Florilège d’automne / Poésie
Mon amie, je t’aime
et nous irons en Mésopotamie
broder sur ce thème.
Ne restons pas ici, la vue est trop bornée.
Allons vers les contrées lumineuses,
nous chasserons le jabiru dans les palétuviers,
nous écouterons la musique verte des fleuves.
Je te conduirai sur une montagne taillée à pic ;
de là, tous les détails se perdront dans l’ensemble
tu donneras tes lèvres rouges au soleil d’or,
et nous redescendrons en courant.
Dites oui
et nous danserons des danses inédites
au son d’un orchestre inouï.
Nous visiterons les musées ;
nous présenterons des condoléances au gardien ;
nous irons dans les magasins de nouveauté,
acheter des rubans de soie et des pantoufles de couleur.
Au jardin zoologique proche
nous jetterons des noisettes dans la cage du mandrill
et en revenant par les petites rues désertes
nous tirerons aux sonnettes des maisons.
Je chanterai : ma mie, ô gué…
tu m’appelleras : vaurien, artiste,
et quand nous serons fatigués d’être gais
nous serons contents d’être tristes.
Paul Neuhuys, Le canari et la cerise (1921)
(On a beau dire, Labor, Bruxelles, 1984 – anthologie)
Commentaires
oh ! oui je prendrais bien le large aussi... De mon univers borné je me sens triste. Heureusement qu'il reste la poésie... Alors, je partirai sans bouger accompagnée de quelque artiste. Merci Tania. Douce nuit.
Il est où le canari ? je veux bien être la cerise !
Un poème sur ton blog, jolie surprise en couleurs, en douceurs, ma mie.
Doux florilège d’automne … ! En Mésopotamie … !
Quand le jabiru est dans les palétuviers et que les fleuves sont en musique verte.
Aller sur une montagne taillée à pic …
Donner ses lèvres rouges au soleil d’or …
Redescendre en courant …
Danser des danses inédites …
Au son d’un orchestre inouï …
Ensuite être fatigués d’être gais …
Pour être contents d’être triste …
Nostalgie de l’automne … quand nos lèvres sont encore rouges et que le soleil est d’or … Merci pour ce beau poème …
Je suis comme Doulidelle inspirée par les danses inédites au son d'un orchestre inouï
Et puis le titre : Canari et cerise voilà un joyeux duo
@ "Nous visiterons les musées ;
nous présenterons des condoléances au gardien"
Souvenir du Musée municipal à Den Haag. Quelques cartons récupérés par Van Gogh pour des esquisses (son passage dans le Borinage). A force de me voir revenir m'asseoir devant ces cartons, au bout d'une semaine, le gardien spécialement planté là, m'appelle. Sort un trousseau de clés (il n'y avait pas encore d'alarmes électroniques), retourne l'un de ces cartons. Au dos, jamais placé entre une double vitre, un autre dessin.
Ce gardien a toute sa place dans ma galerie des bienfaiteurs.