Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

culture - Page 576

  • La fille de l'Allemand

    L’émotion, si absente du Portrait d’Assouline, s’infiltre à chaque page de La Femme de l’Allemand (2007) de Marie Sizun. Née en 1940, celle-ci se consacre à l’écriture après avoir enseigné la littérature française à Paris, en Allemagne et en Belgique. Une retraite féconde. Son roman troublant est si intense que je l’imagine lié à des souvenirs personnels, peut-être ici exorcisés. Il s’adresse à la deuxième personne à une petite fille, Marion : « Cette image-là. Tu sais bien. Au commencement de tout. » 

    Schiele, Portrait d'Edith Schiel assise en robe rayée (sur Wikimedia commons).jpg

    La maman de Marion est « malade ». A dix-huit ans, en 1943, Fanny, a aimé un soldat allemand dont elle a eu cette enfant. Ses parents, les D…, Henri et Maud, l’ont rejetée, elle s’en est allée de cette famille dont elle méprise les valeurs bourgeoises, ne gardant de lien qu’avec tante Elisa, discrète et compatissante. Marion est née à Tours : « Elle dit que c’est toi, à ta naissance, qui l’avais guérie. Toi, sa fille, son amour. »

     

    Dans leur petit appartement de la rue Saint-Antoine à Paris, la mère et la fille vivent ensemble, en face de l’église Saint-Paul. « Pendant longtemps elle est si proche de toi que tu ne l’observes pas : tu dois avoir cinq ans lorsque tu t’avises qu’elle n’est peut-être pas tout à fait comme les autres femmes ; qu’elle n’est pas
    coiffée comme il faudrait, comme les dames que tu croises dans la rue le sont (…). Elle, ses cheveux noirs et plats pendant sur ses épaules, en désordre. Elle porte des chemises d’homme, à carreaux, le plus souvent sur un pantalon. Et puis, elle ne se maquille pas. Du tout. »

     

    Marion partage d’abord les goûts de Fanny pour le dessin, les livres, le cinéma. Aux murs, Fanny a punaisé des reproductions, dont « l’une représente la femme d’un peintre, un jeune peintre autrichien qui s’appelle Schiele. » De son père, Marion ne sait pas grand-chose, à part qu’il est mort et qu’il était « allemand » – un secret dont il ne faut parler à personne. Quand un jour où Fanny traverse la rue, comme d’habitude, en dehors des passages pour piétons, se glissant entre les voitures, avec
    sa fille accrochée à sa manche, un chauffeur furieux lui crie « Vous n’êtes pas un peu cinglée de traverser comme ça ? Et avec un enfant encore ? », Marion reçoit le mot comme une gifle : « Il y a là quelque chose dont tu perçois confusément le caractère redoutable ; quelque chose qui atteint le prestige de ta mère et te fait mal. »

     

    Avenue de Suffren, où la fillette se rend le dimanche, seule (tante Elisa vient la chercher), ses grands-parents qui se font appeler « Tante Maud » et « Oncle Henri », l’intimident et parfois la glacent par « leur langage et leurs manières ». Jamais, là-bas, on ne parle de Fanny. Marion a entendu Maud confier à une amie : « Des deux enfants que Dieu nous avait donnés, il nous a pris l’un, mon petit Charles ; il nous a ôté l’autre. » – « On s’exprime bizarrement, avenue de Suffren. Alors tu sais sans comprendre. Tu comprends sans savoir. »

     

    En grandissant, Marion se pose de plus en plus de questions sur son père : mort comment ? où ? quand ? Fanny : « A la fin de la guerre. Mort de froid. En Russie, où on les envoyait tous, surtout quand ils étaient jeunes. » – Est-ce la vérité ? Peu avant ses sept ans, Marion vit la première crise de sa mère, qui parle « beaucoup, beaucoup trop, beaucoup trop haut », se lève la nuit, chantonne, murmure, puis enchaîne d’une voix « toute changée, une voix inconnue, rogue, masculine » des chansons familières et des comptines d’enfant. Marion a peur.

