(Pour A.)
à Sophie Lemaître
Je suis toujours l’enfant rieur, cet enfant que la guerre
A empêché de vivre en riant son enfance.
Jeunesse, encore en moi, je vais, je cours, je nage
J’adore les chevaux et skier dans la neige
Mon corps est amoureux, il aime, il est aimé
Mon corps est très patient, il est à mon service.
L’instant, couleur du temps, vient à moi promptement
Sur vos balcons, glaciers, travaillés de lumière
De toute ma chaleur je t’écoute, Soleil !
Un jour, je suis tombé, je tombe dans mon corps
Il m’a serré de près, je tombe à la renverse.
Je ne suis plus mon corps, je suis dans ses limites
Je suis un apprenti de mon corps de grand âge
Ignorante espérance, tu vois, je m’abandonne
A la pensée d’amour de ma fragilité.
Henry Bauchau, Tentatives de louange
Photo : Giuseppe Penone, L’arbre des voyelles, 1999 (Installation au Jardin des Tuileries, Paris, 2000)
Commentaires
C'est beau , c'est tendre , c'est poétique . Que dire de plus sinon que la vieillesse est loin d'être un naufrage .Il faut toujours tout réapprendre et c'est en cela qu'on est toujours enfants.
Merci pour ce joli extrait Tania et si mes intervenions se font rares c'est qu'au fur et à mesure que je lis vos billets je mesure l'ampleur de mon "ignaritude" .
Très bon week-end à vous Tania et merci d'entretenir si merveilleusement la jeunesse de notre cerveau.
quel texte magnifique...Il me touche profondément
à lire et à relire
Merci Tania
"Je suis un apprenti de mon corps de grand âge", quelle magnifique expression.
Réapprendre son corps jusqu'aux derniers instants.
Aimer la fragilité de ce corps autant que sa force d'antan.
Très beau, merci.
@ Gérard : Heureuse de vous retrouver, cher Gérard, un peu inquiète de votre absence en ces jours où les invisibles nous accompagnent encore plus fort. N'hésitez surtout pas à partager ici votre jeunesse.
@ Coumarine : Je l'ai choisi pour A. qui fut cet "enfant rieur" et qui n'est plus, mais c'est vrai, Coumarine, il nous parle à tous, à toutes, de nos limites et de nos épreuves.
@ Aifelle : Merci de reprendre ce beau vers, bonne journée, Aifelle.
@ La bacchante : Jusqu'au bout, et en restant l'enfant rieur.
@ Colo : Pour toi aussi, cet "arbre des voyelles". Bonne semaine.
Rester "l'enfant rieur" jusqu'au bout ! Bonne semaine, Tania !
Merci, Fifi, à toi aussi.
Que dire qui n'a pas déjà été dit. C'est un poème que l'on ne peut qu'aimer. Et bien entendu il me touche aussi très fort. Du coup, je ne regrette pas d'être passée (je ne regrette jamais, d'ailleurs) :)
Merci d'avoir laissé une trace de ton passage, Euterpe. A bientôt.
Cet homme qui a su vivre, vibrer jusqu'au bout.
Et aussi dire sa fragilité.