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polders

  • Paul

    Polders.jpg« Il y a des jours où je me sens polychrome, polarisé, pollué, polyèdre, polyglotte, polynésien, polystyrène, polyuréthanne, polytonal, etc., etc. Il y a des jours où je me sens dans tous mes états et complètement poli par la pluie. J’écris comme un fou des mots que je ne connais pas mais qui ont l’air de me raconter des choses. Je dresse des listes dans un carnet que j’ai planqué dans le watergang et que je remplis de notes tout à coup. Il y a des jours comme ça où je me sens comme perdu dans les polders, que pourtant je connais comme ma poche. Il y a comme ça, oui, des jours où, vraiment, je ne sais plus quoi faire. »

    Mario Alonso, Watergang

     

    Photo © 2022 gerthermans.be
    https://blog.gerthermans.be/wandeling-door-de-uitkerkse-polder/

  • Watergang

    C’est à la radio que j’ai entendu parler de Watergang, le premier roman de Mario Alonso, qui a remporté cette année le prix Première (première chaîne radio de la RTBF). « J’écrirai mon premier roman à treize ans. » La phrase d’ouverture de Paul, douze ans, le premier des narrateurs et le point focal du roman, donne immédiatement la tonalité : un style simple, basique, souvent oral.

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    « Courir c’est l’affaire de ma vie. Je cours d’un bout à l’autre du watergang. » (Littéralement « couloir d’eau », un watergang s’appelle aussi « watringue ».) Le futur écrivain, Paul De Vaart, rêve d’être connu plus tard sous le nom de Jan De Vaart. Sa mère a repris son nom de jeune fille quand leur père est parti, sa sœur et lui le portent aussi. Sur un carnet, il a prévu comme première phrase celle-ci : « J’ai treize ans, j’habite Middelbourg et ma sœur est enceinte. » Birgit n’en a rien dit à son petit ami, Jeroen, le père. Paul, qui partage sa chambre, l’entend pleurer la nuit.

    Quand Kim prend la parole, on comprend que les personnages ont deux prénoms, celui qu’ils portent dans la vie avec Paul et celui qu’ils porteront dans le futur roman de Jan. Pour Kim, Paul est beau, mystérieux – « il ne parle pas à tort et à travers comme la plupart des autres garçons. Et ça, les filles elles trouvent que c’est irrésistible. » Si Paul hante le watergang, où elle l’accompagne parfois, sa sœur préfère retrouver ses copines avec qui elle communique par textos quand ce n’est pas avec Jeroen au Holy Hour, où les jeunes de Middelbourg se retrouvent.

    A chaque chapitre, le narrateur change. Si Paul a déclaré avec sérieux qu’un jour il tuerait quelqu’un, ce qui a épaté les filles, il considère que comme écrivain, il n’aura pas besoin « de parler de revolver et de répandre le sang » pour faire son effet. Quand le polder lui-même prend la parole, c’est pour parler du garçon courant « d’un bout à l’autre du pays le cœur battant ». « Car le watergang sera toujours son allié, et les éléments qu’il brave chaque jour lui seront à jamais une source d’inspiration. »

    Paul observe sa sœur, ses copines, les couleurs qu’elles portent (le rose surtout). Il donne la parole à Middelbourg même, avec sa terre marron. A Julia, qui porte le même prénom que la première femme de l’homme de Middelbourg qui vit avec elle en Angleterre. A « Super », surnom que Paul a donné à sa mère ; elle se sent pourtant une femme très ordinaire, sauf aux yeux de son fils. A « Action » : Paul estime qu’elle n’est pas nécessaire à son futur roman, que les faits suffisent. Etc.

    Watergang est un premier roman qui ne ressemble à aucun autre. Mario Alonso, « né quelque part en Espagne dans les années 60 », selon la notice de l’éditeur, projette à présent d’écrire des « romans paysages ». Les phrases courtes, les personnages ordinaires, les rêves et impressions de Paul, tout cela tisse peu à peu une atmosphère mélancolique, par petites touches, comme dans le mouvement de la vague peinte par Natalie Levkovska en couverture.