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Vaincre l'oubli

De La reconstruction de la cathédrale à La petite flamme têtue de la chance,
La lampe d’Aladino et autres histoires pour vaincre l’oubli propose douze nouvelles de Sepúlveda que je répartirais en deux catégories : les récits d’aventures et les histoires sentimentales. La première, dédiée à ses « amies et amis des Asturies », ce qui rappelle la dédicace de L’ombre de ce que nous avons été, et la deuxième racontent des voyages non sans risques, d’abord dans la forêt amazonienne, puis à Tres fronteras, « là où, dans l’indifférence générale, se côtoient les frontières illusoires entre le Pérou, la Colombie et le Brésil », dans un hôtel où la forêt « lentement, prend possession des chambres » (Hôtel Z).

Vieux mélèze.JPG

« Le vent sableux du désert s’était arrêté au crépuscule et la vieille
Méditerranée a mêlé son odeur saline au parfum subtil des magnolias. C’était le meilleur moment pour quitter la maison musée de Kavafis, aussi pauvre que digne, et aller se promener dans les ruelles d’Alexandrie avant de rentrer à l’hôtel. »
L’incipit de Café Miramar a touché davantage mon imagination. Du balcon de sa chambre d’hôtel, le narrateur entend soudain chanter une voix de femme à l’accent berlinois, et entame une conversation avec sa voisine. Ensemble ils boivent un verre en regardant la mer et elle lui donne rendez-vous le lendemain au Café Miramar. A la fin de la journée suivante, quand il se renseigne sur le lieu de rendez-vous, il apprend que celui-ci n’existe plus depuis des années et, plus troublant encore, que la chambre voisine de la sienne n’est jamais occupée – « on y rangeait les meubles de l’ancienne propriétaire, une Allemande qui… »

Comment vaincre l’oubli ? Dans Un dîner en compagnie de poètes morts, des amis se retrouvent dans un restaurant bohême de Santiago et parlent de ceux qui ne sont plus là, trop tôt enlevés à la vie. En particulier de Hugo Araya et de la manière fabuleuse dont il avait su consoler un petit cireur de chaussures à qui on avait volé son attirail. « Il était comme ça Hugo, le Sauvage, dit quelqu’un. – Non. Il est comme ça, le Sauvage, car tant que nous prononcerons leur nom et raconterons leurs histoires, nos morts ne mourront jamais, a ajouté un autre. »

Ding dong ding dong ! Son las cosas del amor conte la merveilleuse histoire d’un garçon et d’une fille de quatorze ans qui se rencontrent pour la première fois au banquet de fin d’année du « cours de bonnes manières » au centre catalan de Santiago. Marly est une fille de la bourgeoisie, lui fréquente le lycée « réputé pour
le tempérament turbulent et gauchiste de ses élèves »
, mais tout se passe dans les règles à table, puis au bal, où on impose la valse à ces adolescents qui préféreraient
du rock. A la surprise générale, pour faire plaisir à sa petite-fille, son grand-père bouscule la tradition en demandant au disc-jockey de passer une chanson de Leonardo Favio, Ding dong ding dong, son las cosas del amor. Et les jeunes de s’étreindre, de s’unir, de se toucher enfin ! Si Marly n’est pas venue le lendemain ni la semaine suivante au rendez-vous convenu ce soir-là, le jeune homme ne l’a pas oubliée pour autant. Mais « leur chanson » reviendra, et les réunira bien plus tard, « car, que diable, c’est ainsi, ding dong ding dong, que sont les choses de l’amour. »

Autre histoire d’amour dans un pays où « les hommes s’appelaient Dirk, Jan, Jörg, Hark, et les femmes Anke, Elke, Silke. » L’une d’entre elles dira : « Les mains sont les seules parties du corps qui ne mentent pas. Chaleur, sueur, frémissement, et force. Voilà le langage des mains. » (L’île) Brève histoire d’un arbre, un vieux mélèze sur l’île Lenox (L’arbre). Et une autre histoire encore qui semble écrite pour un amoureux des îles lointaines, La lampe d’Aladino : « Le Turc savait que les îles sont des bateaux de pierre ; elles n’ont pas d’habitants mais des équipages qui arrivent, restent quelque temps et s’en vont. »

Je ne vous dirai rien du vétéran et de son chien Cachupín (La petite flamme têtue de la chance), si ce n’est que la dernière nouvelle du recueil vous convaincra définitivement du talent de conteur de de Sepúlveda. L’écrivain chilien a le don de nous faire voyager dans l’espace et dans le temps, mais aussi sur la carte du Tendre, avec plus de pudeur qu’il n’y paraît.

Commentaires

  • Chère Tania, merci du commentaire élogieux que je viens de découvrir sur mon blog qui me réjouit d’autant plus qu’il vient « d’un prof sévère » … avare de compliments …

    J’apprécie particulièrement d’avoir, grâce à ton étude, fait la connaissance d’un écrivain chilien engagé, persécuté par les sbires de Pinochet et qui partage son talent entre la relation des misères de son pays et l’envol du conteur d’histoires merveilleuses, jolies petites fleurs qu’il pique dans un « bourbier » de misère …

  • Les mains sont les seules parties du corps qui ne mentent pas. Chaleur, sueur, frémissement, et force. Voilà le langage des mains. »
    Sepuvelda est un grand conteur et un humain magnifique.

  • Sepúlveda c'est vraiment un de ces raconteurs d'histoires que l'on oublie pas une fois qu'on l'a rencontré
    Les nouvelles ne sont pas ma forme littéraire préféré mais avec un tel maître je suis prête à suivre

  • À lire ces nouvelles que je ne connais pas, merci!
    Ses carnets de voyage sont magnifiques aussi.
    Et, ceci n'a rien à voir mais....Près de Segovia, il y a un village appelé Sepúlveda. Un paysage quasi magique, l'art roman omniprésent:
    http://www.arteguias.com/romanico_sepulveda.htm
    Voyages en mots et en images....

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