En tous sens et à tout vent* / 7
Mes doigts, par morse, te parlaient
En ce pays de nulle part où nous allions
À la recherche de l’amour,
Mes doigts, par morse, te parlaient,
Essayant de doucir ton corps déjà si doux
Contre mon corps, à l’ancre.
Et nous glissions, malgré notre âge
En ce pays de nulle part qu’on nomme amour.
C’était le port, c’était mon corps toujours plus proche
Mêlé par l’ordre invisible du morse
Que mes doigts inventaient sur épaules, sur jambes
Et sur la dune douce des genoux.
Déjà, ta houle heureuse respirait,
Sœur de la mienne,
Dans un mouvement tendre et régulier
Qui rapprochait nos jeux, nos vœux, nos feux
Comme deux barques en dérive
Par le tropisme des courants, l’une vers l’autre
Ramenées.
Le ciel de notre chambre était rempli de signes
Nés du morse appeleur
Qui, par bec, sur ta peau, faisait naître des cygnes.
Et nous suivions sur nos deux corps enfin mêlés
Le doux volettement de ces oiseaux nocturnes.
Roger Foulon, Route du poème
*Colette Nys-Mazure, Christian Libens, Piqués des vers ! 300 coups de cœur poétiques, Espace Nord, 2014.
Braque, illustration de Lettera amorosa (René Char)