« J’ai fait entrer la voiture dans le jardin et j’ai contemplé avec mélancolie la maison qui, chaque fois, me semble plus vieille, encore plus vide. La peinture des revêtements de bois s’était écaillée, la vigne vierge du mur de gauche envahissait la façade, l’ombre du figuier atteignait les volets clos de la chambre de grand-mère. Au rez-de-chaussée, les grilles des fenêtres étaient couvertes de rouille. Un sentiment bizarre m’a envahi : il me semblait deviner, avec surprise et crainte, qu’il y avait des choses effrayantes dans cette maison, des choses que l’accoutumance m’avait empêché jusque-là de remarquer. Je ne quittais pas des yeux, entre les lourds battants de la grande porte, ouverte à l’occasion de notre arrivée, la pénombre dans laquelle vivaient grand-mère et Rédjep, et qui sentait la moisissure et la mort. »
Orhan Pamuk, La maison du silence
Photo İhsan Deniz Kılıçoğlu (Wikimedia commons) : Une vieille maison en bois à Çengelköy (Istanbul, Turquie)
Commentaires
Image de fin assez angoissante.
la maison comme symbole :-)
(ou devrais-je dire comme métaphore?)
@ Aifelle : Dans "Istanbul" (chap. 5, "Noir et blanc") : "Bien que j'aie grandi dans la semi-obscurité d'une maison-musée à l'ambiance pesante, je lui dois sans doute une part de ma passion pour les espaces intérieurs."
@ Adrienne : La maison comme la grand-mère sont tournées vers le passé, les petits-enfants le ressentent très fort.
Je ne sais pourquoi, j'ai l'impression que cet extrait pourrait sortir tout droit de "Au cœur de ce pays", (Coetzee) juste terminé hier. Sinon que je vois mal une maison en hauteur dans le "veld" sud-africain.
Rapprochement inattendu, mais peut-être la même mélancolie de l'abandon ?