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spilliaert - Page 2

  • Spilliaert à Ostende

    Depuis longtemps, j’ai envie de vous parler de Spilliaert, un peintre belge pour qui j’ai une admiration particulière. Vendredi premier juillet : pas encore la foule à Ostende, nuages et pluie assombrissent le début de l’été. Un bon jour pour découvrir la nouvelle aile du Mu.ZEE consacrée à « Deux grands maîtres ostendais : Ensor et Spilliaert » puis Het Spilliaert Huis (La Maison Spilliaert), ouvertes depuis mai 2016.

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    Cabines de bain sur la plage d'Ostende

    « Ensor et Spilliaert ont beau être ‘le jour et la nuit’, leur œuvre témoigne de la même fascination pour la lumière d’Ostende, le rythme de la mer, les pêcheurs et la vie sur la plage. » (Brochure du Mu.ZEE) James Ensor (1860-1949) et Léon Spilliaert (1881-1946) y sont nés, y ont vécu, y ont peint. Tous deux étaient fils de commerçants : on peut encore visiter la Maison Ensor où sa mère vendait coquillages, masques et objets exotiques ; en revanche, la Grande parfumerie Spilliaert n’existe plus – sa devanture annonçait « Fleurs des Flandres », « Brise d’Ostende », des parfums fabriqués par le père de Spilliaert.

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    http://www.visitoostende.be/fr/het-parfum-van-oostende

    Deux grandes photos à l’entrée des nouvelles salles du « Musée d’art-sur-mer » au rez-de-chaussée montrent l’une, Ensor contemplant la plage noire de monde de la terrasse du Kursaal (casino) en 1926 et l’autre, Spilliaert en compagnie d’Oscar Jespers, également sur le balcon du casino (ils y ont exposé ensemble en 1925) devant la plage et ses cabines de bains. On verra de nombreuses photos des peintres, des affiches, des livres, des lettres qui les montrent en relation avec d’autres artistes et amis, des écrivains, des galeristes... Une lettre d’Ensor à Eugène Demolder, juge de paix, montre leur amitié – comparée à celle de Don Quichotte et Sancho Panza. Celui-ci a écrit la première biographie d’Ensor en 1882.

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    http://www.muzee.be/fr

    Le parcours présente leurs liens avec la ville et leurs points communs : Ensor peint Ostende encore provinciale, la ville de pêcheurs que le roi Léopold Ier va choisir comme villégiature et transformer en ville mondaine ; l’insomniaque Spilliaert, de vingt ans son cadet, peint les galeries royales (édifiées sous Léopold II au début du XXe siècle, aujourd’hui décrépites), la plage, la mer au clair de lune, les rues désertes, des silhouettes solitaires.

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    Ensor, Les toits d'Ostende, 1901 (Mu.ZEE, Ostende) © SABAM BELGIUM 2016

    Ensor n’a pas quinze ans quand il peint une toute petite toile lumineuse que je connaissais pas, Couple de pêcheurs. Après l’orage (1880) montre sa fascination pour les nuances du ciel, on y voit déjà sa palette de tons nacrés qui feront merveille sur de nombreuses toiles. Une composition de coquillages du magasin Ensor est présentée près de la grande tapisserie de la fameuse Entrée du Christ à Bruxelles en 1889 – la toile originale est au Getty Museum de Los Angeles. Elle a été réalisée en 2010, grâce à un mécène, sur un projet de tapisserie colorié par Ensor lui-même. Des écouteurs permettent de l’entendre discourir, déclamer, et commenter la composition de cette toile, qu’il met en rapport avec le montage de coquillages.

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    Ensor, Autoportrait au chapeau fleuri, 1883 (Mu.ZEE, Ostende) © SABAM BELGIUM 2016

    Ensor s’est moins souvent représenté que Spilliaert. Son célèbre Autoportrait au chapeau fleuri a été peint d’abord sans chapeau, ajouté quelques années plus tard ainsi que des traits bleus au-dessus de sa moustache, une façon géniale d’instiller fantaisie et humour dans ce chef-d’œuvre. Un petit autoportrait plus tardif du Baron Ensor avec son diable et son blason affiche la devise : « Pro luce nobilis sum ».

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    Un chat dans les dunes, extrait des Images d'Ostende de Henri Storck

    Un autre Ostendais célèbre a rencontré Ensor et Spilliaert : le cinéaste Henri Storck, dont on peut regarder « Images d’Ostende », premier film centré sur l’eau, l’écume, les ancres, le vent, les reflets, les dunes, souvent des gros plans, des vues en plongée, et d’autres films sur la vie à Ostende, les passants, la plage, des documents précieux.

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    Spilliaert, Le hibou (collection particulière)

    Anne Adriaens-Pannier, spécialiste de Spilliaert, avait donné pour titre au catalogue de la rétrospective bruxelloise en 2006, « Léon Spilliaert, un esprit libre ». Passionné de littérature et de philosophie, Spilliaert reçoit sa première boite de pastels à Paris en 1900 (elle est exposée), où il visite avec son père l’Exposition Universelle. Il travaille d’abord comme illustrateur pour l’éditeur Deman et entre ainsi en contact avec Maeterlinck (Serres chaudes) et Verhaeren qui l’introduit dans les cercles parisiens. Verhaeren et Zweig ont été parmi les premiers à lui acheter des œuvres.