     

    Le matin, c’est encore pire. Fanny s’empare d’un marteau et frappe sur le gong de l’oncle Charles de toutes ses forces, en hurlant. Les voisins crient d’ouvrir, mais Marion reste assise « tremblante sur le bord du lit » jusqu’à ce que, miraculeusement, sa mère s’arrête puis s’allonge sur son lit. Marion ouvre alors la porte au vieux Dr Attal qui fait une piqûre à Fanny endormie. On va l’emmener à l’hôpital, elle a besoin de soins, de repos. A l’école du quartier, tout le monde est au courant, les filles rient de sa mère qui est folle. « Tu remues cette nouvelle incroyable dans ta tête : ta mère est folle. »

     

    C’est le premier des séjours avenue de Suffren, où elle partage la chambre de tante Elisa. Marion y a froid et s’y ennuie. Ce sont ensuite les premières retrouvailles avec Fanny, « plus tout à fait la même » – « Mais c’est peut-être toi, aussi, qui as changé : tu jettes sur elle, à présent, un autre regard, méfiant, circonspect, peureux. » Entre elles, une nouvelle distance. Pour un temps, les voilà à nouveau bien ensemble, heureuses des séances au cinéma le soir, ensemble à l’église même, mais de son « regard de petit juge », Marion observe sa mère qui « fait tout trop haut, fait tout trop fort », « pas comme les autres ».

    La Femme de l’Allemand raconte toutes les étapes de la douleur d’une femme, atteinte de psychose maniaco-dépressive. Marion grandit dans le malaise d’être la fille d’une folle et d’un inconnu qu’elle aurait voulu connaître, qui lui a donné ses cheveux blonds frisés et dont elle décide d’apprendre la langue, au lycée. Dans la culpabilité aussi : elle n’a pu tenir la promesse arrachée par sa mère de ne pas la laisser emmener à l’hôpital, de lui éviter les électrochocs j'ai pensé au témoignage de Janet Frame à ce sujet dans Un ange à ma table (tome I, Ma terre, mon île), si bien rendu au cinéma par Jane Campion.

    Marie Sizun nous offre un récit bouleversant, tant par la sensibilité du dialogue de la narratrice avec elle-même, dans des mots simples mais au plus juste du ressenti, que par la solitude de sa mère, déracinée de la vie normale, en proie à ses démons intérieurs, cherchant à les distraire, et cédant davantage à chaque assaut de son
    terrible mal. Portrait d’une enfance aimante et douloureuse. Portrait d'une femme. Portrait d'une famille qu’en grandissant, Marion apprend à regarder autrement que
    par les yeux de sa mère.

    Illustration : Egon Schiele, Portrait d'Edith Schiele en robe rayée (1915) 

  • Portrait de famille

    Le Portrait de la baronne James de Rothschild peint par Ingres, Pierre Assouline
    en a fait tout un roman, sobrement intitulé Le Portrait (2007). Il a choisi de faire raconter au tableau sa propre histoire, de la rue Laffitte à Paris jusqu’à l’Hôtel Lambert, rue Saint-Louis-en-l’île, en passant par d’autres villes et demeures dont le château de Ferrières. En réalité, l’auteur nous embarque dans la saga des Rothschild parisiens. Pour ce « portrait de famille », Assouline s’est beaucoup documenté ; quatre pages de bibliographie en témoignent à la fin du livre,
    sous l’intitulé « Reconnaissance de dettes » !

    Ingres, Portrait de la baronne James de Rothschild (wikimedia commons).jpg

    « On reçoit, on célèbre, on transmet : si c’est là l’accomplissement d’une vie, il ne reste plus, ensuite, qu’à se laisser partir » dit le portrait au début. Quand la baronne s’éteint en 1886, à quatre-vingt-un ans, le pire lui est déjà advenu : son fils Salomon est mort à vingt-neuf ans, quand elle en avait cinquante-neuf. Pour elle, ni fleurs ni couronnes ni discours, selon les volontés de la défunte, mais on ne s’appelle pas Goriot ; le char mortuaire marqué du « R » des Rothschild est suivi de sept voitures aux lanternes allumées et de dix voitures de deuil. A la synagogue, le rabbin y va de son éloge de celle qui a rempli à merveille « le rôle de la femme juive dans l’histoire. Elle a été épouse et mère. Elle a aimé et protégé le beau, elle a
    soutenu le pauvre… »

