« Tu n’as nul besoin d’expliquer quoi que ce soit. Pas encore. Cela perturbe les pensées face à la musique, tout ce bavardage sur la vie privée. Nous sortons tous de notre vie privée. Même les pianistes. Il te suffit de les regarder entrer en scène pour le constater. D’où viennent-ils ? te demandes-tu. De nul autre endroit que leur vie, mon garçon. Observe la démarche angoissée et hypocondriaque de Sviatoslav Richter. On le croirait persuadé d’avoir des agents du KGB dans ses talons qui s’apprêtent à le suivre jusqu’au piano. Ou prends Alfred Brendel, qui a l’air de s’être lavé les mains au robinet après un dîner savoureux et est sur le point d’aller se coucher. Et tu as bien regardé Daniel Barenboïm ? Il pénètre dans la salle de concert en donnant l’impression qu’il l’a confondue avec une cathédrale dont il serait l’évêque. Et Martha Argerich, ma chouchou ? Elle entre sur scène armée d’une force intérieure, comme si elle était préparée à apprivoiser des lions. »
Bjørnstad, L’appel de la rivière
Ketil Bjørnstad, Mœrs festival 2004
photo Nomo/Michael Hoefner (Wikimedia commons)
Commentaires
oui, oui, il y a de ça ;-) c'est amusant
et reconnaissable!
bonne journée, Tania
Merci, Adrienne. Bonne journée à toi aussi, elle s'annonce lumineuse comme depuis le début de la semaine à Bruxelles.
"Vie privée", voilà un titre de circonstance dans notre petit royaume.
Un soupir pour vous répondre.