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Théâtre en rue

  • Sagamore le Vif

    Théâtre ? Visite guidée ? Performance ? Le Calvaire de Sagamore le Vif, qui se joue encore quelques semaines (jusqu’aux fêtes de Wallonie), échappe aux catégories. Cette visite-spectacle d’une énergie formidable vous garantit une soirée passionnante dans les rues de Namur (le dimanche à 19h, en semaine à 21h).

    Rendez-vous était donc pris devant le Théâtre royal de Namur, après réservation (le nombre de participants étant limité). Arrive un drôle de bonhomme à la démarche irrégulière, qui lance ses invectives au nez et à la barbe des passants, surprend un automobiliste en traçant sur les pavés sa trajectoire fantasque, son manteau noir flottant derrière lui. Cette silhouette inquiétante – clochard, ivrogne ou fou errant ? – ne revient sur ses pas que pour interpeller son public et l’entraîner dans le récit des vieilles histoires de la ville.

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    Tout commence en 1822, avec une exécution, celle de la pauvre Jeanne. Cris, confidences, révolte, sympathie, nous voilà pris dans un tourbillon d’impressions. Sagamore avance à grandes enjambées, s’arrête et prend les spectateurs à partie. Chaque fois, le patrimoine namurois se révèle : vieille tour, monument, porte ancienne, estaminet, pierre sculptée, parvis d’église... Sagamore fait parler les pierres mais pas seulement elles. Il convie aussi les traditions, prêche le vrai et le faux – on joue en wallon au « roi des menteurs » – et prend plaisir à nous raconter les conversations entre Félicien Rops, qu’il n’hésite pas à secouer sur son piédestal, et Charles Baudelaire, deux « maudits » hauts en couleur.

    C’est du théâtre « en rue » et donc livré aux aléas d’un soir. A suivre Sagamore dans les ruelles de plus en plus sombres, on s’amuse à l’écouter, à observer ce diable d’homme à la voix de stentor dont tout le corps vibre de passion. Jamais il ne laisse retomber l’intensité de son propos ni la curiosité de son public. Bien sûr, il y a des rencontres inattendues : des touristes d’abord interloqués, puis intrigués ; des habitués sur les places et aux terrasses, qui se retournent à peine ; des complices qui au fil du temps – c’est la quatrième et sans doute dernière saison du spectacle – accueillent Sagamore avec un sourire, un bonjour, voire un verre de bière (mais rien de tout cela n’est arrangé, nous l’apprendrons après, ce sont des initiatives individuelles et forcément variables). Le vagabond au verbe haut doit composer aussi avec les moues de mépris, les regards hostiles, les vrais « égarés » qui se frottent à lui, et même des chiens qui aboient sur son passage.

    Il faut une fameuse conviction pour porter ainsi le personnage de Sagamore et avec lui, toutes les figures du passé namurois qu’il convoque, gens connus et gens « de peu » pour qui la vie n’est pas facile. Ce sont de vieilles affaires, mais aussi des questions actuelles, sociales et autres. Rester à Namur ou partir à Bruxelles, à Paris ? Qu’est-ce qu’une vie d’artiste ? On rit, on s’étonne, on s’interroge, souvent on frissonne. Tout parle, chez Simon Fiasse : les bras, les mains jusqu’au bout des doigts, les jambes, le regard bien sûr, jusqu’à l’émouvante scène finale, au confluent de Meuse et Sambre. Ce n’est pas pour rien que Sagamore / Fiasse a été élu « Namurois de l’année 2007 ».

    Derrière le comédien, toute une équipe a travaillé, celle de L’Isolat asbl (dont la charte mérite d'être lue), pour monter ce spectacle sur une idée de Didier Godin, avec Michaël Meurant à la mise en scène. Les spectateurs namurois prennent plaisir à se rafraîchir la mémoire, les autres découvrent l'atmosphère méconnue de la capitale francophone. Les adultes s’amusent autant que les enfants à presser le pas derrière ce Namurois d’hier et d’aujourd’hui qui invente, sans nul doute, sa propre légende.