique, n’a pas suscité de débat comparable à celui qui agite la France régulièrement à ce sujet. Il me semble que la plupart ont adopté ici ce nouvel usage, sans problème particulier, et aussi qu’il entre peu à peu dans les mœurs françaises, en tout cas à l’oral.
Hélène Carrère d’Encausse, « secrétaire perpétuel » de l’Académie française, tient à l’universalité du masculin pour valoriser la conquête récente de certaines fonctions jadis réservées aux hommes. Martine Aubry signait à Lille « Madame le maire », alors qu’Anne Hidalgo opte à Paris pour « Madame la maire ». « A titre personnel, je suis pour une réouverture du débat à l’Académie française sur la place du féminin dans la langue française », précise Dominique Bona.
Y compris sur le système des accords en genre : la règle du masculin qui l’emporte sur le féminin « n’a pas toujours existé, elle est même assez neuve », dit-elle encore. Pourquoi ne pas revenir à la règle de l’accord en genre avec le substantif le plus proche ? Ecrire « des hommes et des femmes sont allées voter » passerait plus facilement, selon certains, que « les hommes et les femmes sont égales ». Serait-ce plus acceptable si rien ne change à l’oreille, autrement dit si le féminin ne s’entend pas ?
L’adoption dans certains textes de l’écriture avec « point du milieu » (« des acteur.rice.s du développement durable » plutôt que « des acteurs du… » ) irrite, comme l’a montré la réaction du premier ministre Philippe appelant à respecter les règles « notamment pour des raisons d’intelligibilité et de clarté de la norme ». Sur ce point, je suis d’accord : il faut rester compréhensible et ne pas jouer les précieux ridicules (c’est moi qui choisis le masculin) sous prétexte de favoriser l’égalité des genres.
Dominique Bona est née en 1953 à Perpignan dans une famille catalane. Elue à l’Académie française en 2013, elle est une des quatre femmes qui y siègent actuellement, sur quarante membres (37 fauteuils occupés), depuis la disparition d’Assia Djebar et de Simone Veil. « Il y a des fauteuils vacants. Je rappelle qu’à l’Académie, il faut faire acte de candidature devant la compagnie. La voie est ouverte…. »
Commentaires
Un long débat qui n'en finit pas... Et je ne comprends pas que des sièges puissent rester vacants à l'Académie.
Le débat est sensible en France et il faudrait l'ouvrir sérieusement. Je ne suis pas adepte du point non plus, mais je pense que des changements sont possibles sans que ce soit une révolution. Personnellement, je suis pour Madame La Maire par exemple.
Avant de parler de ées ou és, peut-être faudrait-il s'assurer que certaines bases de grammaire sont acquises. Beaucoup écrivent é ou même er par ignorance ou oubli et tout cela doit leur paraître un peu lointain comme débat.
Le livre qu'il me reste en souvenir de Dominique Bona "Je suis fou de toi" Le grand amour de Paul Valéry pour Jean Voilier ( Jeanne Loviton) Quand je suis à Sète, je ne me lasse pas d'aller lire et relire ces lettres enflammées au Musée Paul Valéry.
je pense comme keisha ;-)
Madame le Maire ou Madame la Maire, une auteur ou une auteure : je trouve ces débats un peu ridicules, chacun peut trouver des arguments, alors autant laisser la possibilité de choisir ce qui nous plaît le mieux. Il y a, selon moi, un débat plus important à mener : la lutte contre tous les mots d'anglais qui envahissent notre langue français (les "prime", "after work", "it-girls", etc.).
Par ailleurs, ton article suscite une autre réaction : les académiciens français bénéficient d'une plus grande notoriété et médiatisation que nos académiciens belges. Les personnes qui en font partie, ne mettent jamais cette étiquette en avant (la modestie belge?).
Bonne semaine Tania.
Tout à fait d'accord,le bon sens doit prévaloir; compliquer une langue qui est déjà compliquée n'est pas la solution ! Par contre pour féminiser les noms de métier cela paraît simple.
Comme je l'ai déjà dit ailleurs, je pense que la "lutte" pour un meilleur traitement des femmes se fait tous azimuts, et parfois, on peut se poser des questions sur le bien-fondé de certains de ces azimuts, mais peut-être veut-on changer les mentalités en changeant le langage, seulement, est-ce que cela se fait par décret ?
Je me souviens de la fameuse brochure sur la féminisation des noms de métiers et du célèbre cafetier/cafetière alors qu'il existait cabaretier/cabaretière.
Juste en passant, c'est tout tout personnel, hein, je n'aime pas beaucoup Hélène Carrère d'Encausse, cette spécialiste de la Russie qui déteste cordialement tout un pan de l'histoire de la dite Russie. (C'est tout à fait personne).