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    Spilliaert, La digue d'Ostende vue depuis l'estacade, vers 1910  (La Libre Culture) © SABAM BELGIUM 2016

    Léon Spilliaert souffrait de maux d’estomac et d’insomnie, il a longtemps vécu chez ses parents à Ostende où il se promenait le soir, noctambule solitaire attentif aux lumières crépusculaires et nocturnes. Ses nombreux autoportraits où le noir et le blanc dominent révèlent une personnalité inquiète, introspective, d’une part, et aussi sa fascination pour les objets, les plantes, les miroirs, les éclairages, les ombres. Peintre symboliste, il annonce l’expressionnisme.

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    © Spilliaert, Le nuage, 1902 © SABAM BELGIUM 2016

    Ensor et Spilliaert n’avaient pas vraiment de sympathie l’un pour l’autre. Spilliaert a des amis poètes – son mariage en 1916 avec Rachel Vergison est endeuillé par la mort accidentelle de Verhaeren. Le couple s’installe à Bruxelles, où leur fille Madeleine naît l’année suivante. L’œuvre de Spilliaert devient plus sereine. Quand il revient à Ostende à la demande de sa mère, en 1922, ses rapports avec Ensor s’améliorent. Il est à présent reconnu, exposé, des collectionneurs français achètent ses œuvres. 

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    Spilliaert, Femme au bord de l’eau © SABAM BELGIUM 2016

    Comme Ensor, il peint la vie des pêcheurs, leurs femmes, les quais, et aussi des promeneurs, des baigneuses. Et toujours des marines, dans de magnifiques couleurs où le ciel et l’eau se confondent. Ses diagonales ouvrent l’espace de la toile jusqu’à l’infini. Le dessin de Spilliaert est très graphique, il a le sens de la ligne, du cadrage. Sa technique est très variée : encre de Chine, lavis, pastel, gouache, crayons de couleur, aquarelle, huile…

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    Het Spilliaert Huis (ce n’est ni sa maison, ni un musée) tout au bout des galeries royales (entrée par le 7, Koningin Astridlaan), propose depuis deux mois une très belle sélection (par Anne Adriaens-Pannier) de 32 œuvres issues de collections privées. A ne pas manquer si vous allez à Ostende : l’exposition est ouverte tous les jours pendant les vacances scolaires. Vous y verrez aussi la passion plus tardive de Spilliaert pour les arbres, leurs troncs, leurs branches entrelacées. Vous m’en direz des nouvelles.

  • Autoportrait

    « La pratique de l'autoportrait est le cœur de la recherche du peintre, qui a ainsi multiplié les visions les plus insolites et troublantes de lui-même. »
    (Léon Spilliaert : autoportraits)

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    Spilliaert, Carnet de croquis (Musée Fin de siècle, Bruxelles)

     

  • Horizons

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    Léon Spilliaert, Marine aux voiles oranges (détail), 1909

    « Qu’il peigne une marine, c’est devant soi, l’Océan sans fin, les vagues mystérieuses, la plage monotone et le ciel qui se marie à l’onde, dans le lointain : qu’il représente la digue, le quai, c’est l’éloignement de la ligne qui se perd dans le vide, et c’est le vide lui-même sous la masse du ciment ; qu’il interprète un paysage, c’est l’immense ciel nuageux, la route interminable. Point de limitation, de bornes, ni d’arrêts prématurés. Les horizons fuient avec l’espace, il faut s’enfoncer, se perdre dans la vision, rêver et respirer à pleines pensées et à pleines aspirations. » 

    François Jollivet-Castelot (1874-1939) in Xavier Tricot, Bonjour Ostende, Ostende dans l’art international, Pandora publishers, Ostende, 2013. 

    ***

    Deux semaines de vacances en vue : je vous laisse respirer l’atmosphère d’Ostende à travers quelques photos. A bientôt.  

                      Tania          

    P. S. L’exposition « Des lettres et des peintres. Rops, Ensor, Magritte. » est prolongée jusqu’au 17 novembre. Des journées portes ouvertes sont proposées aux enseignants à la fin du mois de septembre, qu’on se le dise.
    http://www.mlmb.be/fr/index.html


     

  • Bonjour Ostende

    Ce joli titre d’exposition – en français à la Côte belge, ce n’est pas si courant, merci – met à l’honneur les peintres inspirés par Ostende aux Galeries Vénitiennes, sur la digue de la reine des plages belges, jusqu’au 15 septembre. « Bonjour Ostende » est d’abord le titre d’une amusante toile cubiste de Floris Jespers choisie comme affiche : silhouettes de promeneurs à la manière d’un collage, la tête ailleurs, sur un bord de mer où les poissons s’envoient en l’air – Ostende avec ses cabines rayées, ses bateaux à l’horizon. 

