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le coeur à trois heures du matin

  • Convictions

    Certaines de mes convictions

     

    L’idée
    est une abeille
    qui cherche
    à créer
    un essaim.

    Les nuages
    sont
    des livres gonflés de pluie.

    peter bakowski,le coeur à trois heures du matin,poésie,littérature anglaise,australie,recueil,cultureL’aurore est
    une fille
    ôtant
    son collier d’étoiles.

    Le cœur
    est un portier
    las de traîner
    nos bagages d’excuses.

    La peur
    est graine
    de solitude.

    Seuls les poissons
    vivent
    dans de belles
    prisons.

    L’amertume est le plus ancien désert.

    La vérité seule peut
    faire durer un poème
    plus longtemps
    qu’une bougie.

    Peter Bakowski, Le cœur à trois heures du matin

     

  • A 3 heures du matin

    Le cœur à trois heures du matin de Peter Bakowski (édition bilingue, traduit de l’anglais (Australie) par Mireille Vignol et Pierre Riant) rassemble des poèmes écrits de 1995 à 2014. « D’un texte à l’autre, même ton décalé, même fausse simplicité, même propension à transmuer la quotidienneté  en poème », indique l’éditeur Bruno Doucey, le premier à publier en France « cet écrivain australien, proche de Jack Kerouac et d’Allen Ginsberg ».

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    Source de la photo : Biennale des poètes 2015 

    Pour faire sa connaissance, lisez « Je préfère » et « Autoportrait avec convictions, 19 octobre 1997 », deux poèmes cités par K sur Diffractions (merci à lui d’avoir recommandé ce recueil). Bakowski, poète voyageur, pratique le vers libre et a le goût de l’anaphore, des parallélismes :

    « Je rêve d’un nain au beau visage,
    je rêve de la tristesse du contorsionniste,
    je rêve du sourire plastique d’un adultère,
    je rêve des pensées de l’exécuteur. »
       « Le nain au beau visage et autres rêves » (première strophe)

    Parfois, ce sont des poèmes qui racontent une histoire, sur quelqu’un dans un lit d’hôpital, sur un peintre connu (Diego Rivera), sur une vie devenue voix (Billie Holiday) :

    « Et aujourd’hui,
    d’Harlem à Tanger,
    entre la lune et nos cœurs,
    il existe une voix, votre voix :
    qui escalade l’échelle d’une vie de barreaux brisés,
    mais poursuit son ascension
    pour nous dire
    que les rêves se paient cher
    et n’ont pas toujours une fin. »
       « Billie et l’ange de la maladresse… »
    (dernière strophe)

    Pas moins de cinq pages pour ses « Cartes postales vagabondes de l’outback australien », aussi je préfère reprendre « L’écolier bègue (Ecole primaire de St Bede, 1960) », et pas seulement parce que le poème est plus court, vous le comprendrez :

    Pris
    au lasso
    par le regard du maître,

    qui lui pose
    la première question
    de la leçon.

    Chemise poignardée de sueur, chaussettes effondrées,
    planté entre deux rangées,
    il garde les yeux fixés
    sur le pupitre, son radeau.

    Il ne sait
    que faire de ses mains,
    ne sait
    que faire de ses frissons.

    Essayant de répondre,
    il se heurte
    aux épines
    de chaque syllabe,
    à
    la prison
    de sa bouche.

    Les autres élèves
    regardent par la fenêtre,
    scrutent les cartes et l’encre sur leurs doigts.
    Ils évitent le garçon
    paralysé dans cette énigme,
    le garçon qui chute
    du cheval
    de la langue. »

    Poète d’aujourd’hui, assurément, Peter Bakowski allume des images nées d’alliances inattendues, arrache les mots à leur contexte ordinaire pour dire les choses avec une justesse inédite. S’il écrit parfois des vers longs, ses poèmes aux vers très courts laissent résonner chaque mot comme une goutte de son et de sens. La chute du poème, comme ci-dessus ou ci-dessous, est toujours intense.

    « Et dans mes rêves,
    la gentillesse
    est la seule forme
    de victoire,
    et le temps
    n’est plus
    un roi
    si cruel. »
       « Dans mes rêves » (dernière strophe)