« Quand je m’inquiète de ce qui le bouleverse, il répond : Tout ça, c’était des promesses, et c’est fini maintenant.
Longtemps, j’ai imaginé que dormaient dans sa mémoire des souvenirs douloureux. Je ne pensais pas qu’y reposaient aussi des instants lumineux et fragiles qu’il préférait ne pas toucher de peur de les détruire. Ce qui le retenait d’exhumer le passé, c’était peut-être avant tout le chagrin de regarder en face ce qui s’était perdu. Et moi qui lui fais relire les lettres, les carnets, qui lui parle d’îles englouties, d’amoureuses oubliées et de maisons d’enfance, qui réactive ses voyages, qui remue le couteau dans la plaie, oubliant cette leçon qu’il avait déjà comprise à dix-sept ans : l’écriture nourrit sa propre mélancolie. »
Hélène Gaudy, Archipels