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Lettre d'un pasteur

Gilead est le premier roman d’un triptyque de Marilynne Robinson (traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Simon Baril), avant Chez nous et Lila. Avant de « rejoindre le Seigneur », le cœur malade, le révérend John Ames, 76 ans, écrit pour son fils de presque sept ans une lettre qu’il pourra lire quand il sera adulte. « J’étais loin d’imaginer que j’allais laisser derrière moi une femme et un enfant, crois-le bien. J’aurais été un meilleur père, si j’avais su. J’aurais mis quelque chose de côté pour toi. »

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La vie de pasteur, c’est une seconde nature pour lui comme ce fut le cas pour ses deux grands-pères et son propre père, mais il se reproche de ne pas avoir atteint leur sagesse, de ressentir un peu trop de colère. « Surtout, fais attention à ce que tu dis » lui avait écrit un jour son père dans une lettre, un homme de principes qu’il pense avoir déçu. Et voilà qu’à son tour, il se préoccupe de son fils.

Alors il raconte ses souvenirs sur le papier, tout en observant les siens, sa femme en robe bleue, son fils en chemise rouge, en train de jouer avec le chat. « Ah, cette vie, ce monde. » Il revoit son périple avec son père, depuis dix ans pasteur à Gilead (Iowa), pour aller sur la tombe de son grand-père, quand il avait douze ans, en 1892. Devenu pasteur itinérant, celui-ci était mort au Kansas, sans qu’ils se soient réconciliés, son fils et lui. Ce voyage d’un mois, malgré la fatigue, la faim, la soif, avait été l’occasion pour son père de lui dire beaucoup de choses.

John Ames s’était marié une première fois quand il était en dernière année de séminaire, mais sa femme était morte en couches et l’enfant n’avait pas survécu. Il a mené une vie solitaire, a rédigé des tas de sermons qui remplissent des cartons entiers dans son grenier. Heureusement son ami Boughton a toujours été présent pour lui – « Nous étions des enfants très pieux, issus de pieuses familles habitant dans une ville plutôt pieuse, et cela influa considérablement sur notre comportement. »

La famille nombreuse du révérend Boughton, il la considère un peu comme la sienne. Il est heureux pour lui que sa fille Glory, après un mariage malheureux, soit revenue vivre à ses côtés. John Ames se réjouit que son propre fils ait à présent un ami, Tobias, avec qui il passe la moitié de son temps – « Nous pensons que c’est une très bonne chose pour toi, mais tu nous manques terriblement. »

Le pasteur a beaucoup lu, beaucoup écrit, ce qui lui a valu une réputation de sagesse, même si parfois, sous la lampe allumée, il s’était endormi sur sa chaise. A son fils, il veut parler de ses « années sombres – c’est ainsi que j’appelle le temps passé dans la solitude », la plus grande partie de sa vie. Et aussi de sa rencontre avec sa mère, cette étrangère venue dans son église et qui s’est montrée si attentive à ses sermons qu’il s’est mis à les écrire en pensant à elle, sans jamais oser le lui dire. C’est elle, un jour, qui lui a demandé de l’épouser. (Ce sera le personnage principal de Lila.)

Gilead est le roman du souvenir, des bilans, traversé par la conscience éblouie du présent encore à vivre – la beauté de la lumière, des fleurs, la contemplation de sa femme et de son fils – même si de douloureuses questions restent en suspens, en particulier concernant un autre John Ames, le plus jeune fils de Doughton qui lui a donné le nom de son ami comme pour lui donner un fils, à l’époque où il était seul, trop seul. Mais ce John Ames, surnommé Jack, est loin d’être un fils spirituel et leurs conversations tournent presque toujours mal.

Dans cette lettre où le pasteur veut se montrer à son enfant tel qu’il a été, tel qu’il est, la religion est forcément essentielle : lectures, sermons, discussions, désaccords. Marilynne Robinson fait revivre dans Gilead tout un mode de vie, des personnages aux relations parfois minées par le non-dit, sous le regard d’un vieil homme scrupuleux. Elle décrit les liens particuliers qui se nouent entre un pasteur et les habitants qui fréquentent son église. J’ai trouvé ce monde assez pesant, trop pour avoir envie de poursuivre la trilogie, dont j’ai pourtant lu des échos très positifs.

« Le nom même de Gilead, drapé de résonances bibliques, laisse intuitivement deviner le dessein méditatif et métaphysique du geste romanesque de Marilynne Robinson : interroger, par le biais de la fiction, l’essence de l'expérience humaine, l’énigme de l'être-au-monde, objet d'une spéculation qui puise davantage à la rigueur astringente, voire austère, de la théologie qu’aux exaltations confuses de la mystique. » (Nathalie Crom, Télérama)

Commentaires

  • Dommage! Par chance j'ai démarré par Chez nous, puis lu Lila (deux très belles lectures, crois moi), il me semble que les personnages principaux changent, et que c'est moins centré sur ce pasteur, devenu secondaire.

  • Il me semble que je n'aurais pas du tout aimer vivre à cette époque, il me semble que tout y est lourd, qu'il n'y a pas de place pour la spontanéité, il faut obéir à ce qui se dit, ce qui se fait... Notre époque a ses défauts mais elle me parait plus vivante,non ?
    Dans ce que tu évoques, j'aime beaucoup l'idée du pasteur d'écrire à son fils avant de quitter le monde, l'enfant sera riche de ces mots... Vas-tu lire les deux autres tomes ?
    Belle journée Tania, à bientôt. brigitte

  • @ Keisha : Oui, comme tu l'écris, chacun de ces trois livres peut se lire indépendamment des autres, et après avoir laissé passer un peu de temps, j'aborderai peut-être les deux autres. J'avais lu tes billets sur le 2e et le 3e, j'ajoute le lien vers ta lecture enthousiaste de "Chez nous" : http://enlisantenvoyageant.blogspot.be/2010/02/chez-nous.html

    @ Plumes d'Anges : Effectivement, nous échappons à un tel poids des convenances, bien que chaque époque ait les siennes. Pour la suite, comme j'ai répondu à Keisha, j'ai d'abord pensé non, puis peut-être - en tout cas, plus tard. Bonne après-midi, Brigitte.

  • je note l'ensemble, j'ai l'impression pourtant d'avoir déjà abordé cette auteure mais comme je ne garde aucun souvenir je dois me tromper

  • un monde pesant, oui, c'est exactement l'impression que ça me donne (ouf, ma liste à lire ne va pas s'allonger ;-))

  • @ Dominique : Marilynne Robinson a récolté plusieurs prix dont le Pulitzer et le National Book Critics Circle Award pour "Gilead".

    @ Adrienne : Parfois on ne sent pas en phase avec un roman, cela a été le cas pour moi avec celui-ci, bien qu'il soit intéressant. (Oui, ne pas trop allonger la liste, elle se remplira bien assez vite ;-)

  • Je l'avais noté, chez Keisha je crois, mais la conclusion de ton billet ne m'encourage guère à me lancer (surtout en pensant à tout ce qui m'attend par ailleurs).

  • @ Aifelle : A toi de voir, c'est un roman de l'Amérique profonde et campagnarde.

    @ Niki : Tu vas rire, mais je me suis dit que c'était peut-être davantage une lecture pour l'hiver que pour l'été, ce qui ne repose sur rien de rationnel ;-)

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