« Bon, bref, pour le rituel du feu de joie, l’initiation de Romuald avait été parfaitement réussie. Ça se passait à la plage, à quelques mètres à vol d’oiseau de la Table. C’était un moment extrêmement élaboré et que nous prenions très au sérieux. Enfin, c’est ce qu’on se disait, mais en fait ça ne l’était pas tant que ça. L’initié devait se rendre sur la plage, fringué comme son paternel et sa daronne en même temps. Par exemple, un chemisier de la mère et le pantalon du père. Nous allumions un feu sur le sable, ce qui était totalement interdit, et nous demandions à l’initié ceci :
– Jette ta famille au feu.
– Comment ça ?
– Ta famille, maintenant, c’est nous, donc enlève les fringues de tes parents et fous-les dans le feu.
Romuald a pas bronché, il a jeté les frusques dans les flammes, il s’est retrouvé en caleçon et chaussettes, et ensuite je lui ai dit :
– Maintenant, tu dois entrer dans la mer et plonger, après tu reviendras.
– Mais elle doit être glacée !
– C’est toi qui vois, lui avait répondu Don. »
Héloïse Guay de Bellissen, Crions, C’est le jour du fracas !
Commentaires
Se libérer de sa famille en la brûlant symboliquement....
Je viens enfin de lire ton billet précédent, un sujet si dur, si vrai, si rarement abordé.
Comment devenir un adulte équilibré après tout ça ?
Bon week-end Tania
Tout le monde n'a pas la chance d'être soutenu dans sa famille, son milieu, Héloïse Guay de Bellissen, en se rappelant le "je-m'en-foutisme glorieux" de leur bande, dit "faire un bon vieux massage cardiaque à l'enfance, et lui souffler [son] air adulte dans sa bouche aux lèvres bleuies."
Un rite d'initiation qui donne une idée du degré de dureté supporté par les garçons depuis sans doute longtemps.
Ici c'est une bande mixte, avec ses codes, ses rites, ses excès, oui.
Le sujet est dur, il y a ainsi des initiations cruelles. Quel sera l'avenir de ces jeunes plongés dans une existence sans concession ?
Par rapport aux jeunes du pénitencier, ceux des années 90 jouissent d'une liberté énorme. La narratrice-autrice a fait son chemin depuis lors, elle a un ton bien à elle qui retient mon attention, livre après livre.