Tentatives de louange (2011) est le dernier recueil poétique d’Henry Bauchau, le premier que j’ouvre : une cinquantaine de pages, vingt-quatre textes, dans le petit format de la collection « Le souffle de l’esprit ». Actes Sud l’a conçue comme « le reflet d’une ouverture des uns aux autres, à travers la prière, la réflexion, la méditation » – croyants, athées ou agnostiques y font part de leurs invocations à Dieu ou de leurs réflexions sur l’humain.
Bauchau a composé ces « prières » entre 2009 et 2011. Certaines sont dédiées à une personne ou composées « pour » quelqu’un, d’autres sont des méditations, des instants ouverts sur l’infini. Son premier texte, « Louange au Déliant », est le seul à nommer Dieu.
Seigneur, Seigneur Dieu, au-delà de tous les noms et de toute pensée
Délivre-nous ainsi que l’a souhaité Maître Eckhart
Délivre-nous non de l’amour mais des images de toi
Comme tu as délivré mes oreilles du bruit du monde
En me rendant presque sourd
Comme tu m’as libéré du délire de puissance et de possession
En me rendant presque aveugle
Séparé, enfermé en moi-même, ne m’emprisonne pas avec toi
Accorde-moi la liberté
Où parfois, en m’éveillant, je te sens si proche (…)
Pour vous, quelques premières lignes :
Les parachutistes savent pourquoi les oiseaux chantent (« Pourquoi les oiseaux chantent »)
Je m’éveille, je fais le salut au soleil. Le mince soleil à l’est qui filtre entre deux maisons. Je me prosterne de tout mon corps, ne le pouvant en esprit. » (« Le salut au soleil »)
Sur le grand escalier nous nous sommes assis
Que la pierre était douce, d’une chaleur humaine. (« Architectures de louange »)
Je suis nu comme un poteau de téléphone (« Céleste insuffisance »)
Et quelques derniers mots :
Heureux qui sait faire face au gel et trouver sa place abondante au soleil. (« Arbre pour la belle verrière »)
Louange à l’art des cavernes
Louange à l’artisan
Je ne connais pas d’art profane
Tout est sacré (« Exercice de louange »)
Le chant des syllabes muettes (« Les hirondelles boivent en vol »)
Henry Bauchau est ce vieil homme qui écrit, se tait, attend. A l’écoute des vibrations du monde, il regarde un jardin sous la neige comme une enfance, le printemps comme une métamorphose – « Il n’est pas permis d’être vieux ». Il devient arbre, oiseau, ciel.
Le doute l’habite : « Si le temps d’écrire revient, je doute. Je doute aussi après. Tu n’es que le locataire de la maison de l’écriture, quand tu es chevauché par le roman ou disloqué par le poème. » (« Le salut au soleil ») Le doute est un allié : « Je ne connais pas, je ne crois pas, j’espère » (« Eloge du doute »)
Photos : Louise Bourgeois, The Welcoming hands, 1996 (Installation au Jardin des Tuileries, Paris, 2000)