« Il savait que le souvenir même du piano faussait encore le plan dans lequel il voyait les choses de la musique, que le champ ouvert au musicien n’est pas un clavier mesquin de sept notes, mais un clavier incommensurable, encore presque tout entier inconnu, où seulement çà et là, séparées par d’épaisses ténèbres inexplorées, quelques-unes des millions de touches de tendresse, de passion, de courage, de sérénité, qui le composent, chacune aussi différente des autres qu’un univers d’un autre univers, ont été découvertes par quelques grands artistes qui nous rendent le service, en éveillant en nous le correspondant du thème qu’ils ont trouvé, de nous montrer quelle richesse, quelle variété, cache à notre insu cette grande nuit impénétrée et décourageante de notre âme que nous prenons pour du vide et pour du néant. Vinteuil avait été l’un de ces musiciens. »
Marcel Proust, Un amour de Swann
(A la recherche du temps perdu, Du côté de chez Swann, deuxième partie)
Photo de Proust, s. d., L'Express
Commentaires
"Un amour de Swann", voilà qui me renvoie loin en arrière. C'est toujours bien agréable de relire du Proust. Merci, Tania !
Avec plaisir, Danièle, je suis forcément d'accord.
Les vraies musiques ont de l'âme. Oui.
Corrigez l'adjectif précédent, si vous le pouvez... Bon dimanche Tania.
C'est fait, ni vu ni connu ;-) Bon dimanche !