    Témoin des visites de condoléances, la baronne assiste dans son cadre à la lecture du testament. Comme James de Rothschild, son oncle avant de devenir son époux, elle exige chez ses héritiers le maintien de la religion juive. Ceux qui s’écartent de la règle du mariage « entre Juifs » sont déshérités, les convertis au christianisme exclus. Puis viendra M. Auguste, l’expert, qui estime sa collection à plus de trois millions de francs. Le portrait part ensuite à la rue Saint-Florentin, chez son fils aîné.

    C’est l’occasion de raconter l’acquisition de cet hôtel du XVIIIe siècle, d’évoquer l’affaire Dreyfus et la vague d’antisémitisme qui obligera les Rothschild à quitter le Jockey. Dans le salon de sa belle-fille, les commentaires vont bon train sur le portrait : « grâce souveraine, distinction naturelle, tact supérieur, tout est là. » C’est le rappel des visiteurs illustres : Ingres, Rossini, Littré, Delacroix, Balzac emprunteur qui s’est inspiré de Rothschild au « fort accent tudesque » pour le personnage du financier Nucingen. Et Chopin, qui a dédié à la baronne sa Valse en si mineur et qui lui donnait des cours particuliers, ainsi qu’à sa fille. Elle avait assisté à son premier concert et au dernier, seize ans après.

    Installée à Paris en 1824, après son voyage de noces, la jeune baronne observe que « le nouveau monde parisien n’était au fond qu’une élite de l’argent qui se donnait pour élite de l’esprit ». Dans cette société où règne « un snobisme de
    caste suraigu »
    , « être bien né ne dispense pas d’être mal élevé. Ce qui les sauve alors ? Leur esprit probablement, alliage de sens de la repartie, d’élevage de bons mots en serre, d’indifférence au qu’en-dira-t-on et d’inébranlable confiance en son propre rang. » Entre les bals et les réceptions, Betty de Rothschild reçoit
    aussi à l’heure du thé : de nombreuses femmes, des hommes parfois. Parmi ceux-ci, Heinrich Heine qui fait partie du premier cercle de leurs intimes, esprit brillant plein d’insolence, poète, et aussi complice dans le rire.

    Le château de Ferrières, où James a placé partout ses armoiries dans un décor de « luxe, faste et théâtralité », est envahi et pillé lors de la guerre franco-allemande, avant la fameuse « Entrevue de Ferrières » de 1870. Mais l’auteur de Lutetia explore surtout la période de la seconde guerre mondiale. Ferrières est vidé par les Allemands, les autres propriétés aussi. Nous suivons les péripéties des collections Rothschild. L’astronome de Vermeer comme le Portrait sont emmenés au Jeu de Paume, avant de se retrouver en Allemagne dans une mine de sel. Les objets volés pour Hitler connaîtront finalement un sort plus enviable que ceux dispersés aux enchères et disparus sans laisser d’adresse.

    Ce n’est qu’à la fin du roman que nous est racontée la naissance du Portrait, commandé à Ingres, attendu, achevé en 1848 : « Qu’attend-on d’un grand artiste
    si ce n’est de saisir ce qu’un visage a d’immuable au-delà du flou des apparences ? »
    Dans sa robe de soie rose et bleue, « la vedette du tableau »,  la baronne se plaira au « salon de l’amour » du 2, rue Saint-Louis-en-l’île, sur le mur de reliures en trompe-l’œil de la bibliothèque, jusqu’à la dispersion des biens entre les petits-enfants de Guy de R. « Nous ne serons jamais plus comme nous étions,
    c’est ainsi. »

