« J’ai eu l’occasion de lire et d’entendre bien des choses incroyables sur les temps où les gens vivaient encore à l’état libre, c’est-à-dire inorganisé, sauvage. Mais ce qui m’est toujours apparu le plus incroyable, c’est ceci : comment le pouvoir d’alors – même embryonnaire – a-t-il pu admettre que les gens vivent sans l’équivalent de nos Tables, sans les promenades obligatoires, sans aucune régulation des heures de repas, qu’ils aient pu se lever et se coucher quand bon leur semblait ? Il paraît même, selon certains historiens, que, à cette époque, la lumière brûlait toute la nuit dans les rues, toute la nuit il y avait des passants et des voitures. »
Evgueni Zamiatine, Nous
Couverture de la première édition complète de Nous en russe
(Casa editrice Cechov / Wikimedia)
Commentaires
Ce qui fait froid dans le dos c'est que ce narrateur a perdu, lui, toute notion de liberté et s'en fait une idée terrible ...
Cela en dit long sur la manière dont Zamiatine mesurait les excès du nouveau régime soviétique.
J'aime ce ton triste et interrogatif. Ceci dit dès que l'homme devient trop nombreux, bien sûr, il faut des lois, une organisation. Seulement de la loi à l'oppression, il y a une marge fragile mais indépassable.
Ces réflexions en entraînent d'autres....
J'ai aussi pensé en lisant cela à "Rhinocéros" d'Ionesco, quand tout le monde, après avoir trouvé les rhinocéros effrayants, veut absolument en devenir un - à part Bérenger qui refuse de capituler.