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Neuhuys à nouveau

Beaucoup d’entre vous ont aimé les poèmes de Paul Neuhuys que j’avais tirés du recueil On a beau dire en novembre dernier. Pour traverser ces jours sombres, je laisse à nouveau la parole au poète belge : une prière, cette fois, et puis des couleurs – à la vie, à la mort. 

Marie de Bièvre Roses (2).jpg
Marie de Bièvre (1865-1940),
Roses
 

SEIGNEUR

 

Seigneur, ayez pitié des hommes d’aujourd’hui.

Ils ont déplacé les frontières de l’esprit

Il y a beaucoup de poètes, en ce moment, à Paris

Leur esprit est orné comme un arbre de Noël.

L’âme de l’homme flotte comme du liège

l’âme de l’homme brille comme du sel.

Seigneur, ayez pitié des hommes d’aujourd’hui.

Le bruit des voix a remplacé le sens des mots.

Le samovar bout dans l’isba du moujik.

Les jeunes ne vivront plus selon les vieilles lois

Ils peignent des formes neuves avec des couleurs fraîches
Ils étaient las d’attendre et si las d’espérer

Et de regarder la vie à travers un vitrail décoloré.

 

Paul Neuhuys, Le canari et la cerise (1921)

 

            ~   ~   ~   ~   ~   ~   ~

 

BOITE A COULEURS

 

Marronnier, carrousel d'oiseau

Boire le thé
avec des jeunes filles de qualité

Pactole, Léthé

Extraire l'opium de la vie

Tirer le radium de l'esprit

Rotation des zones

Poésie, aliment complet

coup d'œil à l'atterrissage

Ah, mes petits lapins et mes petites chèvres

Mourir, ne plus être

dire qu'on ne peut rien contre ça

Décor violemment colorié

un ibis rouge dans le micocoulier

 

Paul Neuhuys, Le zèbre handicapé (1923)

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CLAIR-OBSCUR

 

Mi-ombre, mi-lumière,

muy hombre, muy mujer,

sourde rose assombrie

dont le goût de folie,

de folie et de mort,

n'a décidément rien

de pareil sur la terre.

 

Je songe qu'elle seule,

soleil de pauvreté,

corolle de clarté

et rose épanouie

de mon coeur vieillissant

me donne encore envie,

envie d'être vivant. 

Paul Neuhuys, Septentrion (1967)

Commentaires

  • "Le bruit des voix a remplacé le sens des mots". Et pourtant tous ces jours-ci les mots ont pris un sens porté par des millions de voix. Et de plus c'était harmonieux !
    Alors, comme le poète
    "mon coeur vieillissant
    me donne encore envie,
    envie d'être vivant."
    Très bonne semaine Tania

  • Merci, Gérard, la poésie n'a pas d'âge, elle se lit toujours au présent. A vous aussi, très bonne semaine.

  • "Septentrion" est magnifique quand les aurores fluorescentes s'y drapent.

    À côté du pire, il y a toujours une corolle de clarté, le rassemblement de dimanche m'a ému, j'avais envie de jouer avec des crayons de couleurs.

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