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Marches

tenenbaum,par la racine,roman,littérature française,deuil,famille,musique,rencontre,écriture,culture juive,culture« Emigré italien de longue date, maçon de formation, Giuseppe d’Alessi a été marbrier trente et quelques années. De l’atelier au cimetière, et du cimetière à l’atelier, il a travaillé pour établir les morts dans la maison du monde. Une fois à la retraite, il s’est senti une dette envers les vivants. Pour l’honorer, il n’avait que ses outils et ses mains. Sans rien demander à personne, il s’est attelé à la tâche de tailler des marches dans les rochers du bord de mer.
– Combien d’escaliers nous avez-vous offerts ? a demandé Luce.
– Je ne compte pas en escaliers, mais en marches. Chacune permet d’assurer le pied. Les dalles des pierres tombales pour le repos des disparus, et les degrés de mes marches pour la tranquillité de ceux qui vont vers la mer.
– Alors, combien ?
Il sourit à nouveau, découvrant une bouche en si mauvais état qu’on l’imagine contraint à une nourriture hachée ou moulinée.
– Eh bien, depuis onze ans, j’ai taillé deux mille huit cent quatre-vingts marches. Vous êtes les premiers à le demander !
Luce s’assied sur la sienne, et caresse la pierre :
– Les promeneurs l’ignorent peut-être, mais les marches, elles, à n’en pas douter, se souviennent. »

Gérald Tenenbaum, Par la racine

Commentaires

  • C'est magnifique, cette idée de permettre la descente ou surtout l'ascension. Des hommes modestes changent notre vie. C'est très beau.
    A ta suite, j'ai commandé l'Affaire Pavel Stein, en livre, donc je ne le lirai pas tout de suite, puisqu'en Inde, j'emporte juste la Kindle, je suis si chargée!! Pourquoi l'affaire Pavel Stein et pas celui dont tu parles; sans doute à la suite des commentaires lus ici ou là, et puis la grosseur; je ne peux pas lire de trop gros bouquins au lit (!)
    Je t'embrasse.

  • Heureuse que tu aimes aussi ce passage. Bonne lecture de "L'affaire Pavel Stein", au lit (?) ou ailleurs ;-).

  • Merci, Eimelle. Si souvent nous empruntons des sentiers des douaniers ou autres en bord de mer sans penser à ceux qui les ont améliorés. Ce passage leur rend hommage.

  • Magnifique cet extrait ! Après avoir travaillé, contraint, pour les morts, choisir de donner ses journées de retraite pour la félicité des vivants, permettre par ces (ses) marches d'approcher et de contempler la mer, et ceci pour de nombreuses générations, quel travail surement exténuant mais tellement exaltant !
    Merci Tania !

  • Un très beau rapprochement entre les morts et les vivants, je suis d'accord. (Je ne sais pourquoi, j'ai pensé en lisant cela au sculpteur de la vague dans l'Antigone d'Henry Bauchau - la mer, sans doute).

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