« Mais je ne voulais pas comptabiliser ma vie, je la laissais s’écouler comme l’argent fou qui file entre les doigts. Je ne me méfiais pas. Quand je pensais à l’avenir, je me disais que rien ne serait perdu de tout ce que j’avais vécu. Rien. J’étais trop jeune pour savoir qu’à partir d’un certain moment vous butez sur des trous de mémoire. »
Patrick Modiano, Encre sympathique
Commentaires
On bute sur des trous de mémoire et on refait parfois l'histoire ..
C'est cela. Bon dimanche, Aifelle.
Une fois encore, pas totalement d'accord. Je pense vraiment que rien n'est perdu de ce qu'on a vécu, même si le souvenir est diffus, l'instant nous a construit, à la façon dont une brique fait un mur.
En même temps, chez Modiano, il y a une nostalgie que je ne connais pas; pour le moment, malgré mon âge avancé, je ne me penche pas tant que ça sur le passé. Mais je sais en me comparant par exemple à mes grands frères qi ont partagé les mêmes moments que notre vision de demain diffère aussi, justement à cause de cette absence de nostalgie.
Merci pour ta vision des choses, Anne. Dans ce roman, je n'ai pas ressenti de la nostalgie chez l'auteur, même si le sujet explore les failles de la mémoire.
Je partage avec Anne ce sentiment (cet espoir ?) que rien de ce qui a été vécu ne se perd. Et j'aime la belle métaphore du mur. Mais ce que j'ai constaté pour ma part, c'est que parfois les souvenirs restent, mais décolorés, flous, les sensations échappent, même les plus fortes et précieuses (celles de mes accouchements par exemple). J'apprends à l'accepter, ce qui compte après tout c'est la vie transmise à mes filles, et la présence des petits enfants. Aujourd'hui.
Et puis je relis Proust ...
Oui, chaque instant nous construit, c'est juste. Quant aux souvenirs, certains sont gravés, d'autres volatiles... Le mieux, c'est quand ils irriguent le présent, en effet. Bonne relecture de Proust, un beau voyage garanti.