    Dès les premières pages, l’auteur se justifie : « Le romancier n’a-t-il pas tous les droits et le roman n’est-il pas le lieu de l’absolue liberté de l’esprit ? » Il fait dire au portrait : « Vue de mon mur, la comédie humaine est d’une saveur inédite. » Assouline le journaliste et romancier veut faire battre le cœur d’une femme, sans doute, mais le souffle de la fiction est ici plus faible que l’histoire d’une lignée, dont Assouline le biographe relève les noms, les dates, les affaires, un patrimoine hors du commun – « Le vrai chef-d’œuvre, c’est de durer. »

  • Privilège

    « C'est le privilège du dimanche de nous réconcilier avec notre temps intérieur, celui de nos rythmes propres et de notre sensibilité : le temps retrouvé que connaissent bien les peintres du dimanche (ce n'est pas simplement parce qu'ils ont plus de temps qu'ils peignent ce jour-là mais bien parce que ce temps est d'une qualité différente). Dimanche ménage ce temps où je me retrouve moi-même, où je me remets au diapason, où je m'accorde. Avec moi-même, avec la nature, avec les autres. C'est un jour spirituel, où il y a soudain plus de place, plus d'espace pour la multitude des dimensions qui nous habitent - que la semaine souvent atrophie. »

     

    Jean-François Duval, Un port à l'aube de chaque lundi (Autrement, mai 1999)

    Anonyme Enfant peignant.jpg



  • Course folle

    « Ca s’ouvrait en variations infinies : rubans de nuages mauves, douche de lumière et rideau de pluie diagonale et jaune, rien ne manquait à l’appel. Au loin, le mélange de bleu intense et de blanc lumineux n’en avait plus pour longtemps, ça cavalait à quatre-vingts kilomètres-heure et sur le sable, de larges bandeaux d’ombre fuyaient vers les pointes, puis le soleil repeignait tout en un clin d’œil, c’était quelque chose de voir avancer la lumière, de suivre sa course folle. A nos pieds, la mer tanguait sec, les cormorans s’en foutaient on les voyait plonger sous la surface et remonter quelques secondes plus tard, le cou tendu vers le ciel, où glissaient de minuscules poissons argentés. L’heure tournait, il a fallu s’arracher à tout ça, la voiture nous attendait à l’ombre d’un grand pin, les roues avant enfoncées dans le sable meuble. »

    Olivier Adam, Des vents contraires  

    Artan Mer houleuse.jpg

  • Rester vivants

    Des vents contraires, le titre choisi par Olivier Adam pour son dernier roman (2009), en annonce et le ton et le temps. Les adieux de Manon à l’école (quatre ans), le silence de Clément (neuf ans), et c’est le départ pour la Bretagne avec leur père qui quitte la maison où ils avaient emménagé, Sarah et lui, cinq ans plus tôt. Leur arrivée dans la maison de ses parents en Bretagne n’est pas folichonne – c’est le père, Paul Anderen, qui raconte – même s’il se réjouit. « Elle ressemblait à ce que j’aurais voulu faire de mon cerveau : des murs blancs, des sols et des plafonds clairs, des fenêtres par où entrait une lumière de verre. » 

    La mer, une photo d'Aifelle (30 mai 2009).jpg
    La mer, une vue d’Aifelle sur « Le goût des livres » (30 mai 2009),
    un blog lumineux où j’aime me balader entre les photos et les mots.

     

    Ce sera bientôt le deuxième Noël sans Sarah, disparue sans plus donner signe de vie. « En attendant, les petits étaient calmes et sereins, de temps à autre un éclair de joie illuminait leurs visages, le paysage agissait sur eux comme un baume » et lui s’obstine, « au milieu de ces jours dévastés », à lire le journal, à « maintenir un
    lien avec le monde ».
    Son frère Alex, qui a repris l’auto-école fondée par leur père (leurs parents sont morts dans un accident de voiture), l’engage pour donner des leçons. Un boulot de dépannage, vu qu’il n’a plus rien publié depuis trois ans.

