« Quand les gens du ménage parlent de cette quête du travail, tous disent la même chose. Le pire, c’est cette première fois, ou plutôt toutes ces premières fois, se lever dans la ville endormie, rouler la nuit vers des endroits inconnus en se demandant où on va tomber. Ce serait exagéré de parler de peur, un pincement plutôt, qui vient s’ajouter à ce fond de fatigue, impossible à résorber. On tient aux nerfs et à l’espoir, celui d’arriver enfin quelque part, mais le but paraît toujours plus lointain. »
Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham
Paul Klee, Uebermut
Commentaires
ce livre me plairait bien, il va falloir que je patiente, à la bibli il est sorti!
Terribles perspectives; un but lointain, quand il existe encore.
Ma fille me raconte, souvent les yeux humides, tant de cas de désespérés...
Merci à Tania pour le lien sur Florence Aubenas qui a « plongé » pendant six mois dans le monde de ceux d’en bas, comme elle les appelle… Quand je faisais mon jogging matinal à 5 heures, je remontais le groupe important de « Maghrébines » qui sortaient de la bouche de métro « Mérode » pour gagner les bureaux de l’immense BBL, où elles s’emploieraient à « astiquer » les locaux … Les premières, accortes et dynamiques me saluaient et m’encourageait (j’ai fini par toutes les connaître) … et puis, plus je remontais le groupe distendu, plus les mines se faisaient fatiguées jusqu’à quelques trainardes haves à faire pitié, visiblement en mauvaise état … survenait alors, en dernier lieu, le « petit » chef qui venait d’acheter son journal , plein de suffisance, le regard vert et la lippe creusée de méchanceté, ruminant déjà les reproches dont il allait agonir ses victimes préférées … Comme dans un livre, c’était écrit sur sa tronche d’obsédé de la méchanceté …
@ Keisha : Un succès de librairie et de bibliothèque, tant mieux, j'espère que tu n'auras pas à patienter trop longtemps.
@ Colo : Et les mesures d'austérité qui frappent les pays européens les uns après les autres les multiplient, hélas.
@ Doulidelle : Souvenirs croqués sur le vif, on s'y croirait.
Je l'ai entendue parler de son livre: poignant, comme l'extrait que tu rapportes. mais je n'ai pas envie de le lire. Chaque candidat que je dois refuser me blesse déjà... Et nous recrutons quelques profils, ce qui signifie de nombreuses lettres de refus et tant de désespoir suscité par ces quelques mots. Je me souviens, ce candidat auditionné cette semaine qui avait appris l'entrevue "par coeur" et tentait de me fixer avec des yeux convaincants, lui dont la main tremblait... et ne pouvait répondre à une question imprévue.