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La petite Anatolie

A Bruxelles, « la petite Anatolie » est le surnom d’un quartier à cheval sur deux communes, Schaerbeek et Saint-Josse-ten-Noode. Dimanche dernier, c’était le but de la promenade guidée proposée par PatriS en « prélude à Europalia Turquie ». Le rendez-vous était donné sous le porche de l’église royale Sainte-Marie, paroisse autrefois aristocratique, située entre le Palais de Bruxelles et le château de Laeken 

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Colonnes du porche de l'église royale Sainte-Marie

Yves Jacqmin nous y a présenté le quartier et la communauté belgo-turque qui l’habite aujourd’hui avec un grand souci d’objectivité et de nuances, à rebours des clichés. Nous irons donc cette fois non pas à la découverte du patrimoine, mais de lieux liés à cette communauté très attachée à son pays d’origine. 

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En 1964, comme on l’a rappelé l’an dernier pour les cinquante ans de l’immigration marocaine et turque, l’Etat belge a fait appel aux travailleurs étrangers pour ses industries et ses gros chantiers, la main-d’œuvre manquait. Ensuite, avec le regroupement familial et les familles nombreuses, la communauté belgo-turque s’est accrue en Belgique, on l’estime aujourd’hui à environ 150000 personnes. Parmi les Bruxellois d’origine étrangère, un dixième est d’origine turque (derrière la France, l’Italie, le Maroc, la Pologne et le Portugal, entre autres).

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Bruxelles multiculturelle

Les habitants du quartier sont pour la plupart originaires d’Emirdağ, une petite ville au cœur de l’Anatolie, d’où son surnom. D’abord locataires, ils sont devenus propriétaires, et c’est grâce à eux que le quartier se maintient et se développe, après avoir échappé au grand projet du quartier de la Gare du Nord qui prévoyait de le faire traverser, près de l’église royale, par une nouvelle « autoroute urbaine ». 

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En haut de la rue des Palais, le guide nous montre une enfilade d’hôtels de maître où on reconnaît la signature de Frans d’Ours et Charles Neyrinck (1910), des architectes qui œuvraient à la même époque dans la prestigieuse avenue de Tervueren. Un peu plus bas, nous passons devant l’IFSFC, une haute école, puis nous nous arrêtons en face d’un grand immeuble récent. 

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Trois étages y sont occupés par Fedactio, un groupe d’associations turques sous l’égide de Fethullah Gülen. Originaire d’Anatolie, émigré aux Etats-Unis, ce leader religieux promeut l’étude des sciences, l’engagement dans la société civile et l’ouverture aux autres « religions du Livre ». Il s’oppose à la politique actuelle du gouvernement turc. Certains le comparent à Calvin. « Fédération des associations actives de Belgique » : pas d’allusion à la Turquie sur la plaque de Fedactio, ni sur celle du centre culturel « Sema », rue de la Poste. C’est la même volonté de se fondre dans le pays d’accueil et aussi un signe d’indépendance par rapport aux organismes officiels turcs présents dans le quartier. 

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Par la rue de la Constitution, nous rejoignons la chaussée de Haecht pour nous arrêter devant la grille verte de la Maison des Arts, juste en face de l’APAJ. Cette « Association Pédagogique d'Accueil aux Jeunes » vise la formation par le travail dans le domaine du bâtiment, il est dommage que la presse n’en parle que lors de problèmes liés à la délinquance (un tiers des places y est réservé à des personnes en semi-détention ou en surveillance électronique). 

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En septembre s’ouvrira un peu plus loin la première école secondaire islamique en Fédération Wallonie-Bruxelles, dans la continuation de l’école primaire : « La Vertu » s’implante au cœur de la petite Anatolie, entre deux grandes écoles catholiques depuis longtemps ouvertes aux enfants du quartier : le Centre scolaire des Dames de Marie (CSDM), où flottent encore les bannières des 150 ans, et le Centre scolaire Sainte-Marie La Sagesse(L’ouverture de cette école confessionnelle a donc été autorisée finalement, bien qu’il ne manque pas d’écoles secondaires dans le quartier.)

