« Naguère les défunts étaient inhumés à l’intérieur ou autour de l’église paroissiale Saint-Vincent », rappelle un panneau dans la rue Saint-Vincent, près de la grille qui permet de jeter un coup d’œil à l’ancien cimetière d’Evere.
En 1880, la commune a acheté là trente-cinq ares de terrain pour le premier « champ de repos communal ». Il faut suivre le mur couvert de vigne vierge pour y entrer, à l’angle avec l’avenue Champ de Repos. Je vous ai déjà parlé des pelouses, de la végétation abondante dans ce jardin des morts entretenu avec soin, mais pas montré ces véritables couloirs de verdure.
Des haies bien taillées – quel travail pour les jardiniers – s’ouvrent sur des parcelles où les tombes se font face, à l’ombre des arbres. Parfois il n’y en a plus que d’un seul côté. Dans la partie du cimetière où se dressent des caveaux anciens, une couverture de lierre a enveloppé l’un d’eux ; cela m’a rappelé les tombes des frères Van Gogh à Auvers-sur-Oise, reliées par le lierre, symbole de fidélité et d’immortalité.
Au début du XXe siècle, certaines familles qui en avaient les moyens offraient à leurs défunts des sculptures d’anges ou de pleureuses. On découvre sur les monuments funéraires de cette époque toutes sortes de motifs, religieux ou autres, un répertoire de symboles parfois mystérieux.
Cette poignée de mains illustre l’alliance conjugale (une manchette de femme, une autre d’homme), mais pas seulement. « L'alliance est le terme utilisé par les marbriers pour désigner deux mains entrecroisées dont la supérieure est généralement celle d'une femme à l'annulaire présentant une alliance. Ce bijou est un cercle parfait – forme sans début ni fin – qui symbolise la permanence du couple malgré la mort. Les mains unies deviennent "la griffe", une manière particulière de se serrer la main qui permet aux compagnons du Tour de France ou aux francs-maçons de se reconnaître. »
Que d’amour exprimé dans cette jolie plaquette sculptée au message plein de tendresse : « à mon cher fiancé de sa Poussi ». J’admire les lignes art nouveau de cette jeune fille agenouillée dans son voile qu’elle retient de la main pour déposer des roses, les palmes au-dessus du souvenir – « La palme peut être présente sur la sépulture des jeunes qui, comme nombre de martyrs, sont décédés en pleine force de l’âge. »
Sous un autre profil de femme, sur un tombeau des années vingt, un seul mot : « Silence ». Sur certaines pierres tombales, un livre. S’il n’est pas accompagné d’un encrier et d’une plume, ce qui est réservé aux écrivains, il s’agit le plus souvent d’une référence à la Bible, fréquente chez les protestants et pour les prêtres catholiques aussi.
"A notre bien-aimé mari et père" (en néerlandais)
Un monument spectaculaire de style art déco me touche particulièrement (mon père était pilote) : le soleil, les nuages, une aile d’avion qui se détache avant qu’il ne s’écrase, le casque en cuir et les lunettes anciennes sur le front de l’aviateur. Sous le nom du défunt, on indique qu’il est tombé « en service commandé » en 1934. Le panneau communal rappelle la proximité d’un aérodrome désaffecté après la deuxième guerre mondiale (à l’emplacement des bâtiments de l’OTAN), qui explique la présence ici de plusieurs tombes de pilotes.
L’ancien cimetière d’Evere fait découvrir tout un monde de signes dont le sens peut nous échapper. Au XXIe siècle, ils ne sont pas tous aussi lisibles que les têtes de Christ aux épines et les croix chrétiennes. Si la symbolique funéraire vous intéresse, elle est bien résumée sur ce site français où j’ai copié quelques explications. Comme les ornements architecturaux que j’aime observer sur les façades d’antan, les ornements des tombes choisis par les proches des défunts pour leur rendre hommage offrent encore leur message à tous les passants.
Commentaires
Quelle balade, dis donc! C'est un article superbe, malgré le thème; pour ma part, tu parles du début du XX eme et je me souviens du cimetière de Messine, (en Sicile) incroyablement touchant; si la ville a été sous les bombes en 40, sous les pluies de lave du volcan, connaissant des raz de marée , le cimetière lui (bien placé)n'a pas bougé et il est touchant par ses témoignages d'amour, de fidélité, d'hommages.. Dans ton article, la tombe recouverte de lierre ressemble à un berceau et son dais de dentelle.........Malgré le sujet, oui, on peut parler de beauté, d'émotion, de sentiments éternels.........
Celui-ci est très modeste par rapport au grand cimetière monumental de Messine que tu as visité. Une robe de lierre comme un voile de dentelle, c'est aussi à quoi j'ai pensé devant la parure de ce tombeau.
oui c'est intéressant les visites de vieux cimetières!
Comme tu vois, j'y suis entrée pour sa végétation et j'en suis sortie avec des émotions esthétiques aussi.
C'est toujours émouvant une visite de cimetière. J'avais une dermatologue a Paris qui avait d'admirables photos de sculptures dans son bureau, toutes prises dans des cimetières, des anges, essentiellement. On aimerait en savoir plus sur certaines tombes, particulièrement touchantes.
C'est la première fois que j'y prends des photos ; j'ai pris soin, bien sûr, de ne pas montrer les noms.
J'aime beaucoup cette expression "champs de repos", je ne l'avais jamais entendue, elle est vraiment apaisante. Les cimetières anciens font preuve d'une grande inventivité, les œuvres d'art participaient-elles au repos dans l'esprit de nos nantis aïeux ?
C'est une très belle balade à laquelle tu nous invites Tania, merci beaucoup. Doux lundi. brigitte
J'ai souri tout à l'heure en voyant ton comm. sur P.d'A., c'est en rangeant une étagère que je suis tombée samedi sur ce précieux petit livre Gallimard : La déclaration universelle des droits de l'homme illustrée par J.M.Folon . En le relisant, j'ai vraiment réalisé l'importance de ce texte...
Nous sommes sur la même longueur d'onde, Brigitte. Bonne fin de journée - le soleil se couche déjà.
J'aimerais beaucoup visiter ce cimetière... J'aime ces beaux lieux pleins de souvenirs et de vie, malgré tout.
Ils racontent aussi l'histoire - présence du passé.
La visite des cimetières est toujours riche de symboles et d'émotions. Les deux tombes des frères Van Gogh réunies par le lierre comme ils l'ont tant été dans la vie est si touchante par sa sobriété !
Merci Tania pour ce magnifique article qui nous parle de la Vie passée certes, mais de la Vie de ceux qui nous ont précédés. Belle journée !
Je ne connais personne qui y soit inhumé, mais j'y ai senti l'atmosphère des temps anciens, c'est vrai. Merci, Claudie, et bonne après-midi.
Un cimetière plein d'un charme où le silence s'accorde au végétal et aux phrases et images taillées dans le recueillement de la pierre. Emouvant.
Merci, Armelle.