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Enfer et paradis

1938, gare de Reading. James Reid rencontre Donald qu’il a connu au lycée deux ans plus tôt. James a suivi depuis des cours de gestion et de comptabilité. Quant à Donald, il fait de la politique et il a vite fait d’arracher son ancien camarade à ses parents, à sa routine, pour l’emmener à l’université d’été des Jeunes socialistes. Aux débats sur le pacifisme, James prend conscience des silences de son père : « Le père de James, un rescapé des tranchées, blessé à la bataille de la Somme, était de ceux qui n’ouvraient jamais la bouche. » Doris Lessing a publié Un enfant de l’amour
(A love Child)
en 2003. Son père était lui-même un mutilé de la grande guerre.

 

L’autre passion de Donald, c’est la littérature et surtout la poésie. « Donald lui prêtait des livres qu’il dévorait, comme si la littérature était de la nourriture, et qu’il fût affamé. » James découvre alors que contrairement à son père, qui ne lit que des livres de guerre, sa mère aime la poésie et comme lui, retient par cœur ses vers préférés. Au printemps 1939 survient la mobilisation. D’abord des semaines d’exercices, comme simple soldat puisqu’il refuse de devenir officier. Et puis arrive le moment d’embarquer pour une destination secrète, l’Inde probablement. Sur un ancien paquebot de luxe prévu pour quelque huit cents passagers et l’équipage, l’armée britannique entasse cinq mille soldats et leurs officiers pour un voyage
jusqu’au Cap où ils feront escale.

 

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Très vite, c’est l’enfer à bord. Les sections sont installées dans des espaces terriblement limités, les ponts supérieurs réservés aux officiers. La houle les rend presque tous malades, les précipite aux toilettes et sur les ponts. « Le golfe de Gascogne se déchaînait. Du haut en bas du grand bâtiment, les hommes vomissaient ; une odeur fétide régnait partout, dans l’entrepont comme dans les cabines. » Plus personne n’obéit aux ordres, il faut survivre, c’est tout. Et s’efforcer de ne pas penser aux sous-marins ennemis. « Nous serions poursuivis si nous traitions ainsi des animaux, monsieur » proteste un sergent auprès d’un officier supérieur. Quand s’ajoutent les restrictions d’eau douce, qui commence à manquer, les uniformes lavés à l’eau de mer qui provoquent des irritations, des démangeaisons continuelles, certains hommes en deviennent fous. « Des centaines d’hommes dormaient sur les ponts, brûlants de fièvre, secoués de nausées et de haut-le-cœur ; ils avaient envie de vomir, mais leurs estomacs étaient vides. »

 

« Jour après jour, nuit après nuit. Et puis ils s’aperçurent – quelqu’un s’aperçut, et la nouvelle fit le tour – qu’ils avaient mis le cap au sud-est. » La mer se calme, la section de James tâche de se refaire une apparence avant de débarquer. Au Cap, l’ambiance est à la fête. Deux jeunes femmes d’officiers, Daphne et Betty, préparent quelques jours de festivités pour le transport de troupes, pendant que leurs maris sont en mission. Betty a un bébé, Daphne pas encore et ça lui donne le cafard. Maîtresses de maison exemplaires, elles s’approvisionnent, organisent des repas, des soirées. « Les deux amies étaient connues des comités d’accueil, qui comptaient sur elles pour recevoir autant d’hommes que les lois de l’hospitalité le leur permettaient. » Les soldats, eux, ressemblent plutôt à des invalides. Ils veulent avant tout se laver et changer de vêtements.

 

Daphne remarque parmi ceux qu’on lui amène un jeune homme particulièrement mal en point, c’est James Reid. Ebloui par cette femme ravissante dont les cheveux embaument, lui se croit dans un rêve, au paradis. James tombe amoureux de cette vision, passe toute la soirée avec Daphne, ne la lâche plus. Betty met son amie en garde, on les remarque, mais le coup de foudre est réciproque. Daphne en perd la tête. Pourtant, très bientôt, il repartira, le mari reviendra. James promet de revenir après la guerre. Sur l’océan Indien, il ne pense qu’à cela : « Car c’était un rêve, ce pays, avec sa montagne qui déversait ses nuées comme une bénédiction sur ses habitants fortunés. Un rêve de grandes maisons fraîches, entourées de jardins. »

 

Le roman de Doris Lessing raconte cette folle rencontre dans un contexte délétère.
La description des troupes livrées aux maux du corps et de l’esprit, aux incertitudes de l’attente, du danger, sonne terriblement juste. Quels lendemains pour une passion amoureuse en temps de guerre ? Entre espoir et désespoir, y aura-t-il une place, un jour, pour un enfant de l’amour ?

Commentaires

  • Triste destin de ceux qui sont entre espoir et désespoir, en temps de guerre, ( il y en a encore tant sur notre terre) en « troupes livrées aux maux du corps et de l’esprit, aux incertitudes de l’attente, du danger » ... et quel lendemain pour l’amour ? ... Y aura-t-il une place pour un enfant de l'amour ?

  • Ça fait plus ou moins deux ans que j'ai décidé, pour cause "de trop c'est trop", que je ne lirais plus aucun roman ni ne verrais plus aucun film sur: 1)la guerre du Vietnam, 2)la guerre civile españole, 3)les deux guerres mondiales.
    Il y a tant de conflits, de guerres en cours comme le dit Doulidelle... L'amour, et c'est tant mieux, naît quand ça lui chante.
    Ceci dit, amie, je ne doute pas que ce roman de Doris soit merveilleux.
    Un beso,

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