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l'amour des maytree

  • Sous le ciel

    « D’ordinaire, les Toltecs, les Olmecs et tout ça lui foutaient la frousse, jusqu’à ce qu’il lise un vieux livre maya, le Livre de l’aurore de la vie :

     

    Les premiers êtres humains rendirent grâce aux dieux :

    Ah vraiment, deux fois, trois fois merci

    de nous avoir donné forme. De nous avoir donné

    cette bouche, ce visage.

    Nous parlons, nous écoutons, nous nous émerveillons.

    Nous nous mouvons… sous le ciel.

     

    Etoiles de Valentine Iokem.jpg
    Les fantaisies de Valentine Iokem :
    http://petitspoisetcetera.blogspot.com/

     

    Merci mille fois ? C’était chic de leur part. En plus, là où nous, nous voyons les Pléiades, les Mayas voyaient quatre cents garçons. Les ciels à l’époque étaient donc si clairs ? Pour les Grecs, compter sept sœurs était la routine ; en compter neuf, la perfection. Peut-être les 391 autres étoiles s’étaient-elles perdues dans les brumes de la Méditerranée. Par une belle nuit de noroît, lui-même ne voyait plus que cinq ou six Pléiades, au lieu des sept de son enfance. »

     

    Annie Dillard, L’amour des Maytree

  • Si l'amour dure

    L’amour dure-t-il ? Qu’est-ce qu’aimer ? Dans L’amour des Maytree (2007), un roman traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre-Yves Pétillon, Annie Dillard revient sans cesse sur ces questions. Une carte du Cap Cod fait face à un long prologue où l’écrivaine mêle à l’histoire de la péninsule américaine la présentation des Maytree : Toby, le fils d’un garde-côtes, un poète ; sa femme Lou qui peint un peu, parle rarement ; leur fils Paulo. Grands lecteurs, ils lisent dans les trois cents livres par an, lui « pour apprendre des choses », elle « pour éprouver des émotions ». Lou porte souvent quelque chose de rouge, « afin d’introduire une note de liesse ». Le récit remonte à l’époque où Toby Maytree invite la jeune et blonde Lou Bigelow dans sa cabane d’une seule pièce au milieu des dunes.

     

     

    En chemin, ils tombent sur Deary, un peu plus âgée qu’eux, qui aime dormir sur le sable à la belle étoile près d’un jardin qu’elle a planté de choux frisés. Deary aime inventer des théories : « Chaque endroit de son corps où l’on se blesse ajoute un pan de plus à la conscience qu’on a des choses. » Toby écrit de la poésie le matin. Il ne montre ses textes qu’à son ami Cornelius et à Lou. Une vieille dame superbe, Reevadare Weaver, six fois mariée, organise une réception pour leurs fiançailles. « Garde toujours tes amies femmes, ma chérie. Les hommes, ça va, ça vient » conseille à Lou celle qui, comme Deary la vagabonde, collectionne maris et amants. 

     

    Maintenant qu’il sait que Lou l’aime, Toby s’interroge encore davantage : « L’énigme n’était pas la mort, tout ce qui vit meurt, mais l’amour. Non que nous mourrons un jour, mais que nous puissions éprouver un tel sentiment, sauvage dans un premier temps, puis profond, pour une personne en particulier parmi des milliards. » Pour gagner leur vie, Toby transporte des maisons, Lou travaille à mi-temps dans une galerie d’art.

     

    La première partie, au tiers du récit, débute en catastrophe : leur fils Paul à vélo est renversé par une voiture, il a la jambe cassée. C’est à ce moment-là que Toby annonce à Lou qu’il l’aimera toujours, qu’il part s’installer sur une île dans le Maine – « Jamais je n’ai aimé… personne… » A quarante-quatre ans, il est las de Lou la laconique, un ange, il part avec une femme très déterminée et lui laisse l’enfant. D’un saut dans le temps, voilà Lou en vieille femme, « plus triste, mais plus sage », l’esprit plus libre. Elle avait vu sa propre mère le cœur brisé « et elle savait qu’elle pouvait faire mieux que ça. »« Il lui restait plusieurs années à vivre. Les vivre vraiment ou non, c’était à elle de décider. » La deuxième partie suit la vie de Toby dans le Maine, devenant malgré lui « un entrepreneur en bâtiment collaborant au colmatage de la côte ».

     

    Au bout du Cap cher à Hopper, sur « cette langue de sable au milieu de l’océan », Lou est d’accord « avec pas mal de gens de par ici (…) pour penser que la vie est trop courte pour la gaspiller à arborer son bon goût. Pour impressionner qui ? Pendant ce temps-là, elle pouvait lire. » Maytree, de son côté, pense en vieillissant que l’amour de longue durée est plus important que le travail, voire la poésie. Il ne sait pas encore s’il reverra Lou un jour, si son fils viendra le voir, mais il sent que l’âge rend les hommes encore « plus affamés de beauté ».

     

    Annie Dillard, que je lis pour la première fois avec ce roman, mais dont je me promets de lire aussi En vivant, en écrivant, mêle aux vies racontées des questions existentielles. Ses peintures du ciel, de la mer et du sable, son goût pour les attitudes non conformistes, sa perception au plus près des cœurs battants font de L’amour des Maytree un roman qui nourrit notre appréhension des êtres et du monde.