La saison a terminé sa mue, les beaux jours de juin ont changé d’une semaine à l’autre dans la rue l’allure des passants, l’allant des élèves libérés des examens – derniers appels, chahuts, rires, festivités de fin d’année. A l’école en face de chez moi, derniers jours d’activité. Bientôt les professeurs aussi goûteront aux vacances, un goût d’inaccompli mêlé à la joie des réussites et au plaisir de changer de rythme pour deux mois.
Dans mon jardin suspendu, les couleurs s’épanouissent, d’un mois à l’autre les annuelles installées en mai ont pris l’air d’habituées et tutoient les vivaces. Nouveau venu, un dipladénia semble s’y plaire ; je n’ai pu lui résister à la jardinerie, il me rappelle celui que je retrouve, à chaque séjour dans le Midi, près de la porte, les feuilles brillantes et le teint rose. Les graines récoltées l’an dernier (lavatères, campanules à grosses fleurs, ipomées) promettent, qui fleuriront plus tard. Les ruines-de-Rome sont au rendez-vous.
Que picore-t-il dans la jardinière de lierre et de pervenche mêlés, le visiteur qui joue l’attraction du matin pour la chatte, reconnu de loin au moindre bruit d’ailes et qui la subjugue en roucoulant, les yeux dans les yeux ? Il me semble n’avoir jamais entendu tant d’oiseaux en ville, merles, moineaux, pies, passages en troupe de bruyantes perruches vertes, en déplacement d’un parc à l’autre.
Deux journées à la campagne, en province de Namur, offrent évidemment une atmosphère tout autre. Parfois troublée par quelques avions à l’entraînement, sans doute ceux de la base militaire de Florennes (résonances très différentes de ceux qui, partis de Zaventem, réveillent les Schaerbeekois vers six heures du matin). Des parties de scrabble à l’ombre du feuillage devant la maison n’empêchent pas de saluer ceux qui passent, d’écouter les pépiements des moineaux qui vont et viennent sous le toit des voisins, de tendre la main vers chat ou chien de vagabondage.
L’inattendu, si spectaculaire que je n’ai pensé trop tard qu’à aller chercher l’appareil photo, ce fut un tourbillon soudain juste au-dessus du grand noyer, un étrange et gigantesque ballet de foin fraîchement coupé emmené dans les airs, tournoyant avec une légèreté de plumes. Quelques brassées d’herbes retombaient çà et là mais la plupart prenaient de la hauteur, devenaient invisibles, avalées par l’azur, d’autres dérivaient à grande vitesse, « parties pour Rochefort » pariait un voisin lui aussi le nez en l’air, tout excité, qui n’avait jamais vu de si grand tourbillon de foin.
J’aime ce banc contre le mur où boire le thé du matin ou de l’après-midi, où lire le journal, contempler, bavarder. Deux jours de compagnie offerte et reçue, peu propices à la lecture, tout au plaisir d’être mère et fille ensemble, d’être là et hors de ses habitudes, à partager deux jours d’été. A défaut de plumes d’herbes sèches,
je vous ai rapporté celles du coq – wallon, cela va sans dire.
Commentaires
Jardins de ville suspendus de Tania ou comme le nôtre enfoncé dans la verdure des grands arbres, si bas qu’il y règne presqu’un silence monacal que seuls interrompent les mésanges et les ramiers … dans le bruissement discret du feuillage … : privilège rare de quelques « citadins ».
Une brindille de paille dans l'oeil tournoyant du pigeon.
Ton banc m'inspire. Les gens passent, saluent, un brin de causette, on parle toujours du temps n'est-ce pas?
(J'aurais bien besoin d'un coq pour mes 6 jolies poules, peu importe sa nationalinalité:))
Un beso de sol.
Ca se sent bon le soleil et les fleurs et la bonne humeur d'une entente qui n'a pas besoin de paroles. Ca sent les blés, l'herbe sèche, le gravier humide du matin. Ca sent l'amour et le bien-être, ce billet. Joli!
@ Doulidelle : ah, ce beau silence des jardins ! Merci de nous le faire écouter.
@ Colo : du temps, des plantes, de la santé...
Il y en a qui mettent un héron postiche près de leur étang, un coq postiche peut-être?
@ Delphine : ravie de vous voir partager cette belle humeur et ces senteurs, bonne journée, Delphine.
Magnifique le dipladénia et très résistant. Comme moi vous disposez d'un jardin suspendu et je vois que vous l'entretenez avec autant d'amour que j'entretiens le mien. Nous y dînons souvent mon mari et moi, dès que la douceur de l'air le permet, et nous assistons ainsi aux magnifiques couchers de soleil sur la mer. Voisins de notre résidence les deux manoirs où Proust séjournait souvent, chez les Finaly et chez Mme Straus. Ces hauteurs de Trouville, loin du bruit, et comme suspendues entre ciel et mer ont un charme dont l'écrivain gardait un souvenir preignant. C'est la raison pour laquelle j'ai choisi comme thème de ma prochaine conférence : " Proust à Trouville".
Fleurs superbes, pigeon joliment gracile, banc qui invite à la détente, coq qui invite à l'admirer, mais ... où donc passent en troupe de bruyantes perruches vertes ? Ca alors ! Je n'ai jamais vu cela !
@ Armelle B. : une terrasse pour contempler les couchers de soleil sur la mer, vous me faites rêver ! Votre prochaine conférence promet, de quoi compléter le déjà riche dossier sur Proust de votre blog. Merci pour votre sympathie.
@ Euterpe : si vous me mettez au défi, j'essaierai d'en photographier une escadrille au passage, mais ce ne sera pas facile. Une photo tout de même pour vous montrer ces perruches vertes sur http://www.bxlblog.be/2007/11/04/perruches%E2%80%A6/