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Mère et fille

Vivian Gornick (née en 1935) a écrit Attachement féroce (Fierce Attachments : A Memoir) en 1987, longtemps avant La femme à part, même si les traductions françaises par Laetitia Devaux ont été publiées dans la foulée (2017 et 2018) aux éditions Rivages. Cette fois encore, une belle photo en noir et blanc en couverture, d’une femme et d’une fillette regardant New York d’un bateau, on les imagine mère et fille.

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C’est bien de cette relation-là qu’il s’agit dans ce texte autobiographique de l’écrivaine américaine. A un peu plus de cinquante ans, elle remonte le temps pour parler de sa mère et elle dans l’immeuble du Bronx, où elle a habité de six à vingt et un ans (« vingt logements, quatre par étage »). Presque tous ses souvenirs sont liés aux femmes qui vivaient là, « toutes vulgaires comme Mrs Drucker ou féroces comme ma mère ».

« Et moi, la fille qui grandissait en leur sein, je me construisais à leur image, je les inhalais comme du chloroforme versé sur un tissu que l’on m’aurait plaqué sur le visage. J’ai mis trente ans à comprendre combien je les comprenais. » (Un blanc.) « Ma mère et moi marchons dans la rue. Je lui demande si elle se souvient des femmes dans cet immeuble du Bronx. « Bien sûr », me répond-elle. Je lui explique que, selon moi, c’est la tension sexuelle qui les rendait folles. « Absolument, dit-elle sans ralentir le pas. (…) »

Et la voilà qui évoque Drucker, Zimmerman, Nessa… « Je n’ai pas de bonnes relations avec ma mère et, à mesure que nos vies avancent, il semblerait que ça empire. Nous sommes toutes deux prisonnières d’un étroit tunnel intime, passionné et aliénant. Parfois, pendant plusieurs années, l’épuisement prédomine, et il y a une sorte de trêve entre nous. Puis la colère ressurgit, brûlante et limpide, érotique tant elle force l’attention. En ce moment, ça ne va pas. »

Si ces passages dans les premières pages vous parlent, ce livre est pour vous. Quelle que soit la relation que nous avons, que nous avons eue, avec notre propre mère, nous savons qu’elle contient les clés de notre propre vie. Vivian Gornick jette un regard assez impitoyable sur la sienne, à qui elle reproche de s’être drapée dans son statut de veuve inconsolable à la mort de son mari et, éternelle dépressive, de vouloir toujours focaliser l’attention sur elle-même.

Si Attachement féroce est principalement consacré à leurs rapports entre mère et fille, souvent conflictuels mais dans une grande proximité persistante, c’est aussi un récit d’apprentissage sans complaisance. Vivian Gornick y raconte son éducation de jeune fille juive d’un milieu très modeste, sa formation dont sa mère est très fière tout en rejetant ses discours trop intelligents, ses premiers pas hésitants avec les hommes – ceux qu’elle choisit sont forcément critiqués par sa mère. On y découvre aussi à quel point il lui importe d’être lucide, de dire et d’écrire les choses avec justesse.

« Mais c’est en écrivant ces mémoires, la cinquantaine passée, qu’elle s’est sans doute libérée du fardeau de sa mère, tellement désemparée à la fin de sa vie que sa fille en aura « le cœur fendu », comme si elle lui pardonnait. Attachement féroce est un récit d’une sincérité désarmante, d’une lucidité tragique, un condensé explosif de frustrations et de rancœurs, d’amour maladif et de haine irrationnelle. » André Clavel (Le Temps, 24/3/2017)

Commentaires

  • Bonjour Tania, oui, cela semble intéressant. La relation mère- fille n'est pas simple. Jamais. J'ai été une fille, puis la maman de 4 enfants dont 2 filles.....
    Tania, dans le prochain article, je rattrape le retard, je montre un rien et donne ton lien.
    Bons baisers!
    Anne

  • Bonjour, Anne. Ici, cette relation mêle fusion et rejet, mère et fille sont restées fidèles l'une à l'autre. A bientôt chez toi.

  • Inépuisable sujet pour les écrivains que la relation mère-fille... Un auteur à découvrir pour moi. Ta capacité de lecture m'impressionne toujours !
    Bon week end.

  • Inépuisable, oui. (Avec la vie trop casanière que nous menons, l'appétit de lecture est un formidable adjuvant.)

  • Rarement faciles les relations entre mère et fille, si j'en juge par moi-même et autour de moi. Les chemins des autres m'intéressent toujours et aident (parfois) à relativiser ses propres manques.

  • Il y a beaucoup d'exigence de part et d'autre dans cette relation. Vivian Gornick en parle sans complaisance. Comme toi, j'aime trouver matière à repenser mon propre chemin de vie.

  • Oh certes pas faciles ces relations, des deux côtés. Avec le temps heureusement on s'aperçoit que les blessures (celles qu'on a reçues, celles qu'on a infligées) ont porté des fruits aussi, et pas toujours si amers qu'on pourrait craindre. Bref je retiens le conseil de lecture, merci Tania.

  • Merci, Ariane, pour cette belle conclusion.

  • En V.O. et en traduction.

  • "Fierce Attachments" est mon livre préféré de Vivian Gornick. J'ai commencé à lire ses livres à l'adolescence. Le premier livre dont je me souviens était «À la recherche d'Ali Mahmoud», l'histoire de son mariage.

  • Le seul autre titre de Vivian Gornick traduit en français (en 2020), ce sont des notes de lecture, sous le titre "Inépuisables" - c'est tentant aussi. Merci, Jane, et bonne semaine.

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