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Nous abordons ensuite un tronçon de la chaussée de Haecht très fréquenté pour ses restaurants turcs typiques, de plus en plus soignés (souvent de simples snacks à l’origine, comme ce « Snack anadolu » explicitement anatolien). Cet été, les terrasses ont envahi les trottoirs et remportent un joli succès, même par ce temps pluvieux. Les enseignes colorées sont nombreuses. Mes photos ne donnent pas grand-chose sous le ciel nuageux et la bruine qui nous accompagne. Certaines affichent leur lien avec la culture et la cuisine turques, d’autres la gomment, mais ici une « pizzeria » sert en réalité des pide, des barquettes à la turque. 

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La communauté musulmane est représentée dans le quartier par différentes associations, parfois en désaccord : la BIF, Fédération islamique de Belgique, a pris ses distances par rapport à la puissante BTI Diyanet Vakfi, organe religieux officiel du gouvernement turc, en face du CSDM, où M. Erdogan ne manque pas de passer quand il vient à Bruxelles. Entre les deux, la mosquée Fatih a fait couler beaucoup d’encre lors de sa demande d’installation d’un minaret – non pour l’appel à la prière, mais pour plus de visibilité. L’autorisation lui a été finalement accordée, à condition d’en réduire la hauteur, via la législation existante sur les enseignes, une solution de compromis typiquement belge. 

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En revenant sur nos pas, je remarque de nouvelles enseignes plus sobres, comme celle d’une boulangerie pâtisserie en cours d’installation, et l’affichage fréquent des trois langues locales : français, néerlandais et turc. Yves Jacqmin nous a cité des mots turcs très proches du français par leurs sonorités et expliqué quelques caractéristiques du turc qui facilitent l’apprentissage du néerlandais aux turcophones. Parmi les nombreux chiffres fournis, que je n’ai pas notés – le parapluie à la main, c’était difficile –, il y avait le faible pourcentage d’élèves bruxellois qui parlent le français quand ils rentrent chez eux.  

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J’ignorais un autre aspect de la double nationalité : l’obligation du service militaire pour les Belgo-Turcs, réduit à trois semaines moyennant le paiement d’une somme importante et obligatoire pour conserver la nationalité turque. Mehmet Koksal, journaliste belge d’origine turque qui ne craint pas d’aborder les sujets tabous, s’est interrogé sur le cas des élus belgo-turcs qui ont prêté en Turquie un serment de fidélité qui pourrait mettre en conflit leurs deux appartenances. En tout cas, cette visite nous a montré une communauté belgo-turque plus diverse qu’on ne le pense.

Commentaires

  • Merci Tania pour cette découverte d'une implantation pour laquelle tu remontes aux origines.Cet article est très bien documenté.
    On ne souligne jamais assez qu'au départ,dans nos pays voisins, ces travailleurs étrangers étaient requis pour les travaux de l'industrie notamment.

  • Les promenades organisées par PatriS sont toujours riches en informations. Pour ce qui est des migrants que notre pays est allé chercher dans les années 60 au Maroc puis en Turquie, le 50e anniversaire de cette immigration a donné l'occasion l'an dernier de rappeler leur histoire. Bonne soirée, Maïté.

  • en me promenant dans ces rues, j'ai été complètement dépaysée, j'étais la seule non-turque et ça fait tout de même bizarre ;-) surtout que sur les bancs publics et aux terrasses des cafés, il n'y avait que des hommes!

  • J'ai longtemps fréquenté ce quartier et je vois ce que tu veux dire, sa population est pourtant plus diversifiée qu'il n'y paraît. En le visitant avec un groupe, je m'y sentais bizarrement "touriste", surtout en passant près des nouvelles terrasses de restaurant au bord de la chaussée, et je me suis réjouie d'y voir beaucoup de jeunes femmes aussi.
    (Pour ce qui est des cafés, les abords de la gare du Midi offrent le même genre "exclusif".)

