« Les emprunts trop voyants au monde extérieur, les objets introuvables et encombrants sont contraires à l’idéal du cirque où tout doit se dérouler à mains nues, de même que dans un livre une citation trop longue vient toujours casser le rythme, et même briser l’élan. L’érudition est nécessaire pour éviter le flou, la précision est utile pour ne pas tomber dans l’arbitraire, mais ce sont des tremplins qui doivent se faire oublier le plus vite possible. »
Le trio Dario au Cirque Royal à Bruxelles - Photo Stern, 1925.
Gérard Macé : L’art sans paroles (1998) révèle une écriture rare, profonde, concise. Ce sont des réflexions sur la pantomime, le cinéma muet, le cirque – l’expression. Des fragments d’une page ou deux, séparés par des silences ouverts au songe.
J’aimerais dire simplement le bonheur à le lire et remercier celui qui me l’a mis entre les mains. De l’âme des mimes incarnée en Deburau ou Baptiste (Jean-Louis Barrault dans Les enfants du paradis) à la naissance de Pierrot, les petits textes de Gérard Macé suspendent le temps, nous rassemblent devant une scène, une image, un geste.
Au cinéma, tout est d’abord visuel : « Le vent est un grand personnage du cinéma muet, qu’il faut montrer d’autant plus qu’on ne l’entend pas. » Des lettres écrites à l’écran, pour résumer une situation, Macé souligne l’élégance graphique et s’interroge – « on se dit même que l’écriture pourrait disparaître en même temps que l’artisanat dont elle est la contemporaine, et qui était comme elle un accord entre la main, l’œil et l’esprit. »
Allez au cirque avec ce poète-lecteur-artisan des mots, vous verrez, vous entendrez de belles choses. L’art sans paroles est édité dans la jolie collection « Le cabinet des lettrés », dédiée aux livres qui « vont se loger plutôt dans les interstices et les replis, la solitude, les oublis, les confins du temps, les mœurs passionnées, les zones d’ombre. » (Note de l’éditeur)