« Il ne peint pas sur des toiles neuves mais recouvre des croûtes qu’il achète au marché aux Puces de Clignancourt. Quand le résultat lui déplaît, c’est-à-dire presque toujours, il déchire au couteau ce qu’il vient de faire. Pareillement lorsque celui à qui il montre son travail ne montre pas assez d’enthousiasme. Les peintres de Montparnasse se sont tous passé le mot : personne ne doit critiquer les œuvres de Soutine. Sinon il les pulvérise.
Soutine, Glaïeuls © ADAGP, Paris 2006
Quand il manque de matériel, il reprend les toiles, s’arme de fil et d’aiguilles, recoud des morceaux dépareillés et peint ces visages déformés, ces membres tordus, ces outrances qui font son génie. Il est plus brutal encore que Van Gogh, plus fauve que Vlaminck.
Soutine, Le garçon d’étage © ADAGP, Paris 2006
Il ne se rend pas dans les Salons qui exposent la peinture contemporaine, mais il passe ses journées au musée du Louvre, devant les maîtres flamands qu’il vénère. Et aussi devant Courbet, Chardin, Rembrandt surtout, à ses yeux le premier d’entre tous. Il apprend la lumière. »
Dan Franck, Bohèmes
Chaïm Soutine, L'ordre du chaos (Musée de l'Orangerie, Paris)
Commentaires
Il me plaît.
J'aime l'outrance.
Pas toujours mais souvent, en fait :)
Quel caractère!
Des toiles cousues de fil rouge...étonnant; le garçon d'étage ne m'outre pas et ces glaïeuls sont superbes!
Excellent weekend Tania.
Oublié les guillemets à "ne m'outre pas"!
apprendre aussi les lumières de peintres flamands lesquels tentèrent que leurs toiles se confondent avec les cieux de là-haut
@ Euterpe : Je reconnais bien là ta combativité. Bonne soirée.
@ Colo : Les illustrations ne correspondent pas au mieux, mais j'avais envie de montrer ces deux toiles. Passe un bon week-end, toi aussi.
@ JEA : C'est surtout le "Boeuf écorché" de Rembrandt qui fascine Soutine, la lumière qui émane des chairs, le clair-obscur.
J'ai découvert Soutine quand j'étais très jeune et sa peinture m'avait effrayée. Plus tard, j'ai mieux perçu la douceur sous la violence, la compassion sous la brutalité. Merci pour ce voyage auprès du peintre.
Moi aussi j'ai envie de dire: merci Tania, pour ce voyage auprès de Soutine !
@ Zoë Lucider : Devant une toile de Soutine, on ressent une force irradiante, non exempte d'inquiétude, il est vrai.
@ Fifi : Merci pour ton passage, Fifi.
Je le soulignais à propos de Kurt Gödel, le grand mathématicien, certains génies, et Soutine en est un pour moi, ont un versant navrant et effrayant de la personnalité qui relève de la folie.
Belle rencontre avec ce personnage en tout cas.
Où commence la folie, je ne sais, mais tous les témoignages confirment le caractère introverti et farouche de Soutine. Deux peintres contemporains proposent un "roman" autour du personnage sur leur site, une fiction très documentée qui paraît très intéressante : http://faustroll.net/soutine/frame.htm
la première fois que j'ai vu quelque chose de Soutine c'était son autoportrait,une image dans un magazine, que j'ai aussitôt découpée, et gardée... C'était il y a très longtemps, mais j'ai eu l'occasion de voir ses tableaux en vrai. Il a su traduire son mal de vivre d'une façon exceptionnelle.
Une très belle exposition!
Et il l'a peint comme personne, ce mal de vivre, tu as raison.