Florilège d’automne / Poésie
Mon amie, je t’aime
et nous irons en Mésopotamie
broder sur ce thème.
Ne restons pas ici, la vue est trop bornée.
Allons vers les contrées lumineuses,
nous chasserons le jabiru dans les palétuviers,
nous écouterons la musique verte des fleuves.
Je te conduirai sur une montagne taillée à pic ;
de là, tous les détails se perdront dans l’ensemble
tu donneras tes lèvres rouges au soleil d’or,
et nous redescendrons en courant.
Dites oui
et nous danserons des danses inédites
au son d’un orchestre inouï.
Nous visiterons les musées ;
nous présenterons des condoléances au gardien ;
nous irons dans les magasins de nouveauté,
acheter des rubans de soie et des pantoufles de couleur.
Au jardin zoologique proche
nous jetterons des noisettes dans la cage du mandrill
et en revenant par les petites rues désertes
nous tirerons aux sonnettes des maisons.
Je chanterai : ma mie, ô gué…
tu m’appelleras : vaurien, artiste,
et quand nous serons fatigués d’être gais
nous serons contents d’être tristes.
Paul Neuhuys, Le canari et la cerise (1921)
(On a beau dire, Labor, Bruxelles, 1984 – anthologie)