  • J'aime beaucoup ces balades que tu nous fais découvrir et qui sortent des sentiers battus. Apprendre à connaître les autres cultures est la première étape avant d'apprendre à s'apprécier et à construire une société vraiment multiculturelle. Bravo pour ta démarche. Passe une bonne semaine Tania.

  • @ Un petit Belge : Merci, tu as raison, apprendre à se connaître est essentiel pour mieux se comprendre. Ce thème de promenade guidée est une excellente initiative. Bonne semaine.

    @ La bacchante : Plutôt nez au vent. Emirdağ se situe à l'ouest de la Cappadoce, non loin de la ville natale d'Esope.

  • C'est une bonne façon d'appréhender un quartier et ses côtés spécifiques. De quoi faire tomber quelques clichés .. J'ai l'âge de me souvenir de l'époque où en effet, c'était nous qui demandions à ces immigrés de venir travailler, ce que l'on oublie trop souvent aujourd'hui.

  • Dommage que je sois " passée à côté " lors de
    mon voyage à Bruxelles . Tes informations me consolent un peu de cette erreur .

  • Dommage que je sois " passée à côté " lors de
    mon voyage à Bruxelles . Tes informations me consolent un peu de cette erreur .

  • Merci pour cette promenade intéressante, bien illustrée, dans un quartier varié.
    J'aurais aimé entendre le journaliste s'interroger sur la question de double appartenance.
    Lors des débats auxquels j'ai assisté dans la presse, il y a beaucoup de chemin à faire pour apaiser certaines sensibilités sur les questions belgo-turques. Si la bonne volonté paraît l'apanage de beaucoup, le président du CDH a néanmoins tenu une position fort ferme à l'égard d'une députée d'origine turque.

    Hors sujet : les machines ont une mémoire infaillible (quand elles fonctionnent), je découvre dans vos archives (à la recherche du roman d'Oxford) que vous aviez lu "Un coeur si blanc" de Marias en 2008, semble-t-il.

    Bonne journée Tania.

  • @ Chinou : Bruxelles compte 19 communes, et celles-ci ont de très nombreux quartiers - je n'en ai pas moi-même fait le tour complet. Merci pour ton passage.

    @ Christw : Pour ce qui est de Mehmet Koksal, il y a de nombreux articles de lui en ligne, comme ici http://www.lavenir.net/tag/pers/mehmet_koksal
    Oui, ces frictions concernant la reconnaissance du génocide arménien ont fait ressortir une autre problématique de la double appartenance chez des élus belges, d'autant plus que le nationalisme turc est largement répandu.
    (Grand merci pour cette remarque sur un livre qu'il me semblait avoir lu, que je n'ai retrouvé ni dans ma bibliothèque ni dans mon index que j'oublie parfois de compléter. Je n'ai pas poussé plus loin, encore un peu affaiblie par un virus estival non identifié mais costaud. Je vais de ce pas compléter ma liste ;-)

  • Pas nécessaire d'être souffrant pour oublier et être distrait, j'en sais quelque chose ;)
    Bon rétablissement en tous cas, quel dommage un virus en cette période, mais je parie que vous allez avoir bientôt de vraies «vacances».
    Allez, portez-vous bien !

  • Ton billet est très intéressant, une véritable balade (multi)culturelle merci pour ce partage, je découvre totalement.

  • @ Christw : Merci, c'était brutal mais cela passe, heureusement.

    @ Marilyne : Europalia Turquie à l'automne prochain me donnera certainement l'occasion de revenir sur la culture turque.

  • Dommage que vous n'avez pas parlé d'un certain Halis Kokten qui à œuvré depuis 15 ans pour une bonne intégration de ce quartier. Petit rappel de la visite royale en 205 avec une foule de 8000 personnes présent

  • En fait, ce billet rend compte des informations reçues lors d'une promenade guidée en 2015. Je ne connais pas cette personne. Bonne journée et merci de votre intérêt.

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