« Et comme je réentends aujourd’hui en écrivant ma voix d’enfant – cette voix si rare, cette voix que je gardais toute la journée, jour après jour, enchaînée tout au fond de l’obscur cachot de mon ventre – proposer à Celeste :
« ¿ Vamos a las rocas ? », et, comme je l’entends me répondre en aboyant : « Oui, oui, allons aux rochers ! »,
ce n’est pas seulement l’air et le vent et le sable et l’eau couleur crinière-de-lion du fleuve colossal, ni la noire excitation et les noirs aboiements de joie de mon chien qui renaissent devant mes yeux, c’est la sensation absolue, purement physique, d’habiter le corps tendre et fragile de l’enfant que j’étais alors qui remplace celle d’habiter le corps vieilli, et souffreteux, où je vis à présent. »
Santiago H. Amigorena, Le premier exil
Commentaires
Sensation grisante sans doute de retourner à son corps d'enfant, même en imagination.
Une quête qui est le cœur de son entreprise autobiographique, semble-t-il.
C'est peut-être le fait d'être l'enfant d'un couple de psychanalystes qui lui a permis de revivre dans la peau de cet enfant de six ans... La langue est belle et imagée, merci Tania. Bises, à bientôt. brigitte
Peut-être. Cela, en plus de sa propre expérience psychanalytique, dès l'âge de six ans, joue certainement un rôle.