Depuis que mon père n'est plus, je ne vois plus de Libre Belgique. C'est curieux car mes parents comme mes grands-parents (maternels) ont toujours lu la Libre Belgique. Même du temps où il y avait la Libre Féminine (!) et... La Libre Junior où l'on pouvait envoyer des dessins. Mais en réalité, je n'achète plus de journal, et je devrais acheter pourtant le Soir du mercredi, pour le Mad - je me le dis toujours et je ne le fais pas .............
Et je me rappelle même le temps où il y avait un feuilleton (me semble-t-il) dans la Libre Belgique. Ma mère était une grande découpeuse de journaux, j'ai encore des découpages qui se baladent à gauche et à droite (sans jeu de mots o;) dans mon appartement et que je dois ranger dans les livres ad-hoc.
L'autre jour, je suis encore tombée sur un passage qu'elle avait recopié à propos du violoniste Philippe Hirschorn (qui est enterré au Dieweg, je l'ai trouvé par hasard) - sur les liens entre musique et poésie. Je trouve cela d'autant plus curieux que pour moi, le lien le plus intense s'est situé entre la peinture et la poésie (ce qui n'exclut pas le plaisir d'écrire en écoutant de la musique)...
@ Marilyne : A lire Dominique Bona, j'ai cru comprendre que c'était faute de candidatures - étonnant.
@ Aifelle : Madame la... Tout à fait d'accord, c'est ce qui se fait chez nous.
@ Keisha : La déliquescence de l'orthographe grammaticale est un autre sujet, et tu as raison de la souligner. Il y aurait beaucoup à dire des réformes et des conseillers pédagogiques qui portent une part de responsabilité dans la dévalorisation de cette matière.
@ Alezandro : Tu en avais parlé, je crois, je le lirai.
@ Adrienne : Même réponse alors ;-)
@ Un petit Belge : La question de la visibilité des femmes dans le langage de leur fonction m'importe, mais je suis d'accord avec toi sur une certaine souplesse dans la langue, qui permette des choix.
Plus de discrétion pour nos académiciens et académiciennes belges, je le constate aussi, il est vrai que la mention "de l'Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique" est fort longue. (Rien lu encore des derniers élus, Corinne Hoex et Philippe Lekeuche, c'est en projet.)
@ Claudialucia : Si l'usage s'en répand, l'Académie suivra, sans doute.
@ Pivoine : Il me semble que ce décret-là a porté ses fruits : les médias l'ont adopté, il me semble.
Pour La Libre, j'y suis abonnée après avoir abandonné Le Soir lu pendant de nombreuses années - l'idéal est de lire les deux, bien sûr. Elle est toujours bien présente chez les marchands de journaux, mais ce sont les acheteurs qui manquent, le gros problème de la presse papier concurrencée par la presse en ligne.
Ma mère aussi lisait et découpait le feuilleton en bas de la page - nous en avons jeté un il n'y a pas longtemps ;-), et de nombreuses coupures sur des sujets divers.
J'apprécie ici l'auteure de biographies passionnantes
Je suis d'accord avec toi la féminisation a ses limites lorsque les propos deviennent un rien intelligibles.
Je me fiche de mettre une phrase au masculin pour m'adresser à tous car je m'adresse alors aux HOMMES aux sens d'humanité et donc à tous
je crois que le combat de l'égalité homme femme se joue ailleurs, éducation, égalité salaire, égalité de carrière etc...
L'écriture avec "points du milieu" m'insupporte, il me semble que ses créateurs ont l'esprit un peu tordu, les textes deviennent inintelligibles, ce qui est déraison ! Je ne savais pas qu'il y avait des fauteuils vacants à l'académie française, qui donc en décide ainsi, les messieurs ?
Belle journée Tania, bises ensoleillées. brigitte
Je suis totalement d'accord avec le contenu de votre article, Tania et donc avec Dominique Bona. Je ne comprends pas la vigueur des combats qui se développent en ce moment en France et j'ai été particulièrement choquée par des articles et les commentaires qui y répondaient, dans des blogs rédigés par des femmes qui, jusque là me semblaient plutôt progressistes. Cela me semble totalement étrange.
@ Dominique : Oui, l'égalité déborde largement la question du langage.
@ Plumes d'Anges : Cette écriture dite inclusive apparaît ici ou là dans les médias, je doute fort qu'elle se généralise, même si parfois, dans une intention particulière, j'admets qu'elle puisse servir (comme dans les annonces, la mention "h/f").
Quant aux fauteuils vacants, ils sont dus aux procédures pour remplacer un membre de l'Académie après son décès ; je ne connais pas les critères pour l'acceptation d'une candidature, mais je sais que les votes donnent parfois lieu à des débats internes. Bonne journée, Brigitte, bises.
@ Annie : Peut-être les scandales à répétition de harcèlement sexuel rendent-ils les uns et les autres particulièrement sensibles à la question du genre ? J'observe et je m'étonne aussi.