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    Floris Jespers, Bonjour Ostende, 1926-1927

    Plusieurs oeuvres de Floris Jespers, dont « La plage d’Ostende », remarquable aussi, accueillent les visiteurs avant qu’ils pénètrent dans une longue salle d’exposition  où les tableaux sont présentés par ordre chronologique, de 1650 à nos jours. Les anciennes représentations de la ville relèvent de la peinture d’histoire (Peter Snayers, « Le Siège d’Ostende ») et mettent en valeur le port, l’arrivée des bateaux, le marché aux poissons, la plage et la digue.

    Au XIXe siècle, Michel Van Cuyck, peintre ostendais, montre la société élégante en promenade sur la digue et, sur la plage, des cabines sur roues qu’on retrouve dans une grande toile verticale de François Musin, « La plage de l’ouest et le casino d’Ostende ». Le Kursaal (ou Casino) est un endroit mythique à Ostende, son architecture a évolué au cours du temps. Musin a peint cette vue (vers 1885) depuis la plage où des pêcheurs à cheval, des enfants, des familles, prennent l’air non loin des cabines aux rayures pimpantes –un drapeau noir jaune rouge piqué dans le sable flotte au vent – sous le mur oblique de la digue avec ses grands hôtels et, tout au bout, l’arrondi de la promenade autour du casino. Superbe. 

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    François Musin, La plage de l'ouest et le casino d'Ostende, vers 1885
    (Toile plus lumineuse en réalité)

    Van Cuyck est l’un des artistes locaux chez qui le jeune James Ensor (1860-1949) a pris des cours de dessin, celui-ci est évidemment bien présent avec des marines et des vues en plongée sur des rues qu’il apercevait de son atelier sous les toits. Ses célèbres Bains d’Ostende (1890) sont drôlissimes : personnages grotesques, chiens lubriques, plage grouillant de monde sous un ciel rieur, on ne s’embête pas ! Jean-Jacques Gailliard peint Ensor marchant sur la digue, mains derrière le dos, de profil, tout en noir, avec chapeau et parapluie (« Ensor Ostendais »).

    On croise aux Galeries Vénitiennes des noms bien connus en Belgique : Degreef, Hannon, Vogels, Permeke surtout. On reconnaît « Le port d’Ostende » de Willy Schlobach avec sa grande oblique (collection Belfius), la touche pointilliste de Finch, « L’hippodrome Wellington », et on est attiré irrésistiblement vers le fond de la galerie où l’on reconnaît la patte d’un autre grand peintre ostendais, cher à notre cœur, Léon Spilliaert (1881-1946) – rien que pour lui, le déplacement vaut la peine. 

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    Spilliaert, Fillette à la plage (détail), 1909 

    Quel ensemble ! Une « Marine (nocturne) » presque noire, d’un noir d’encre, où l’on devine à peine l’horizon, une « Marine (avec vue sur le Royal Palace) » très claire, légère comme une esquisse, où le peintre distribue ses gris subtils dans l’espace dont mieux que quiconque il rend l’ouverture sur l’infini. Deux repères, le Royal Palace, à gauche, et un bateau qui fume entre ciel et mer. Une « Marine bleue et rouge » au pastel, une autre « aux voiles oranges », et que dire de cette « Digue d’Ostende » à contre-jour, somptueuse ? Une « Fillette à la plage » retient son chapeau ; sur le seuil d’une « Maison appelée « La Chaire » à Ostende », un pêcheur fume la pipe assis sur l’escalier.

    Je ne connaissais pas Jan De Clerck (1881-1962), Ostendais lui aussi, qui nous montre entre autres des bassins du port ou un chantier naval sous la neige ou en été. J’ignorais que Erich Heckel, expressionniste allemand (un des fondateurs de Die Brücke), amené en Flandre par la première guerre (comme infirmier volontaire) avait peint tant de vues d’Ostende – quel dommage que la moitié d’entre elles soient accrochées si haut qu’il faudrait un escabeau pour les approcher ! 

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    Erich Heckel, Casino d'Ostende, 1917 

    Je pourrais encore vous parler de Wolvens, de Brusselmans, de Raveel (« Het groen in de zee »)… Mais passons à la photographie et aux images captées, dans les salles annexes : Lili Dujourie y a aligné sept écrans sur lesquels on peut regarder bouger la mer en noir et blanc, marée basse, marée haute, vue de son appartement. Plus loin, de la même artiste flamande, « Ostende » (1974), dix-huit petites photos noir et blanc prises un jour de tempête.

    Contraste avec « Twilight » (« Crépuscule », 2008), un beau film en couleurs de Michel Lorand sur grand écran : un marcheur passe sur la plage avec son chien, c’est un peu flou, la caméra oscille de gauche à droite et inversement, peu à peu la lumière change… Quelques images sur son site vous en donneront un aperçu. Vous pourrez découvrir aussi d’anciens films sur Ostende, il y a de quoi vous remplir les mirettes aux Galeries Vénitiennes (à côté de l’Hôtel des Thermes). Et dans le beau catalogue bilingue de Xavier Tricot (Pandora) qui commence par « Certains noms de villes suscitent le rêve. »