« Il détourna la conversation sur notre atelier. Les poèmes que nous avions lus, ceux d’Ovide, et mes propres poèmes. Il alluma un second cigarillo hollandais et souffla deux minces filets de fumée. Les coins de ses yeux étaient ridés comme s’il avait regardé le soleil en face et son incisive droite semblait ébréchée. Après notre atelier intensif de deux heures, il n’avait pas l’air fatigué, mais nerveux.
« Gillian, avez-vous des questions ? Je pense que oui. »
Je le regardai sans comprendre.
Sauf que : je voulais effectivement savoir pourquoi dans les Métamorphoses le bonheur humain n’était possible qu’à condition de se métamorphoser en quelque chose de moins qu’humain. « Tout ce qui les sauve, Philomèle par exemple, c’est qu’ils se transforment en oiseaux, en bêtes, en monstres… Pourquoi ne peuvent-ils rester humains ? »
Ma question surprit peut-être M. Harrow, qui téta un instant son cigarillo d’un air songeur. Puis il dit : « C’est le jugement d’Ovide sur l’« humain ». Il n’y a pas de bonheur à être humain, mais seulement à échapper aux conflits. » »
Commentaires
Brigitte Salino :
- "Beaucoup plus radical, donc plus humain..."
@ JEA : Dans la mer (l'amer) des citations sur l'humain, une de plus à méditer.
Je n'ai plus rien lu d'elle depuis "Des gens chics" et "Haute enfance", je crois constater à travers tes 2 billets que le ton est resté le même...amer, oui, désabusé et cru aussi.
@ Colo : Je l'ai trop peu lue pour pouvoir te répondre - mais la dernière phrase de l'extrait, en effet...
Une question: la petite tête de la couverture du livre, est-ce celle décapitée du fils de Procné ou celle d'un enfant qu'on apporte au sein de sa mère ? Brrrr
@ MH : Je penche pour la seconde interprétation, mais qui sait ?