Averno. Forme latine : Avernus. Petit lac volcanique,
situé à environ 16 kilomètres de Naples en Italie.
Considéré comme étant l’entrée des enfers par les anciens Romains.
Cette note figure au début du recueil de poèmes de Louise Glück, Averno (2006, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Marie Olivier, 2022). Je cherchais son recueil le plus connu, L’iris sauvage (prix Pulitzer 1992), j’ai trouvé à la bibliothèque cette édition bilingue parue deux ans après que le prix Nobel de littérature a couronné cette poétesse américaine « pour sa voix poétique caractéristique, qui avec sa beauté austère rend l’existence individuelle universelle ». Le texte original est très accessible : des vers libres comme des phrases découpées, un vocabulaire assez simple en général.
Comme l’annonce le titre de cet autre « recueil magistral, une interprétation visionnaire du mythe de la descente aux enfers de Perséphone en captivité d’Hadès, le dieu de la mort » (Le Monde), s’y mêle aux impressions du « je » l’histoire de Perséphone et de Déméter, la fille et la mère. Déesse du monde souterrain, Perséphone « est également associée au retour de la végétation lors du printemps dans la mesure où chaque année, elle passe huit mois sur Terre puis quatre (l’hiver, sans végétation) dans le royaume souterrain avec Hadès. (…) La mythologie grecque détaille son enlèvement par Hadès et la quête entreprise par sa mère pour la retrouver. » (Wikipedia)
Dès le beau poème à l’entrée du recueil, Les migrations nocturnes, il est question de la vie sur terre – « les baies rouges du sorbier sur la montagne » – et de la mort – « Cela me peine de penser / que les morts ne les verront pas » – ainsi que de l’âme – « Que fera l’âme pour se réconforter alors ? » Le ton est donné.
Dans Octobre, long poème en six séquences, une voix interroge et constate :
« L’été après l’été s’est achevé,
baume après la violence :
cela ne me fait aucun bien
de me faire du bien à présent ;
la violence m’a changée. »
C’est la voix « de son esprit », dit-elle.
« Dis-moi que c’est cela le futur,
Je ne te croirai pas.
Dis-moi que je suis en vie,
Je ne te croirai pas. »
Ou encore :
« Ce que les autres trouvent dans l’art,
je l’ai trouvé dans la nature. Ce que les autres ont trouvé
dans l’amour, je l’ai trouvé dans la nature.
Très simple. Mais là, il n’y avait pas de voix. »
Perséphone l’errante est une méditation sur l’enlèvement de Perséphone et sur la terre, vouée à la neige et au vent froid quand elle est étendue dans le lit d’Hadès. Est-elle en prison aux Enfers ? Elle pense « avoir été prisonnière depuis qu’elle est la fille de sa mère. » – « On dérive entre la terre et la mort / qui semblent, finalement / étrangement similaires. »
Au questionnement existentiel se mêlent des éléments concrets, la vie ordinaire, la nature : « Le jaune / surprenant de l’hamamélis, veines / de mercure qui étaient le lit des rivières » (Prisme) et les étoiles, un chien, la lune, la pluie, une chambre, la nuit.
« Une fois que je pus imaginer mon âme,
je pus imaginer ma mort.
Lorsque je pus imaginer ma mort,
mon âme mourut. De cela,
je me souviens clairement. »
Après ce début du poème Echos, la poétesse rappelle le déménagement de ses parents à la montagne quand elle était « encore très jeune », dans « la région des lacs ».
« Je me souviens d’une paix d’un genre
que je ne connus jamais plus.
Quelque temps plus tard,
je pris sur moi de devenir artiste,
de donner voix à ces impressions. »
Tantôt elle-même, tantôt Perséphone, tantôt « je » universel, Louise Glück donne voix dans Averno à toutes les saisons de la vie et souvent à l’enfance. Des images lui reviennent, comme celle où après un été très sec, « une jeune fille mit le feu à un champ / de blé. » Rotonde bleue, un très beau poème où elle évoque sa mère, y renvoie explicitement :
« Je sais où nous sommes
dit-elle
c’est la fenêtre quand j’étais enfant ».
Le poème se termine sur ces vers :
« Ici, dit la lumière,
ici est l’endroit où tout est à sa place. »