« Avant d’aborder le chapitre de « l’intelligence artificielle », telle qu’on la nomme de nos jours, c’est-à-dire l’intrusion spectaculaire de l’informatique dans le domaine échiquéen, il me faut d’abord préciser que « l’intelligence conceptuelle » émanant de cervelles bien humaines m’est toujours apparue comme relevant elle-même d’une certaine artificialité, autrement dit comme quelque chose de relativement superfétatoire par rapport à ce que l’on nommait anciennement « l’entendement » - à savoir une capacité à continuer d’entendre, par-delà nos chères idées, ce qui provient du monde naturel. L’entendement se différencie de l’intelligence conceptuelle en cela que cette dernière, plus ou moins sourde au bruit du monde immédiat, ne cesse d’échafauder des hypothèses qu’elle finit par confondre avec la réalité. C’est en ce sens que Bergson a dit (utilisant le mot intelligence dans ce sens abstrait restrictif) : L’intelligence est caractérisée par une incompréhension naturelle de la vie. »
Denis Grozdanovitch, La vie rêvée du joueur d’échecs
Commentaires
Là il va falloir que je relise au moins deux fois ..
Si pas trois... Raisonnement subtil, de quoi titiller nos neurones.
Bergson, comme Alain,m'intéressent, mais la phrase citée sortie du contexte semble abscons.......
Bon week-end Tania! Merci pour tes partages!
La citation surprend, mais ne manque pas de sel.
Ah oui, marrante, la phrase de Bergson ... En fait elle me fait réaliser que c'est cette "incompréhension naturelle", c'est à dire au fond une non-immédiateté, qui permet de se poser des questions, donc d'avancer ... Ou pas ?
Merci, Ariane !
Vu mon âge, j'aurais une prédisposition à me fier plutôt à "l'entendement" qu'à une "intelligence conceptuelle" seule, non relié à la réalité. Il faut les deux, bien entendu pour vivre et progresser. :-)
Bonne fin de semaine, Tania
Nous sommes d'accord. Bonne soirée, Fifi.
L'intelligence relève de conceptions diverses et variées. Car elle a de nombreuses possibilités, non seulement celle de recevoir les informations du monde mais de s'arroger ses propres interprétations, d'autant qu'elle a des ressources imaginaires qui ne cessent de lui ouvrir de multiples horizons. La pensée est probablement ce qui est le plus surprenant, car elle sort du domaine des classifications que l'on pourrait être tenté d'instruire.
Merci pour ce prolongement, Armelle.
Cela fait trois fois que je passe et que je lis cet extrait..... Pour l'instant, je comprends le mot "incompréhension"....
Peut-être est-ce plus clair en opposant "compréhension naturelle" (du côté de sa définition de l'entendement) à "incompréhension naturelle" (du côté de l'intelligence conceptuelle) ?
Euh.... non....
Si tu en as envie, 3 minutes d'explication à écouter :
https://www.franceculture.fr/emissions/3-minutes-de-philosophie-pour-redevenir-humain/bergson-lintelligence-est-caracterisee-par-une-incomprehension-naturelle-de-la-vie
Ou la citation de Bergson dans "Intelligence et instinct" : https://philo5.com/Les%20philosophes%20Textes/Bergson_InstinctIntelligenceEtIntuition.htm#_02
Il y a des grosses têtes qui gardent les pieds sur terre.
PS : si je ne vous savais pas intelligente, je m'inquiéterais de votre insistance sur les limites de l'intelligence.
;-)
Voilà qui est clairement dit ! Nous avons déjà échangé à ce propos, vous et moi, vous qui philosophez avec aisance et moi qui résiste quand les concepts deviennent en quelque sorte des pièces à faire bouger sur l'échiquier. Bonne semaine, Christw.
Oh mais je me définis mieux par une grande volonté de comprendre que par de l'aisance philosophique. La satisfaction intellectuelle qui découle de la compréhension d'une question (très réelle et qui me rend joyeux) est sans doute ma récompense...
Et il faut que je revienne sur les flatteurs trois coups d'avance aux échecs que je ne sais pas dépasser : ce serait plutôt deux au-delà desquels je me perds...
Merci et bonne journée Tania.
Belle volonté de comprendre ! Merci de partager ce goût de l'approche intellectuelle. Bonne journée, Christian.
Je viens de découvrir votre blog. En lisant l’extrait que vous proposez, je me rends mieux compte du style alambiqué de l’auteur. Ce matin, j’ai compris du premier coup, mais il m’arrive souvent de devoir relire plusieurs fois un phrase ou tout un paragraphe des écrits de D. Grozdanovitch, pour ne pas perdre le fil du raisonnement, et bien comprendre ce qu’il veut dire. C’est un auteur par ailleurs plein d’humour, que j’aime beaucoup.
Bienvenue, Azerty. Toutes les phrases de Grozdanovitch ne sont pas aussi complexes, heureusement ! J'aime aussi son humour.