     

    Sa première élève, Justine, vit mal ses dix-huit ans dans un immeuble où lui-même a vécu ses dix premières années entre un père taxi et une mère « discrète et monochrome ». Son enfance, il la commente ainsi : « Le concret nous cimente, le quotidien nous lie, l’espace nous colle les uns aux autres, et on s’aime d’un amour étrange, inconditionnel, d’une tendresse injustifiable et profonde, qui ne prend pourtant sa source qu’aux lisières. » Après la mort du père de Justine, sa mère a rencontré « Johnny », un ami qui s’est occupé d’elles, et que la fille ne supporte plus.

     

    La voisine avec qui Anderen a fait connaissance, une infirmière comme Sarah, se rapproche bientôt de lui, elle vit seule. Son fils marin lui envoie des cartes postales. De son côté, le frère de Paul lui confie ses craintes : sa femme voit un autre homme. Alex et Naline, minés par « la tristesse d’une vie sans enfants », sont ravis de s’occuper de Manon et Clément de temps à autre. Ce qui les ronge Paul et les petits, c’est de ne pas savoir où est Sarah, ni même si elle est encore vivante. Quand elle a disparu, Paul s’est étonné de ce que personne autour de lui ne soit surpris, son départ paraissant à ses connaissances « un acte inéluctable et prévisible ». Paul Anderen, sans travail fixe, passe pour un caractère « impossible », prêt à se disputer avec tout le monde et buvant trop.

     

    A la nouvelle école, l’institutrice de Manon, qui juge celle-ci hypersensible, déplaît d’emblée à Paul. Le jour où les policiers débarquent un matin pour l’interroger – le petit Thomas de la classe de Clément a disparu et on a vu Anderen parler avec son père en face de l’école quelques jours avant – le voilà désigné à nouveau comme un « paria ». Le père de Thomas a perdu la garde de son enfant, Paul le sait, il a sympathisé avec lui, c’est le déménageur qui leur a débarqué leurs affaires. La
    situation se complique lorsque Justine, son élève, disparaît à son tour. L’inspecteur Combe trouve que cela fait un peu trop de disparitions autour de Paul Anderen,
    même s’il semble le prendre en amitié.

     

    Cela fait beaucoup de situations irrésolues, dans un décor breton qu’Olivier Adam décrit avec force et poésie, quand Paul emmène ses enfants à la plage, quand il s’arrête en haut des falaises pour regarder les assauts de la mer, quand il se love dans le sable pour dormir tout son saoul. Un client au chômage, Bréhel, vit dans un mobil-home – « et pendant une seconde, je l’ai envié, je me suis imaginé là, seul dans
    la nuit presque insulaire, au creux de mon abri fragile, mon ébauche de maison, assailli par les marées, les oiseaux, la pluie, le silence et les bourrasques. »
    Des vents contraires
    est un récit tendu, vibrant, toujours au bord de l’implosion.
    « L’écriture a toujours été pour moi le contraire du retrait de la société, déclare l’auteur dans un entretien. L’écriture est plutôt une ‘sur-conscience’, une ‘sur-présence’ à la société. Je n’ai pas d’autres sujets que la société. Je cherche la justesse pour raconter comment on vit, ici et maintenant. »

     

    Les enfants Anderen ne vont pas bien, Paul devient fou de l’absence inexpliquée de Sarah. Les souvenirs réveillent ses angoisses, dont il se débarrasse en frappant jusqu’à l’épuisement sur un sac de boxe dans le garage ou en les engluant dans l’alcool. Le déménageur finit par le contacter, il le loge chez lui avec son fils même s’il sait que Combe les traque. Et puis il y a ce carnet de moleskine noir retrouvé dans la voiture de sa femme, face à la Seine, où elle notait les hauts et les bas de leur vie commune, à son insu.

    Ce qui sauve Paul dans la tempête, ce sont Manon et Clément – « Anderen », en néerlandais, signifie « les autres » – qu’il protège de son mieux, maladroitement, dans l’urgence. Même si ses décisions d’impulsif ne sont pas toujours prises à bon escient, elles expriment un amour sans faille, une tendresse violente et douce. Quand les questions qu’il se pose trouveront des réponses, pas forcément heureuses, il sera temps de reconstruire et de « rester vivants tous les trois ».